Statistiques européennes du chômage ? Des poids et des mesures…

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Qu’apprend-t-on de l’évolution du taux de chômage ? Quelles en sont les statistiques publiées dans la presse? Prenons un journal au hasard. Il est y est écrit que taux de chômage en Belgique a diminué, passant de 10,9% en septembre à 10,6% en octobre. Le lecteur est invité à se réjouir. Il en resterait là si son esprit critique ne le poussait pas à consulter d’autres sources et là… surprise ! Il y a déjà du changement : la Belgique semble aller mal, on affirme ici que le chômage s’accroît. Le taux évolue de 6,6% en septembre à 6,7% en octobre. Perplexes ? Ces données ont en fait été calculées différemment et s’inscrivent dans un autre cadre : celui de l’Union européenne des 27. On a beau s’en rendre compte, cela n’empêche pas d’être dubitatifs : ce taux de chômage, finalement, il augmente ou il diminue ? 1 D’où viennent ces statistiques ? Comment sont-elles produites et, dans le cas qui nous préoccupe ici, à quoi sont dûs de tels écarts ?

“La” statistique est une branche des mathématiques qui permet de décrire (statistique descriptive) voire de prévoir l’évolution (inférence statistique) d’ensembles ou de systèmes dont les éléments constituants sont pourvus de caractéristiques quantifiables. L’emploi de la statistique s’est répandu au sein de la plupart des disciplines académiques, des sciences naturelles aux sciences sociales avant de s’étendre, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, aux domaines économiques et politiques.

Quels sont les enjeux politiques des statistiques ?

La “gestion” politique contemporaine telle qu’elle se déploie au travers des institutions européennes dépend étroitement du recours aux statistiques (celles-ci permettant l’orientation, la mise en oeuvre de politiques particulières). L’Europe s’est engagée récemment dans un plan de relance économique dont le domaine d’action couvre notamment la mise en oeuvre de mesures d’”activation” des chômeurs. Il s’agit là d’un processus de “gestion” qui, en tant que tel, implique l’adoption d’une méthode de suivi. Pour ce suivi, la commission européenne dispose d’un organe particulier : l’Office statistique des communautés européennes (communément appelé Eurostat), qui est l’une des 37 directions générales de l’Union Européenne.

Eurostat fut créé en 1953 pour répondre aux besoins de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier ou CECA, structure considérée historiquement comme la première démarche menant à l’Union Européenne. Cet office statistique a pour tâche aujourd’hui de coordonner et d’harmoniser les données et enquêtes statistiques entre tous les pays membres. Ce processus fut initié au début des années 80 par la mise en place du Système Statistique Européen (SSE), une organisation en réseau entre divers organismes statistiques.

Dans le cadre du SSE, Eurostat coordonne notamment l’ « Enquête sur les forces de travail » réalisée par les Instituts nationaux de statistique (dans ce domaine, pour la Belgique, c’est l’ONEM qui fournit les statistiques relatives au chômage). Lors de l’entretien téléphonique qui a servi de base à la rédaction de cet article, un fonctionnaire d’Eurostat 2 nous a dit que l’EFT pour la Belgique portait sur 15 000 ménages, soit environ 20 000 personnes. S’agit-il d’un échantillon de données fournies par l’ONEM à Eurostat ou d’une enquête menée indépendamment ? Cela n’a pas
été précisé.

Cette enquête vise à établir des statistiques comparables au niveau européen, voire mondial, sur le volume, la structure et l’évolution de l’emploi et du chômage. Le but est de permettre un classement entre emploi, chômage et inactivité et ce, en référence aux catégories (définitions, conventions, recommandations) du Bureau international du travail (BIT).

La définition du chômeur est fonction de celle de “population active”. Pour le BIT, la population active (les actifs) représente l’ensemble des personnes ayant plus de 15 ans 3 et qui ont travaillé non bénévolement durant une semaine de référence. Les personnes ayant un emploi mais ne l’exerçant pas pour diverses raisons, comme un congé maternité, ainsi que les chômeurs font également partie de la population active. Les chômeurs, au sens du BIT, constituent un sous-groupe d’actifs qui sont : 1) Sans travail 2) disponibles pour travailler 3) en recherche active d’emploi. Dès lors, le taux de chômage peut être calculé comme suit : le nombre des actifs divisé par le nombre de chômeurs, le tout multiplié par 100 (ce qui nous donne un pourcentage). Notons qu’Eurostat ajoute la notion d’âge maximum (qui est fixé à 74 ans)

Les taux de chômage de 6,6% et 6,7% évoqués plus haut se rapportent donc à une certaine définition du chômeur (celle du BIT) qui n’est pas la même que celle relative aux chiffres issus des fichiers administratifs de l’ONEM (ou de l’ONSS, de l’INASTI, etc.). En effet, les 10,9% et 10,6% fournis par l’ONEM découlent d’un autre traitement, avec d’autres critères.

Bien. Mais sur quels chiffres se basent les décisions politiques ? Pour ce qui a trait aux politiques supranationales (ce qui se joue au niveau de la Commission européenne), ce sont les chiffres d’Eurostat qui sont privilégiés. Nos représentants politiques sont, on le suppose, au clair avec ces différences dans le traitement des données. Par contre, pour le citoyen lambda, c’est différent : tant qu’il ne saura pas ce que signifient les chiffres qu’on lui présente (quels critères sont utilisés, etc.), tant qu’il ne saura pas qu’il est possible que les chiffres qui conditionnent ses jugements ne sont pas forcément ceux qui comptent, il courra le risque d’être trompé et de se construire de fausses représentations de la réalité.

Nous aurions encore bien des questions à résoudre et cet article ne peut donner que des pistes à ceux qui voudraient approfondir le sujet. Par exemple : quels sont les critères précis sur lesquels se basent les chiffres publiés par l’ONEM ? Quels usages fait-on des statistiques (dans les décisions politiques, dans l’influence éventuelle de l’opinion publique, etc.) ? Qui a intérêt à un détournement de chiffres et comment pourrait-on empêcher que cela ne se produise ? Sous quels thèmes sont réparties les enquêtes effectuées par les organismes d’enquête ? Qui commande ces enquêtes et à quoi peuvent-elles servir ? Eurostat développe un programme statistique tous les 5 ans, il pourrait être intéressant de savoir en quoi consiste le programme 2008-2013. La vigilance est de mise : nous ne creuserons jamais assez nos informations. Tout appel visant aux démystifications, et aux explications claires, est à encourager. La meilleure façon d’éviter la confusion et l’abêtissement n’est-elle pas de soulever ce qui nous semble incohérent afin de susciter les réactions ?

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Les conditions d’accès aux indemnités de chômage dans l’Union

j Conditions d’accès

k Montant moyen approximatif/mois

l Durée des droits

m En dehors du chômage (montant approximatif)

n Particularités

Allemagne

nj Avoir entre 15 et 65 ans et être apte à trav. Etre inscrit auprès de l’A.L.E. Avoir 12 mois de trav. sur deux ans.

k 1250 €/ (67% du sal. moyen net pour 1 pers. avec enfant) & 1119 €/ (60% du sal. moyen net pour 1 pers. sans enfant)

l Max. 1 an (selon trav. presté).

m Statut « Hartz IV » 351 €/ mois.

n Chèque « alloc.logement » pour les « Hartz IV ».

Autriche

j Toute pers. autrich. ou de l’UE. 6 mois de trav. sur 1 an ou 12 mois sur les 3 dernières années.

k Analogue au système allemand.

l Max. 1 an (selon l’âge et trav. presté)

m Allocation d’assistance possible sous condition. Représente 92 à 95% de l’allocation de chômage.

Belgique

j Chercher activement un emploi, être inscrit comme dem. d’emploi. Après les études avoir réalisé un stage d’attente de 155 à 310 j. ou avoir trav. 312 j. sur 18 derniers mois ou 624 j. sur derniers 36 mois (selon l’âge)

k Alloc. d’attente : Entre 229 et 884€ selon situ. famil. Alloc. de chômage : isolé: 60% du dernier sal. plafonné à 1768, 50% la 2ème année ; Avec famille : 60% du sal de réf. ; cohabitant : 55% du salaire de réf. la 1ère année, 40% a partir de la 2ème année.

l Illimité avec contrôle du chômeur et activ. après 2 ans.

m Allocation d’assistance accordée sous condition. Durée illimitée. Environ 650€ pour une pers. isolée

n Réductions accordées pour divers services

Bulgarie

j Etre inscrit à l’A.L.E et avoir trav. 9 mois sur les 15 derniers mois.

k Entre 46€ et 92€ (60% du sal. de réf.)

l Max. 1 an

Chypre

j Etre inscrit à l’A.L.E. Avoir cotisé 26 sem.

k Allocation de base : 60 % de la part inférieure du revenu assurable moyen sur l’année écoulée (revenus assurables 572€), + 1/3 pour le 1er bénéfic. à charge et +1/6 pour autres pers. à charge

l Environ 5 mois

Danemark

j Avoir trav. et cotisé 13 mois sur 3 ans.

k Max. 1937€

l 4 ans max. (selon cotisations payées et temps de chômage antérieur)

m Aide sociale versée (entre 1100 € et 1462 €) par les communes sans limite de temps (sauf pour les extra-communautaires ; 6 mois et 710€).

Espagne

j Avoir 16 ans, signer contrat d’activation, ê affilié à la sécu, avoir cotisé 360 j.

k 70% du sal. de réf. pdt 6 premiers mois, 60% ensuite (sal. moyen net : 900€)

l 2 ans max.

m 450€. Pour chômeurs de longue durée de + de 45 ans, alloc. spéc.jusqu’à 750€.

Estonie

j Avoir 16 ans, être inscrit à l’A.L.E , avoir cotisé 12 mois sur 36 derniers mois.

k 50% du sal. de réf. et 40% par la suite. (salaire moyen 600€)

l 1 an Max.

m 58€ pour 1 isolé + 46€ par pers. à charge + 13 par enfant de – de 18 ans.

n Les communes peuvent octroyer des prestations suppl. pour les bénéf. d’assistance.

Finlande

j Etre inscrit au bureau de placement.

k 520€ pour 1 isolé & augmente avec le nbre d’enfants. Les jeunes touchent 60% de la somme, augmentée s’ils participent aux mesures pour l’emploi.

l 500 jours

m Assist. chôm. selon crit. précarité.

France

j Etre inscrit au bureau de placement, chercher activement 1 emploi, avoir trav. min. 6 mois pdt 22 derniers mois, avoir moins de 60 ans.

k Minimum 765€. Varie selon dernier sal..

l Max. 23 mois

m Entre 338€ et 506€ selon l’âge. Illimité

Grèce

j Avoir trav. et cotisé 5 mois sur les 14 derniers mois.

k 418€

l Max. 1 an (dépend des cotisations)

Hongrie

j Avoir trav. 200 j. sur les 4 dern. années, être inscrit au service public de l’emploi

k Entre 156€ et 313€ selon dernier sal. pdt 91 j et 156€ pour les 179 j. suivants.

l Max. 9 mois

m 104€ pdt 90 j., 180 j. pour + de 50 ans.

Irlande

j
Avoir 16 ans, être inscrit au bureau de placement, avoir cotisé min 39 sem. sur 1 an ou 26 sem. sur 2 dern. années fiscales.

k 743€

l Max. 13 mois

m 592€ + 394€ par adulte à charge + 67€ par enfant à charge. Dépend des ressources. Illimité dans le temps.

Italie

j Etre à la disposition du bureau de placement. Chômage ordinaire (pour ts les salariés); 2 ans d’assurance et 52 cotis. hebdom. sur 2 ans. Indemnité de mobilité (pour ts les salariés sauf trav. du bâtiments et paysans); 12 mois d’assurance dans l’entreprise et min. 6 mois prestés.

k Chômage ordinaire; 50% du sal. de réf. avec plafond de 985€ pdt 6 premiers mois, 40% pour le septième mois. Chômage de mobilité : 100% la 1ère année puis 80% avec plafond de 985€

l Chômage ordin.: 7 mois; + de 50 ans : 1 an Chômage de mobilité : De 1 à 4 ans ds régions du Sud.

n Régime partic. pour trav. du bâtiment et paysans.

Lettonie

j Etre inscrit comme dem. d’emploi, être affilié à l’assur. soc. depuis 1 an et avoir payé min 9 mois de cotis. pdt dern. année.

k De 50 à 65% du sal. de réf., dégressif dès le quatrième mois. (sal. moyen: 270 €)

l 9 mois

Lituanie

j Etre enregistré dans 1 A.L.E, chercher activmt 1 emploi, cotiser 18 mois sur les 3 dern. années.

k Max. 198€ dégressifs au 4è mois.

l Max. 9 mois (selon nbre d’années de cotis.) Allongement possible pour pers. en retraite endéans 5 ans.

n Exceptions pour percevoir un chômage; ex.: pers. licenciées en manque de cotisation, ou pers.ayant pris congé parental les 3 premières années.

Luxembourg

j 26 sem. de trav. sur la dernière année. Etre inscrit comme dem. d’emploi, accepter un emploi approprié.

k 80% du sal. de réf. (chôm. moyen : 1400€, dégressif après la 1è année.)

l 18 mois

m Selon critères de précarité, Revenu Minimum Garanti ; 1070€ pr chef de famille 1606+ 97€ par enfant à charge.

Malte

j Etre inscrit auprès de l’office de l’emploi, 50 sem. de cotis. dont min. 20 doivent être payées sur 2 dernières années.

k Entre 257€ et 442€ suivant situation familiale et sociale du chômeur.

l + ou – 5 mois selon cotisations honorées.

m Diverses aides possibles selon situation familiale et sociale du chômeur.

Pays-bas

j Avoir trav. min.6 mois aux Pays-bas ou dans un autre Etat de l’Union, être inscrit au centre Emploi et Revenu, ne pas refuser un emploi approprié.

k 70% du dernier sal.réf. (sal. moyen : 2050€)

l Entre 9 mois et 4 ans selon trav. presté.

m Environ 845€

Pologne

j Etre inscrit comme dem. d’emploi, 450 j. d’emploi salarié ou assimilés sur 12 mois.

k De 80 à 120% du sal. de réf. selon les années de trav.. Chômage de base 124€

l 1 an ou exceptionnellement 18 mois. (sur base du taux de chômage région.)

n Aide sociale pr pers. précarisées. Aide pécuniaire ou matérielle, tempor. ou non

Portugal

j Etre inscrit comme dem. d’emploi, 450 j. d’emploi salarié ou assimilés sur 12 mois.

k 65% du sal. de réf. (sal. min. : 470€)
Une fois l’assurance chômage terminée, suivant cert. crit, assist chômage possible. De 80% à 100% du sal. min. (470€).

l Entre 1 et 3 ans selon âge et cotisations

m Assistance sociale : entre 182€ et 364€ selon la situation familiale

République Tchèque

j Etre inscrit à l’A.L.E, avoir trav.12 mois sur 3 dernières années.

k 50% du sal. net pdt 3 premiers mois, puis 45% (salaire minimum : 295€)

l Entre 6 mois et 1 an selon l’âge.

m Aide sociale pour citoyens en diff.

Roumanie

j Avoir cotisé 12 mois sur les derniers 24 mois, être inscrit à l’A.L.E, être diplômé ou avoir fait son service militaire.

k Environ 75% du sal. brut min. de base pouvant être majoré en fonction des cotisations honorées; pour les
militaires et les diplomés, 50% du sal. brut minimum (salaire minimum net: 120€)

l Entre 6 mois et 1 an selon cotisations.

Royaume-Uni

j Chercher activmt 1 emploi, ne pas trav. + de 16 heures par sem., ne pas avoir un patrimoine de 16000£, ne pas avoir de partenaire trav. plus de 24 h par sem., avoir cotisé sur 1 année dans les 2 deux dernières années.

k Entre 204€ et 340€ selon l’âge

l 6 mois

m Assistance chômage selon revenus et la situation familiale. Illimitée. Le montant varie entre 408 et 536€

Slovaquie

j Avoir cotisé 2 (CDD) ou 3 ans sur les 4 dernières années, être inscrit comme demandeur d’emploi.

k 50% du sal. brut de réf. (salaire min. net : 220€)

l Entre 4 et 6 mois selon cotisations.

m Aide sociale possible temporairement selon certains critères de précarité.

n Cumul possible avec un revenu professionnel si celui n’excède pas 93€ par mois.

Slovénie

j Etre âgé de + de 15 ans, ê inscrit au service pour l’emploi, chercher activmt 1 emploi, min. 12 mois de cotisations sur les derniers 18 mois

k 70% du sal. de réf. pour les 3 premiers mois, puis 60% (sal. min. : 521€)

l Entre 3 mois et 2 ans selon l’âge et les cotisations honorées

n Les pers. de + de 50 ans peuvent voir leur temps de chômage augmenter jusqu’à la pré-pension.

Suède

j Etre inscrit à une A.L.E, chercher activement un emploi convenable, avoir trav. min 6 mois, avoir cotisé (variable)

k 80% du sal. de réf, max. 1950€. Allocation de base : 910€

l 10 mois. Max. 20 mois

Notes:

  1. Selon les données de l’ONEM, le taux de chômage en Belgique serait passé cette année de 10,9% en septembre à 10,6% en octobre. La méthode Eurostat appliquée aux données fournies par l’ONEM, qui situe la Belgique dans le contexte des 27, les fait rétrécir à 6,6% et 6,7% respectivement. Sources (incomplet) : “Le chômage baisse encore à 10,6 % en octobre” dans : http://www.lesoir.be/actualite/economie/le-chomage-baisse-encore-a-10-2008-11-26-666545.shtml
    “Le taux de chômage stable en Belgique à 6,6%” dans :
    http://www.dhnet.be/infos/belgique/article/231246/le-taux-de-chomage-stable-en-belgique-a-66.html (10/11/2008), + autres
  2. Didier Dupré.
  3. En réalité, la résolution de 1982 ne mentionne aucun âge ; c’est un autre document qui marque la limite minimum pour l’entrée dans la population active : la Convention concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, de 1973, qui stipule que “l’âge minimum (…) spécifié ne devra pas être inférieur à l’âge auquel cesse la scolarité obligatoire, ni en tous cas 15 ans.”

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