25. Ce qu’en disent les médias…

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Il faut, avant toute chose, distinguer deux sortes de crises dans le système médiatique. D’une part la crise actuelle chroniquée par les médias, et d’autre part la crise structurelle vécue par les médias, qu’on appelle aussi la « crise de la presse».

La première chose qui nous vient à l’esprit aujourd’hui lorsqu’on pense au regard des médias sur la crise, c’est bien entendu la crise économique. Mais avant celle-ci, n’y a-t-il pas un principe de crise, inscrit au cœur même de la machine médiatique? En effet, l’un des rôles du journaliste consiste à expliquer à ses lecteurs une information nouvelle qui, par sa nouveauté même, introduit une « crise » dans les représentations. L’une des missions du journaliste est dès lors de tenter d’analyser cette crise, de faire émerger une cohérence, d’organiser des concepts.

Cette acception du terme, c’est-à-dire une « crise » générée par une situation nouvelle, a été fortement visible lors des attentats du 11 septembre. En effet, face à une rupture totale des repères géopolitiques, c’est la presse qui, la première, a cherché à expliquer ce phénomène en le recadrant dans une série d’événements précédemment survenus, en proposant une série de coupables potentiels, en donnant la parole à des spécialistes… Bref, en proposant aux lecteurs certaines clés pour parvenir à comprendre le monde.

Parmi toutes ces crises, nous le disions, la principale véhiculée actuellement par les médias est sans nul doute celle que traverse l’économie mondiale.
Une polémique existe autour du rôle des médias dans la crise financière. On trouve son origine dans une étude réalisée par le cabinet Gnresearch pour le compte d’Ethic, (un mouvement patronal français). D’après celle-ci, 43% des français pensent que les médias aggravent la crise à force de trop en parler. Selon le Figaro « Cette « surmédiatisation » aurait un double impact. D’une part, elle inciterait les entreprises à geler leurs projets : 65 % des interviewés estiment que les investissements des entreprises sont freinés à cause des médias. D’autre part, elle ralentirait la consommation des particuliers : 43 % des interviewés affirment que leur consommation quotidienne a été freinée du fait de l’information diffusée. Un sentiment plus marqué chez les femmes et les plus de 35 ans. Au final, 65 % des sondés estiment que trop parler de la crise finit par nuire à l’économie » 1.

Cette enquête a suscité pas mal de réactions, en particulier de la part de l’observatoire des médias ACRIMED (Action-Critique-Médias). Il rappelle sur son site Internet 2 que les consommateurs de médias s’aperçoivent bien eux même de l’existence de la crise ( licenciements, crédits plus durs à obtenir…). Il rejoint cependant partiellement les conclusions de l’étude précédemment citée, comme l’explique Jean-Marie Charon : « En agitant le spectre de la crise de 1929 et autres grands mythes inquiétants, il est vrai qu’il y a eu une tendance au catastrophisme, surtout au début. Certains médias, comme les radios et les télés, paient le manque de culture économique de certains journalistes, qui font des parallèles sans en comprendre la parfaite pertinence ».

Cette analyse est également celle de Robert Rochefort, président du CREDOC (Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de vie) : « La vision des médias est sans doute plus sombre que la réalité ne le sera. D’une part, car ils sont très influencés par des décisions microéconomiques telles que les fermetures d’usines. D’autre part, parce que la France sera moins touchée car c’est un pays où la sphère publique est très importante et joue le rôle d’amortisseur automatique. Enfin, parce que la crise n’est pas seule responsable du ralentissement de la consommation qui s’amorce. L’effondrement des ventes de voitures, par exemple, correspond aussi à un changement de mentalités à l’heure du défi écologique ».

Les médias, en plus de devoir
expliquer la crise, doivent y faire face. De fait, on parle de plus en plus de « crise de la presse ». Cette crise a des origines multiples : l’éclosion de la presse gratuite, l’apparition des sites en lignes (66% des belges utilisent le net sur une base hebdomadaire), les nouvelles technologies de l’image, les pertes de revenus publicitaires…

La presse américaine a vu le nombre de ses acteurs diminuer de 5000 personnes, celle de Grande-Bretagne, d’Espagne ou de Hollande ne sont d’ailleurs pas en reste, avec des centaines de licenciements. La Belgique est également touchée par cette crise, avec la suppression prévue en Flandre de 284 emplois.
En Wallonie, les chiffres ne sont pas connus, mais des mesures drastiques sont souvent imposées. On retiendra particulièrement le licenciement de quatre journalistes du Vif/l’Express à la fin du mois de janvier. Ce licenciement avait entraîné la mobilisation de 9 professeurs d’Universités et de Hautes Ecoles, qui avaient rédigés une carte blanche. Celle-ci avait créé une polémique liée à sa non-parution dans Le Soir et La Libre Belgique.

De ce rapport duel entre les médias et la crise jaillissent deux questions : d’une part, où se trouve la limite entre information et sur-information/désinformation, et, d’autre part, quel avenir pour la presse dans notre contexte socio-économique et politique actuel ?

Notes:

  1. Le Figaro le 23/12/2008, Article de Marie-Cécile Renault
  2. www.acrimed.org

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