Stas Academy

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Si vous ne savez décidément pas pour quel cadeau opter, ayez donc la bonne idée de ne surtout pas oublier la monumentale Anthologie de la subversion carabinée du très savant Noël GODIN, dont une nouvelle édition, revue et considérablement augmentée (surtout pour l’effarante Bibliographie qu’on y trouve) vient de paraître chez l’Âge d’Homme. Et d’ailleurs, si vous ne possédez pas cette « Bible », offrez-vous la donc à vous-même et laissez-la en permanence près de votre lit douillet, jusqu’à ce que cet indispensable ouvrage ait pris l’aspect « culotté » des vrais livres de chevet. Ceci dit, je ne sais par où attaquer, tant on déboise pour imprimer des tonnes de bouquins ! Une nouvelle Alice au pays des merveilles a vu le jour au Seuil-Jeunesse avec des illustrations un tantinet japonisantes de Thomas PERINO. Mais les « adultes avertis » se hâteront plutôt de retrouver Alice (en compagnie, cette fois, de la Wendy de Peter Pan et de la Dorothy du Magicien d’Oz ) dans une bande dessinée du genre soufflant parue aux Éditions Delcourt: Filles perdues, d’Alan MOORE pour le subtil scénario et Melinda GEBBIE pour les sublimes dessins. Vous y découvrirez la face cachée des trois ingénues, à travers les croustillantes aventures qui leur sont arrivées en Europe, à l’aube du XXème siècle, lorsqu’elles se laissèrent guider par l’éveil de leurs sens et stimuler (tout partout) par diverses expériences sans tabou aucun… et c’est plutôt « bandant », si j’ose m’exprimer ainsi. Tant qu’on est dans la section des « petits Mickeys », on jette un œil plus que favorable sur les aventures de deux cadors, Fred & Stouf, créés par JANIN & LIBERSKI, en ricanant souvent avec les Gens adorent, paru chez Luc Pire. Une autre BD, que j’ai achetée à cause du titre (qui l’eût cru), Dieu qui pue, Dieu qui pète et autres petites histoires africaines, (Treize étrange, éd. Milan, 300, rue Léon Joulin – F 31101 Toulouse Cedex 9) vaut le détour. Fabien VEHLMANN & Frantz DUCHAZEAU ont l’art de nous dépayser avec bonheur. « Dieu est arrivé chez nous par une belle journée de printemps. Enfin quand je dis « Dieu », c’est pas trop sûr. Il ressemblait plutôt à une grosse nuée de mouches avec, au milieu, un type qui sentait comme mille crottins d’éléphant malade…  » Puisqu’on y est, restons dans « la matière » (on a ses tics). On offrira aux bambins d’au moins 36 mois J’ai fini, de Victoria ROBERTS & Lee WILDISH (Gründ ), un livre avec un vrai cabinet, tenu de produire sa musique spécifique à toutes les pages… Charmant ! Les plus grands, quant à eux, seraient tout heureux de recevoir le Compagnon des toilettes, de James BUCKLEY Jr. (Tornade, 221, Bd. Raspail – F 75014 Paris), où ils apprendront nombre de choses étonnantes, édifiantes, instructives ou drôles sur la pièce la plus utilisée de la maison. In caca veritas, de Josh RICHMAN, le Dr. Anish SHETH & TEBO (Glénat) est également un livre dont le besoin se faisait généralement sentir. « Le caca, c’est un peu comme les flocons de neige : chaque crotte est unique. Grâce à ce livre-hommage qui démystifie l’obscur fonctionnement du système digestif et analyse votre état de santé d’après celui de la cuvette, vous saurez tout, tout, tout sur le caca ! Vous trouverez ici la description aussi limpide que cocasse de dizaines de crottes différentes, ainsi que des anecdotes, des annales médicales et autres précisions pour « pousser » plus loin !  » Tirons la chasse et passons à d’autres choses.

Vu le rythme effréné de ses productions, Michel ONFRAY remplira bientôt deux planches de nos bibliothèques. Le cinquième tome de sa Contre-Histoire de la Philosophie a vu le jour chez Grasset, l’Eudémonisme social (fin XVIIIème – XIX ème s.), où l’on traite, entre autres de Fourier et Bakounine. Chez Galilée, on lit avec intérêt la Pensée de midi, Archéologie d’une gauche libertaire, qui repose sur le trio
Georges Palante, Jean Grenier et l’Albert Camus de l’Homme révolté, trois hérauts auxquels Onfray rend un hommage amplement mérité, nous invitant aussi à nous inscrire dare-dare dans leur sillage. Chez Flammarion, le Souci des plaisirs, construction d’une érotique solaire combat utilement tant le « corps déplorable » que la « sexualité catastrophique » fabriqués par vingt siècles de christianisme. On raconte ici « l’obscurcissement chrétien de la chair », auquel on oppose « une philosophie des Lumières sensuelles ». Pour en finir avec ce bourreau de travail, sachez qu’il préfaça le charmant Dictionnaire libertino-libertaire, que Pierre DE PROOST nous propose à l’Archange Minotaure (702, Chemin des Puits – F 84400 Apt). Extrait : « Qu’on lise les citations proposées par Pierre De Proost avec le même plaisir qu’on regarde passer dans la rue « le feston et l’ourlet » d’une passante qui nous ravit l’âme et le corps, qu’on les médite avec la gourmandise d’un cigare fumé dans une nuit d’insomnie ou d’un armagnac partagé avec des amis, qu’on les expérimente à la manière d’une vieille reliure dans la boutique d’un vendeur de vieux livres, qu’on les raconte à ceux qu’on aime, qu’on les écrive sur un papier, pour les punaiser ici ou ailleurs. Certes. Mais surtout qu’on les vive, qu’on les expérimente et qu’elles fournissent un perpétuel viatique aux fanatiques de volupté et aux fous de liberté. » Restons sous la ceinture avec le Dictionnaire érotique de la francophonie, de Georges LEBOUC (Éditions Racine, Autour des mots ).Tous les pays francophones ont éprouvé le besoin de créer leurs propres vocables (bourrés d’humour quand ils ne sont pas d’une rare crudité) pour évoquer les choses de l’amour. Au Québec, on dit d’une femme aux seins généreux qu’elle peut prendre sa douche sans se mouiller les pieds et, lorsqu’on s’avère très amoureux, on aime à la folie comme une puce à l’agonie. Aux Antilles, lorsqu’un mariage régularise une situation de concubinage, on parle d’un bénicommerce, tandis qu’à la Réunion, on dira plutôt qu’il s’agit d’un mariage pour ramasser l’âme. Quand on a des relations sexuelles en Côte d’Ivoire, on conjugue ensemble, au Cameroun, on fait les physiques, aux Antilles, on fait circuler son sang, au Gabon, on fait des tractions, tandis qu’au Sénégal, on tire un penalty. Etc. : Rafraîchissant ! Un livre qui l’est moins, quoiqu’assez incroyable, c’est l’Atlas du sexe de la femme, du Dr. Gérard ZWANG (la Musardine, 122, rue du Chemin-vert – F 75011 Paris). On connaissait du bon Docteur les deux volumes consacrés à la Fonction érotique (chez Laffont ) puis son énorme étude sur le Sexe de la femme, publiée jadis (en 1967) par la Jeune Parque, qui engendra une petite révolution, un an avant l’insurrection de Mai. Ici, il nous donne l’occasion de découvrir « visuellement » l’anatomie et la physiologie d’un organe « peu présenté et mal connu » (sic ), grâce à des photographies (très gros-plans du type médical) assorties de descriptifs dont la précision laisse pantois. Si vous avez le goût de vraiment TOUT (sa)voir sur la pilosité indicielle, les nymphes et leurs dépendances ou sur la « mouillure vestibulaire », vous serez servis. Jusqu’à vous en trouver repus… : Documentaire. Pour en finir avec le Q, ne ratez pas le Degré suprême de la tendresse, d’Héléna Marienské (Éditions Héloïse d’Ormesson, coll. Passages aux actes ). Il s’agit d’un fort étonnant roman en pastiches, dont le titre est emprunté à la définition du cannibalisme par Salvador Dali. Les styles de Montaigne, La Fontaine, Tallemant des Réaux, Céline, Houellebecq, Christine Angot, Vincent Ravalec et Georges Perec sont assez parfaitement maîtrisés par cette Agrégée de Lettres libertine, dont les piquants récits n’ont qu’un seul tort : ses héroïnes, qu’un excité ou l’autre a contraintes à des rapports oraux guère trop appréciés ni désirés par icelles, ont une
fâcheuse propension à « couper court », avant de cracher le morceau… : Douloureux!

On évoquait DALI à l’instant. Si vous appréciez la littérature du « Divin » personnage, vous vous délecterez de l’Esputnic du paubre, un inédit publié à la Table Ronde, suivi de « Dali et les éditions de la Table Ronde » et de divers souvenirs de Michel Déon qui fut son ami. C’est une assez jolie chose, le manuscrit original reproduit en fac-similé avec grand soin. Nombre d’autres reproductions à l’identique soignées également dans le Lautréamont, dû à l’incroyable Jean-Jacques LEFRÈRE (chez Flammarion ), qui nous y révèle (dédiant ce fort volume à l’irremplaçable François Caradec, récemment occulté) l’origine réelle de la Beauté surréaliste. En effet, n’a-t-il pas découvert, dans un Guia comercial, industrial y particular publié à Montevideo en 1869, une pub pour machines à coudre (Maquinas de coser) jouxtant une autre pour des parapluies (de la Sombrereria José Frese ) et… une troisième pour des instruments de chirurgie (Armeria y Cuchilleria) ! Le collage transformé en ready-made, en quelque sorte. Ahurissant ! Cet album parfait (comme tout ce que fait Lefrère) n’a qu’un défaut : il a fallu qu’un Nom di Dju de graphiste à la manque gâte notre plaisir. Certains graphistes sont des NUISANCES ! J’ai en sainte horreur la jaquette (100% à chier), la couleur caca-d’oie des pages de titres et des lettrines, l’absence de marges suffisantes de tous les côtés. Même remarque pour les Dessins de Guillaume Apollinaire, présentés par Claude DEBON & Peter READ (Buchet-Chastel, les Cahiers dessinés, qui ont nonobstant une certaine « classe ») : un livre magnifiquement intéressant, mais dans lequel « on étouffe » ! Aucune respiration pour l’œil, absolument trop tout le temps à regarder serré-serré, comme si on avait voulu faire l’économie d’un cahier ou deux supplémentaires. Dommage, car ça eût valu le coût (jeu de mots voulu). Salve ultime dirigée vers les odieux metteurs en pages : les Éditions du Regard (qui devraient veiller à mieux mériter leur nom) nous gratifient d’un sublime pavé d’Élisabeth QUIN, le Livre des Vanités, dans lequel toute l’iconographie universelle de la tête de mort, toutes époques confondues, est livrée en pâture à l’appétit de notre œil. On « jouit » à de nombreuses reprises (je ne suis pas près d’oublier le crâne recouvert de fragments de paquets de Gauloises bleues par Serena Carone, ni la pastèque transformée en « skull » par Dimitri Tsykalov), mais, ici encore, le « travail » délirant des graphistes abîme tout ! (Ah ! Massin, comme tu fus grand ! )

Me faut aller ventre à terre pour vous donner quelques autres pistes : GOURIO remet ça avec ses brèves de comptoir, non plus chez Michel Lafon mais chez Robert Laffont ! Sont parues Brèves de comptoir, l’Anniversaire ! et les Nouvelles Brèves de comptoir. J’ai lu, et pas beaucoup ri : du réchauffé ! Du déjà vu itou avec le Jetlag Travel Guide consacré à San Sombrero, le pays des carnavals, des cocktails et des putschs (Flammarion). Autant le précédent sur la Molvanie m’avait fait hurler de rire, autant celui-ci ne m’a donné l’occasion que de rioter poliment. Bis repetita ne placet pas toujours, donc ! Par contre, les Moustaches absolues, de Paul COLINET & Marcel PIQUERAY (la Pierre d’Alun), bien préfacées par l’ami Canonne, valent le détour : un « umour » frais comme s’il était du jour. Fort plaisant aussi s’avère « l’Almanach invérifiable », intitulé Mois par Moi, de Jean-Michel RIBES (chez Actes Sud ) et le petit dernier du grand David LODGE, la Vie en sourdine (Rivages), tragi-comique récit (fort autobiographique, paraît-il) où un malheureux sourd nous livre des confidences pleines de sous-entendus… Boris CYRULNIK n’est plus à présenter, et son petit dernier, Autobiographie d’un épouvantail (chez Odile Jacob), est à la hauteur de tous les précédents : la transcendance de la souffrance au
menu. Deux trucs pointus, mais magnifiques, pour finir : Noël ARNAUD, C’est tout ce que j’ai à dire pour l’instant (Entretiens avec Anne Clancier), chez Patrick Fréchet (Libraire-Éditeur à Saint-André-de-Najac, dans l’Aveyron) : une façon, pour ceux qui ne le connaissent pas, de découvrir un « tout grand bonhomme ». Enfin, si vous voulez en savoir plus sur « le poète qui faisait rire de lui », essayez, de toutes les façons possibles et (in)imaginables, de houspiller votre libraire préféré pour qu’il vous fasse parvenir du lointain Canada Imaginaire social et Folie littéraire, le Second Empire de Paulin Gagne (Presses de l’Université de Montréal, coll. Socius ), une grandiose étude parue sous la plume du rusé Pierre POPOVIC. C’est du Nanan ! Bon ! J’ me r’plonge dans Millénium 2 (que j’ai quasi fini) avant de me ruer dans le 3. Lisbeth Salander m’a littéralement « scotché » à ses faits et gestes ! Mille mercis, Raymond ! (qui comprendra).

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