« Artiste : c’est pas un métier »,
« Les études de Communication, LA section poubelle ! »
Entreprendre des études dans ces secteurs, c’est d’abord faire preuve de persévérance. Établir un état des lieux sur des sections où les débouchés paraissent inexistants, c’est d’abord s’apercevoir qu’il existe peu de statistiques en Belgique francophone, que ce soit au niveau des institutions publiques ou des établissements scolaires. Une fois formés, les étudiants sont lâchés sur le marché du travail sans pour autant posséder les armes nécessaires pour trouver « le job ». Selon Philippe Bauduin, créateur et ancien responsable de la cellule emploi de l’Université de Liège : « C’est une question politique. En Flandre, des chiffres sont disponibles. Il existe un suivi de l’étudiant depuis l’âge de 18 ans jusqu’à son entrée dans le monde du travail ».
Interpellé par le gouffre qui existe entre un organisme comme le Forem, qui ne parvient pas à placer les universitaires, et les patrons d’entreprises demandeurs, le cabinet Simonet, en collaboration avec Monsieur Bauduin, travaille à la mise en place d’une cellule emploi englobant l’ensemble des enseignements supérieurs. Alors que « l’efficacité » des agences intérim et du Forem alimente la rumeur d’absence de postes dans le secteur, Mr Bauduin l’affirme : « De l’emploi dans la communication, il y en a ! Mais soit les patrons ne publient plus les offres car cela coûte du temps et de l’argent, soit elles sont publiées quand on a déjà le bon candidat ». L’emploi existe donc, mais ce sont les méthodes pour parvenir à décrocher un entretien qui sont méconnues des diplômés.
Les difficultés sont autres lorsque l’on touche au secteur de l’art. Comment vendre son travail, à qui, à quel prix, vers qui se tourner ? Quant aux débouchés, les institutions artistiques semblent désarmées. Roland Olivier, de l’Académie des Beaux-Art de Liège, le confirme : « Chacun a sa chance, mais un artiste n’existera que s’il est reconnu par ses pairs, sinon… » Sinon, il reste un débouché : l’enseignement.
Raphaëlle Gilles, 24 ans. Journaliste indépendante à la DH et au Jour Verviers. Licenciée en communication en 2006.
Quel est votre parcours ?
« J’ai commencé ma licence en Communication à l’Université de Liège en 2002 et obtenu mon diplôme en 2006. Je travaille aujourd’hui comme journaliste indépendante ».
Considérez-vous que votre formation était complète?
« Je ne pense pas, en tout cas pas pour moi qui suis journaliste. Pour ce qui touche au métier de la communication d’entreprise ou politique, peut–être. Mais, par rapport au journalisme, j’estime que la formation ne m’a rien apporté du tout. Soyons clairs! Ce n’est pas avec trois cours pratiques et deux cours plus théoriques sur le sujet qu’on est armé. Même s’il faut reconnaître que les études en elles-mêmes sont vraiment chouettes et apportent une certaine ouverture d’esprit, depuis presque deux ans que je travaille dans le milieu journalistique, je constate que ma formation ne m’a pas apporté une véritable ligne de conduite. Tout au plus on touche aux prémices du métier, à savoir, comment mener une interview ».
Le programme des études de communication de l’ULG correspond-il au marché de l’emploi du même secteur ?
« Il y a un véritable décalage avec le monde pratique. En quatre ans, un mois de stage, c’est insignifiant ! C’est sûr qu’il y a des incohérences. Nous faire suivre des cours de statistique ou de logique, je ne vois pas trop l’intérêt, surtout dans le secteur des médias. On m’a toujours dit quand j’ai commencé les études de «commu » que c’était des études poubelle. Sans doute à cause du panel énorme de cours. Admettons que les candidatures, comme partout, proposent des cours un peu fourre-tout. Une fois en licence, il faudrait pouvoir proposer une formation qui offre un bagage réel. Actuellement, on reçoit juste les bases nécessaires pour s’en sortir. Il est évident que le métier de
journaliste s’apprend sur le terrain. Ce décalage, je l’ai vraiment ressenti à mes débuts ».
Si c’était à refaire ?
« Je ne regrette absolument rien et je ne vois pas quel autre parcours j’aurais pu suivre. J’adore mon métier et aujourd’hui je sais que c’est ce que je veux faire. Pour devenir journaliste, je conseillerais d’opter pour une formation qui offre plus de pratique avec des professionnels du milieu qui vous suivent efficacement parce qu’ils ont la connaissance du terrain, ce qui n’est pas le cas à l’univ ».
Christiane Haas, 29 ans. Employée administrative dans une société informatique. Graduée en photographie en 2002 et Licenciée en communication en 2005.
Quel est votre parcours ?
« J’ai d’abord commencé par des études de photo à Saint-Luc Liège. Étant de la région liégeoise, il m’a paru normal d’aller là, parce que c’était proche de chez moi, que je ne connaissais pas d’autres écoles et aussi parce que j’avais été convaincue par une exposition de fin d’année réalisée par des étudiants. Après quatre ans à Saint-Luc, je ne me sentais pas prête pour la vie active, je me trouvais trop jeune et insuffisamment aguerrie pour affronter le monde du travail. J’ai donc entrepris des études de communication. Je souhaitais devenir photographe de presse. Le monde des médias m’intéressait, mais je n’avais pas les connaissances théoriques nécessaires. Ce qui m’a d’ailleurs amenée à faire mon mémoire sur les photographes de presse. La découverte de la précarité de la profession m’a fait changer d’orientation. Mon intérêt pour le monde de la communication d’entreprise et l’organisation d’événements a finalement pris le pas sur celui de la presse ».
Considérez-vous que votre formation était complète?
« Même si en sortant de Saint Luc je me sentais trop jeune, il est clair que l’établissement ne nous a pas du tout mis en contact avec le monde professionnel. Nous n’avions aucun stage, juste des travaux scolaires, et donc aucun contact avec le monde du travail. Ce sentiment était différent en sortant de l’université. Nous devions accomplir un stage, bien que de courte durée, et avions des travaux à effectuer pour les magazines ou la radio de l’univ, de petits travaux qui nous confrontaient au monde réel».
Le programme des études de communication de l’ULG correspond-il au marché de l’emploi du même secteur ?
« Non, il devrait y avoir plus de cours pratiques. Avec le recul, j’ai l’impression que les cours purement théoriques ne me servent à rien ou alors je ne m’en rends pas compte. Mon sentiment est qu’ils ne m’ont pas vraiment aidée à affronter le monde du travail. Il faut tout de même faire une distinction quant aux débouchés mentionnés sur le site web de l’univ. On y parle, par exemple, de ressources humaines. Mais hormis la consultance de base pour agence intérim, cela ne relève pas vraiment de notre compétence. Nous n’avons aucune notion sur les lois sociales. Par contre, je pense que nous sommes mieux formés pour ce qui relève du socioculturel. Je suis d’avis que l’apprentissage se complète par des démarches personnelles. Il faut pouvoir apprendre par sa propre initiative. Et s’il est clair que le secteur est vraiment bouché, ce n’est pas de la faute de l’université. »
Si c’était à refaire ?
« Non, pour la communication ! Je choisirais une autre orientation comme les ressources humaines parce qu’il y a du concret derrière. La communication, c’est tellement vague que l’on peut postuler pour tout et rien, ce qui fait que le diplôme n’a plus grande valeur. Sauf dans le domaine du journalisme, car l’ULG forme à travailler dans les médias et surtout en presse écrite. Par contre, pour la photo, c’est oui. Même si cela ne m’a pas aidée à trouver du boulot (du moins pour l’instant). J’ai aimé ces études, j’y ai appris des choses “pour moi” et qui pourront m’aider si je trouve du travail de communication dans le domaine culturel. »