« Politiquement correct?» La difficulté immédiate qui s’est imposée à nous en initiant ce dossier – c’est-à-dire entrer dans la nébuleuse d’un concept ardu et aventureux, qui allait nous engager sur des pentes nombreuses, tortueuses et labyrinthiques -, s’est encore confirmée au gré de sa construction. Cette notion venue des Etats-Unis, où elle est née dans le sillage d’une frange conservatrice selon laquelle le pouvoir tendait à être confisqué par les minorités (noires, gays, lesbiennes…), s’est invitée en Europe avec, au départ en tout cas, un tout autre sens. Ambivalente dès l’origine…
Notre intention a été de préserver au maximum l’axe du questionnement, sans chercher à vouloir définir ce qui était ou non politiquement correct, mais plutôt en tentant de pointer les moments ou les contextes permettant d’entrevoir l’émergence des frontières floues et perméables entre ces deux concepts. Mais comment parler du politiquement correct sans le définir un tant soit peu ? Des modèles (politiques, spirituels, philosophiques, idéologiques…) aux langages (discours, codes culturels et artistiques) en passant par les pratiques de consommation (éthiques et vertes, certes…), les champs explorés nous renforcent dans l’idée que politiquement et incorrect sont les facettes d’une même réalité, et que les lignes de démarcation entre l’un et l’autre concept sont fuyantes et entremêlées. Protéiformes et fluides, politiquement correct et politiquement incorrect se coulent dans les mêmes moules, nous obligeant, sans cesse, à les appréhender là où on ne les imaginait pas et, dès lors, à questionner nos propres limites et préjugés.