« Sponsor » est un anglicisme désignant l’entreprise qui soutient une personne, un organisme ou une action d’intérêt général (culture, santé, social, etc.), non pas dans un but philanthropique comme le mécène, mais commercial. En effet, le sponsoring (ou parrainage) induit des contre-parties pour le sponsor, à savoir notamment la promotion des produits et services de l’entreprise, ainsi que sa notoriété et son image de marque. De plus, le sponsoring autorise une série d’avantages d’un point de vue fiscal, pour autant que certains critères soient respectés. Il existe plusieurs types de sponsoring : financier, technologique (le sponsor met à disposition son savoir-faire technologique), en nature (le sponsor met à disposition des marchandises ou des services, des moyens matériels, humains ou techniques) ou de compétences (le sponsor met à disposition les compétences spécifiques de son entreprise).
On définit généralement le « mécénat » comme un soutien matériel effectué dans un intérêt autre que celui de l’exploitation, par l’entremise de dons ou d’acquisitions, sans aucune contrepartie, directe ou indirecte, pour le donateur. En Belgique, le mécénat ne permet pas encore d’obtenir des avantages d’un point de vue fiscal. Des projets de loi ont été déposés, mais n’ont toujours pas été votés à ce jour. De plus, ceux-ci n’intègrent pas le secteur associatif, alors que celui-ci est largement représenté dans le domaine culturel. Toutefois, en 2003 la Belgique s’est dotée d’un mécanisme de déduction fiscale dénommée « Tax-shelter ». Le Tax shelter est un incitant fiscal qui encourage la production d’oeuvres audiovisuelles et cinématographiques. Il permet aux sociétés de droit belge qui souhaitent soutenir la production audiovisuelle de bénéficier d’une exonération de leurs bénéfices réservés imposables à concurrence de 150 % des sommes effectivement versées.
Convergence et divergence d’intérêts
Pour une entreprise, faire connaître et vanter les qualités d’un produit ne suffisent plus aujourd’hui pour mettre au point une stratégie de communication. Donner constamment une image distincte et positive de l’entreprise, mettre en exergue certaines valeurs, sont devenus des enjeux essentiels, et se sont peu à peu intégré dans les logiques communicationnelles. À cet effet, le sponsoring comme le mécénat permettent de susciter et de retenir l’attention de la communauté, de s’y faire connaître en marquant ses différences et en affirmant sa propre identité dans d’autres domaines que professionnels. L’entreprise peut dès lors s’identifier comme un partenaire actif et solidaire, comme une institution dynamique et ouverte, donc sympathique et séduisante. Cela lui permet également de soigner ses relations avec les autorités locales institutionnelles et politiques, la presse et les relais d’opinion, dans un climat différent de celui des rencontres habituelles.
Si la contrepartie est moins directe dans le cas du mécénat que dans celui du sponsoring, certains objectifs, en termes d’image et d’identité, semblent tout de même convergents. En associant leur nom à celui de certaines initiatives culturelles, ce sont aussi les valeurs et les concepts inhérents à ces initiatives que visent les sponsors et les mécènes : ouverture et modernité, dans le cadre de projets avant-gardistes ou émergents, humanisme à connotation sociale ou écologique dans le cadre de manifestations proposant une vision sociétale, voire un certain élitisme pour des événements prestigieux comme le concours Reine Elisabeth, par exemple. En réalité, la grande différence entre sponsoring et mécénat, en Belgique en tout cas, réside principalement dans l’inexistence d’un mécanisme de déduction fiscale du mécénat.
Quels sponsors pour quels types d’événements?
Hormis l’objectif d’affirmer certaines valeurs, le service marketing d’une entreprise sponsorise aussi un événement selon le public-cible: âge, genre, catégorie sociale. Un Festival pour jeunes ou
de la musique classique pour retraités seront sponsorisés par une banque selon qu’elle cherche à fidéliser un public jeune ou plutôt à offrir des produits de placements spécifiques en complément de pension.
Le type de secteur de l’entreprise influence également le choix des manifestations qui seront sponsorisées. Une entreprise agroalimentaire ou de télécommunication, par exemple, va choisir un événement grand public car elle vise le plus grand nombre. Parfois, les critères peuvent être l’ancrage géographique, parce que l’entreprise lance un nouveau produit ou ouvre une nouvelle agence dans une région.
Les opérateurs culturels, eux aussi, ont parfois une politique bien définie en matière de recherche de sponsors. Comme l’explique justement le collectif «Place des Musiques » dans ce numéro (cf.p.28), le choix peut être influencé par des principes éthiques. Ainsi, « Place des Musiques » refuse de se tourner vers l’HORECA, et ne s’adresse qu’à des prestataires de services, comme les banques ou les assurances.
Les risques de la crise
Dès les débuts de la crise financière, on a vu les responsables de grandes institutions culturelles comme le Théâtre de la Monnaie, Flagey ou le Palais des beaux-Arts, s’inquiéter de l’avenir de leurs budgets amenés par des sponsors. Pas étonnant quand on sait que Flagey attendait pour 2009 50.000 euros de Fortis et 20.000 euros de Dexia, ou encore que Dexia représente 18%, et Fortis 17%, du budget total de sponsoring du Théâtre de la Monnaie. De plus, au-delà des problèmes rencontrés par le secteur bancaire, les entreprises dans leur ensemble sont touchées par la crise financière, de sorte que ce sont les budgets globaux du sponsoring qui risquent d’être revus à la baisse, ou de disparaître, au moment même où l’on incite de plus en plus les opérateurs culturels à trouver de nouvelles pistes de financement et à ne plus compter sur les seules subventions de l’Etat. Dans les petites associations, où l’on percevait déjà un malaise à devoir se tourner vers le privé, soit par manque de compétences spécifiques et d’expérience, soit par refus de principe d’associer leur image à un secteur qui symbolise la société marchande, ces nouvelles difficultés seront un obstacle supplémentaire.
L’Etat viendra-t-il au secours de la culture comme il le fait pour le secteur bancaire? Rien n’est moins sûr. Les différents acteurs du monde culturel devront trouver des nouvelles pistes de réflexion. Des acteurs du monde culturel et de celui de l’entreprise plaident pour que le législateur dote le mécénat d’un cadre légal avec une définition claire, une précision des champs d’application, qu’il prévoie des incitants fiscaux et qu’il crée le statut de fondation d’entreprise.
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Associatif et mécénat culturel
En 2008, « D’une certaine gaieté », dans le cadre d’une réflexion sur les nouvelles pistes de financement de la culture et, plus largement, sur les liens entre culture et économie, avait marqué son étonnement de ne pas voir le secteur associatif, pourtant largement représenté dans le secteur culturel, repris dans les champs d’application des projets de loi visant à doter le mécénat de possibilités de déduction fiscale. Dans le but d’interpeller les politiques et les entreprises et de les inciter à associer le monde associatif aux divers acteurs planchant sur la question, nous avions contacté toute une série d’associations culturelles afin de constituer à terme un groupe de pression et d’organiser des tables-rondes. Une bonne trentaine d’associations avaient manifesté leur intérêt. Le projet reste en chantier…