Colloque « Economie et culture : passages, échanges, collaborations »

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Dans ce cadre, le colloque s’est consacré à la question des interactions possibles et nécessaires entre l’économie de marché et la culture sous toutes ses formes. Longtemps considérés comme antinomiques, il apparaît aujourd’hui que ces deux pôles soient difficilement dissociables : en effet, comment envisager la culture en dehors de tout fondement économique, et comment nier les implications culturelles de l’économie ? L’objectif du colloque était dès lors de considérer l’entreprise, la recherche et la culture au travers des liens qu’elles entretiennent, et de voir quels impacts favorables leurs relations pourraient avoir sur le développement de la région liégeoise.

Comme l’indique leurs titres « d’ateliers », les quatre tables rondes composant le colloque « Economie et culture : « passages, échanges, collaborations » étaient des séances de travail, permettant à toutes les personnes présentes d’intervenir. Une fois les introductions aux débats exposées, la parole était donc ouverte à chacun, afin de trouver collectivement des ébauches de solutions aux problématiques abordées. Les ateliers avaient pour but d’analyser sous différents angles la complémentarité entre les « créateurs» (de la culture ou de la recherche), et les acteurs économiques.

Le premier atelier avait pour question principale «Quelle rencontre entre les entreprises industrielles et les entreprises culturelles ? ». Deux visions de l’entreprise s’y rencontraient. La première était soutenue par Bernard Serin, le Président-administrateur-délégué de CMI. La seconde était représentée par Jean-Marie Hermand, l’administrateur-délégué des Grignoux. Tous deux s’accordaient sur l’importance de la culture en tant que pôle de re-dynamisation de la Région liégeoise, même si le premier cité voyait l’économie comme objectif principal et la culture comme moyen d’attirer les investisseurs potentiels, alors que J-M Hermand mettait davantage l’accent sur la nécessité de fournir aux Liégeois une culture de qualité qui, grâce à une bonne gestion, permettrait de créer de l’emploi.

Le deuxième atelier, « Recherche et création : échanges entre l’entreprise et l’université » traitait des possibilités de collaboration entre ces deux agents, et était consacré à la recherche sous toutes ses formes. Il incluait la culture dans la recherche d’une dimension créative qui pourrait se greffer sur ces collaborations. Les différents ingénieurs qui animaient la discussion ont soulevé le problème de la création en entreprise à laquelle ils n’étaient pas préparés. Comme l’explique P. Kridelka, physicien d’une grande entreprise de téléphonie, « Les artistes ont des trucs que les gens d’entreprise n’ont pas compris ». L’artiste, en tant que vendeur de rêve, serait, d’après beaucoup d’intervenants, une possible solution à la recherche permanente de création des entreprises.

Le troisième atelier, intitulé « Une culture de l’apprentissage, de l’ouverture et de la mobilité » abordait la question de savoir comment la culture et l’économie peuvent ensemble mobiliser toute la société, et particulièrement comment garder perpétuellement en éveil le sens de la création et le goût de l’apprentissage au sein de la communauté de citoyens. Annie Cornet, professeur de gestion des ressources humaines et de management aux HEC-Ulg a principalement souligné la nécessité du décloisonnement, entre la culture et l’économie, bien sûr, mais également dans le domaine de l’enseignement. Le modèle scolaire actuel, qui impose des choix restrictifs aux étudiants, ainsi qu’une hiérarchisation des matières, au sommet desquelles prévalent les sciences « dures», a été remis en question, avec comme enjeu un repositionnement des disciplines. De même, les limites d’un apprentissage en terme de normes et de modèles ont été démontrées, ainsi que le besoin de remplacer ce système par une formation qui stimulerait l’apprentissage et la créativité dans toutes les disciplines, autant artistiques que scientifiques. Ce point de vue a été repris par le plasticien
Patrick Cornillon, qui a insisté sur l’importance de la créativité dans les «métiers d’exécution », et a d’autre part témoigné du désir de l’artiste d’être reconnu à travers son travail comme un membre actif de l’évolution d’une société. Le décloisonnement a également été abordé dans le domaine de la mobilité sociale et du relativisme culturel. Oser reconnaître ses propres stéréotypes pour les remettre en question, ainsi que dépasser les clivages sociaux, sont apparus comme les impératifs qui permettraient à notre région d’évoluer. Immanquablement, la difficulté des Wallons à apprendre les langues étrangères est apparue comme exemplaire de nos déficits régionaux, imposant, à nouveau, de nouvelles décisions politiques en vue de faciliter cet apprentissage.

Dans le quatrième atelier, dont le titre était « Société multiculturelle, valeurs durables et modèles nouveaux», c’est la culture dans son sens large, en tant que modes de vie et de pensée, qui était envisagée. Le questionnement portait sur l’évolution de la multiculturalité et le devenir de l’immigration dans un contexte de crise économique, et, comme l’a rappelé Hassan Bousetta, chercheur au Centre de l’ethnicité et des migrations de l’Ulg, l’enjeu était d’inclure l’économie dans une perspective multiculturelle. La discussion s’est ouverte sur un constat amer : autrefois ville d’accueil et de tolérance – entre autres grâce à une identité forte et ouverte forgée dans le mouvement ouvrier – Liège profite moins de sa multiculturalité que par le passé. Les participants ont proposé plusieurs explications à ce phénomène, et ont échangé des possibilités d’issue à cette situation. Parmi celles-ci, l’exigence d’un retour aux racines et d’un renforcement des identités a été mise en question, de même que l’intérêt de cette mesure pour la construction d’une culture liégeoise.

Une synthèse des quatre ateliers, suivie d’un débat à la salle Académique de l’Université, clôturaient ce colloque. Après en avoir rappelé l’enjeu principal, à savoir la créativité au service du développement régional, dans un contexte économique où la production de biens immatériels devient prédominante, le professeur J.Dubois a rappelé l’importance croissante de la culture et la nécessité d’une alliance de celle-ci avec l’économie en vue d’un « ré-enchantement du monde». Ensuite, le député provincial P-E.Mottard a mis l’accent sur le besoin d’être à l’écoute de la création, et, pour ce faire, de développer de nombreuses actions visant à la soutenir. Il a mis en exergue sa volonté d’être d’avantage à l’écoute des acteurs culturels notamment en les incluant dans le GRE, et a annoncé la mise en place prochaine d’une maison de la création. J-C.Marcourt, ministre de la Région Wallonne a également mis l’accent sur la nécessité de « dynamiser la culture pour obtenir une dynamique économique plus importante ». Cette dynamique, a-t-il précisé, doit s’adresser à tous les acteurs culturels, et pas uniquement pour 2015, mais dès aujourd’hui. M. Quévit a, quant à lui, affirmé que le couple économie-culture devait s’accompagner d’un développement territorial. Il a expliqué que si la culture apparaissait aujourd’hui à tous comme une condition nécessaire de la croissance économique, c’est parce que l’économie a profondément évolué. Aujourd’hui, les piliers menant au développement sont l’inventivité, l’éducation et la formation, l’accessibilité au global et le développement en réseaux : ces quatre axes étant fortement liés à la culture, le rapprochement entre cette dernière et l’économie est devenu indispensable. B.Rentier, recteur de l’ULG, a ensuite parlé du rôle essentiel de l’Université comme organe formant à la fois des chercheurs et des artistes. Selon lui, l’utilisation de techniques constitue un lien étroit entre ces deux types d’acteurs, ce qui lui permet d’affirmer : « L’artiste est un chercheur, et le chercheur est un artiste ». Après le recteur, le seul intervenant émanant directement du milieu culturel, l’artiste et architecte P.Hebbelinck, a expliqué que, d’après lui, la vraie création
est la capacité d’échanger et a souligné l’importance du politique comme soutien de l’entreprise culturelle. Les deux derniers intervenants, V.Reuter et T.Bodson, ont respectivement mis en avant la nécessité d’inclure le tourisme dans le «couple » économie-culture, et d’améliorer l’enseignement.

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Impressions :

Un sentiment mitigé semblait fortement répandu, tant durant les ateliers qu’après le colloque. D’une part, ce débat a rassemblé les différents acteurs économiques et culturels, ce dont on ne peut que se réjouir. De plus, beaucoup d’idées stimulantes ont été émises, dans une ambiance plutôt dynamique et optimiste, permettant l’échange de ponts de vues dans un climat d’attention et d’écoute. Cependant, cet idéalisme ne suffit pas sans mesures concrètes. « Qu’est-ce que tout cela va réellement apporter?» semblait être la pensée de la plupart des personnes que nous avons eu l’occasion d’interroger. « Je ne viens pas ici pour trouver les réponses aux questions que je me pose, l’important est surtout de faire des nouvelles rencontres » expliquait par exemple G.Leclerc, comédien. « Le problème de ce colloque est qu’il ne répond pas aux véritables demandes des acteurs culturels » analysait le plasticien F.Desiderio, qui regrettait que les réalités « de terrain » ne soient pas toujours prises en compte.

Ces témoignages s’ajoutent au fait que, par exemple, dans le deuxième atelier, on parlait relativement peu de culture, et surtout que, dans le colloque final, un seul intervenant faisait partie du milieu culturel, contre trois de la sphère politique.

De ces constats émerge la question : quoi de concret ?

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