Ainsi, Jean-Paul Votron, l’ex patron de Fortis a reçu 6,3 millions d’euros (1,3 million d’indemnités de base équivalant à une année de rémunérations au lieu des deux années prévues et 5 millions de bonus) pour son licenciement suite à la chute libre du titre Fortis en 2008. La banque a connu une perte de près de 20 milliards. S’il venait à quitter son poste, le patron de la KBC, André Bergen, recevrait 4 années de salaires évaluées à 2,5 millions d’euros. Rien de comparable bien sûr avec les sommes en jeu au pays de l’oncle Sam. Durant près de 20 ans, le champion toutes catégories a été F. Ross Johnson de la RJ Reynolds Tobacco Company qui a touché 58 millions de dollars en 1989. Mais Stanley O’Neal, le premier PDG licencié lors de la crise des subprimes, l’a devancé en 2007 avec 161 millions de dollars. Son employeur, la banque américaine Merrill Lynch, avait perdu 8 milliards d’actifs. Richard Fuld, patron d’une des plus grosses banques de Wall Street, Lehman Brothers, tombée en faillite en septembre 2008 avec près de 4 milliards de pertes et considérée comme la responsable de la crise financière américaine, a touché 260 millions dollars de rémunération entre 2004 et 2008.
En pleine crise, les dirigeants de Wall Street ont reçu 70 milliards de dollars de primes. Cela représente 10 % du budget de relance des banques injecté par le gouvernement américain. Car si Lehman Brothers n’a bénéficié d’aucune aide de l’Etat, il n’en est pas de même pour tous. L’assureur américain AIG s’était engagé à verser 450 millions de dollars de primes à ses dirigeants avant d’être renfloué par l’Etat de 150 milliards de dollars. Le dernier versement s’élève à 165 millions dont 20 millions pour son PDG Martin Sullivan. Obama affirme qu’il fera tout pour empêcher ce versement. En Europe aussi les pouvoirs politiques se renfrognent et menacent les grands patrons. Fred Goodwin, de la Royal Bank of Scotland, sauvée par la Grande Bretagne a renoncé à 2,5 millions d’euros d’indemnités mais a une retraite de 734.000 euros par an à vie. L’ex-PDG de Dexia, Axel Miller, a dû renoncer à ses indemnités de départ de 3,7 millions d’euros à la demande de la ministre française de l’Economie sous peine de non recapitalisation de la banque. Celle-ci a été sauvée grâce aux 6,4 milliards d’euros versés par les autorités françaises, belges et luxembourgeoises. La Société Générale, aidée par le gouvernement français de 1,7 milliards d’euros, devait verser 320.000 euros en stock-options à ses dirigeants qui, sous la pression, les ont refusés. Cependant, son ex-PDG Daniel Bouton bénéficiera d’une retraite de près d’un million. La filiale du Crédit Agricole, Cheuvreux, qui a reçu 3 milliards de l’Etat français, versera 51 millions à ses cadres en primes pour résultats satisfaisants alors que 75 personnes seront licenciées via un plan de restructuration. La banque française d’affaires Natixis en déficit de 2,8 milliards d’euros en 2008 et prévoyant la suppression de 1250 emplois versera 70 millions d’euros de bonus à ses traders alors que l’état français l’a aidée de 1,9 milliard. Sarkozy s’oppose au versement des bonus.
Les montants des indemnités de départ indécentes des grands patrons, relayés par la presse dans un contexte de crise, ont fait sortir le loup du bois. Même les organisations patronales exhortent à la modération. En France, un décret encadrant les rémunérations des patrons vient de paraître. Les entreprises bénéficiant d’un soutien de l’Etat ne pourront accorder à leurs dirigeants des actions gratuites ou sous-estimées. Les bonus ne peuvent excéder un an, les indemnités deux ans, et ils doivent se baser sur des critères de performance quantitatifs et qualitatifs. La Belgique vient de limiter les indemnités de départ des dirigeants d’entreprises à 12 mois de salaire (max. 18 mois pour plus de 20 ans de carrière). Pourtant, beaucoup appellent à encore plus de transparence, par exemple en présentant les primes devant le comité d’entreprise ou en indexant toutes les indemnités sur la
performance de l’employé sortant, même si l’entreprise n’a pas reçu d’aide étatique. Car ce que l’on appelle les parachutes dorés plafonnent parfois à 350 fois plus que ce que gagne un employé moyen. Aux indemnités légales de départ que versent les grosses entreprises aux dirigeants qui quittent leur poste (à cause d’un licenciement ou de plein gré) s’ajoutent des actions gratuites ou à achat à prix fixe (stock options), des rémunérations variables. C’est sans compter les primes relatives aux clauses de non-concurrence ou pour changement de contrôle de l’entreprise. De plus, le cumul fréquent d’un mandat social (PDG, directeur général ou président du directoire) et d’un contrat de travail au sein de la même entreprise additionnent les indemnités. Les montants deviennent alors scandaleusement élevés même pour les organisations patronales françaises (AFEP, Medef) qui préconisent 24 mois de rémunération incluant le salaire et la part variable, ce qui n’est déjà pas mince. Or, les indemnités de départ d’un tiers des dirigeants des grosses entreprises dépasseraient ce plafond.