Nuit glaciale. Dans la chambrette, par la fenêtre ouverte, le froid s’est faufilé. Il fait chaud sous la couette en plumes d’oie. Seule éminence émergeante, son petit nez pointu a capté cette intrusion fraîche et relaie l’information au cerveau qui sommeille…
Elle est sur la banquise. Les rêves vous prennent au dépourvu. Elle n’a pas eu le temps d’enfiler son manteau d’hiver… Brrr…
– Pardon messieurs, je cherche un bon manteau bien chaud…
Les huit Inuits lui jettent un regard givré et poursuivent leur cuite à l’aquavit…
– Savent pas vendre l’article en arctique. Ah, un ours blanc, mais les ours ne parlent pas…
– Moi, si, vous cherchez quelque chose ?
– J’ai froid, je…
L’ours se met sur ses pattes de derrière, levant le rideau sur une belle distribution.
– Venez ma jolie !
– Je cherche un manteau… Du calme, du calme. Je sais que vous êtes en voie de disparition, espèce de… mais il ne faut pas compter sur moi. Ciao…
S’ensuit une course avec l’ours. Elle court… elle court… se retourne… elle l’a semé… Ouf, elle a eu chaud, ce qui arrange bien les choses.
– Lise !
– Antonio ! Que fais-tu là ? Et ne me dis pas que tu veux toujours m’épouser…
– Encore et toujours et plus que jamais…
– Ce n’est pas le moment, Antonio, tu ne m’as pas répondu, que fais-tu par ici ?
– Je suis venu pêcher l’anchois…
– Fais à ta guise, moi je quitte la banquise…
Le réveil fait dring dring. Elle enfuit sa tête sous la couette. Son nez est tout froid. Puis, clic, musique, la radio se met en marche… elle ressort sa tête… « Neige, froid, les bourses glandouillent, le gouvernement bla bla bla… ». Elle rentre la tête. Turlulu, turlulu, c’est le portable qui appelle. Elle sort un bras et attrape l’appareil.
– Allo ?
– C’est Antonio… tu viens souper ce soir ? Je prépare des spaghettis…
– Avec des anchois ?
– Comment tu as deviné ?
– Mon nez sans doute…
Il sait y faire Antonio, il y met tout son amour. Dans l’huile d’olive, une gousse d’ail et un oignon émincé, un bon verre de coulis de tomate (ou simplement trois tomates en lanières), une bonne cuillère à soupe de câpres au sel, quelques anchois pilés et cent grammes d’olives noires dénoyautées et hachées… Cinq minutes de cuisson… Le temps de cuire les spaghettis al dente. La recette est romaine, ce sont les spaghettis alla puttanesca.
– C’est bon ?
– Oh oui !
– Encore ?
– Oh oui… Encore !