Service public, la RTBF?

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Le plan Magellan lançait un mot d’ordre :
« audace et enrichissement».

Encore faut-il savoir comment on définit ces termes, et ce qu’on y projette.
L’audace implique un positionnement, une forme de radicalité. Elle induit aussi la notion de prise de risques. « Audace », la centralisation des centres de production à Mons et Bruxelles ? Prise de risques, la diminution unilatérale des moyens techniques, tous types d’émissions confondues, qu’elles nécessitent un important travail de montage ou qu’elles soient davantage en prise directe?
Le terme « enrichissement » est encore plus brumeux. Il autorise toutes les interprétations, ouvre sur toutes les directions possibles, des meilleures aux pires.

La Première nous « enrichit »-elle avec un certain nombre d’émissions, aux contenus relativement interchangeables, dont l’impact sur l’audimat se forge à l’aune d’un certain vedettariat ? Véritables « mascottes » de la chaîne, certaines figures sont omniprésentes… Tandis que d’autres, certes moins people, mais dont les émissions ont prouvé leur uti-lité publique, voient leurs productions blackboulées ou, au mieux, intercalées dans de nouvelles plages horaires pas toujours fondées. Questions…

On a clamé une volonté de maintenir « l’identité et les valeurs d’une télévision et d’une radio de service public, tout en permettant à la RTBF de garder son indépendance et sa créativité, et en assurant son passage, sa survie dans le 21ème siècle audio-visuel. »

Le plan vise, nous a-t-on dit « un meilleur équilibre dans le choix des programmes, une meilleure cohérence de chaque chaîne, un accroissement des parts de marché. »

Cohérence et créativité, cette grande base de données musicales numériques dans laquelle doivent exclusivement puiser les animateurs radio ? Quels critères pour nourrir cette base de données ? Le bon vouloir de(s) quelques-un(e)s chargés de faire le tri et d’alimenter la machine ? Identité? Quand une journaliste de La Première, au détour d’une info, en plein journal, confond : « (…) à Bruxelles…euh ! excusez-moi, en Belgique… », le lapsus est significatif. Un processus de centralisation des centres de production contaminant de fait les contours identitaires de la chaîne? Pourtant, La Première se définit comme : « la radio de référence en matière d’information et de culture. »
Indépendance ET accroissement des parts de marché ? Indépendance ET portes ouvertes à la publicité ? Indépendance ET concurrence avec des chaînes commerciales ?

Echos d’échanges au cœur de la machine

Quelques bribes d’entretien avec un membre de la “Maison”, qui bien que très clair sur ses positions, les exprime discrètement, pour des raisons qu’on devine sans peine.

« Le processus de centralisation des centres de production sur Mons et à Bruxelles est en train de se finali-ser. Dès lors, le choix qui s’offre à nous d’ici quelques mois est clair. Soit aller sur Bruxelles, s’éloigner de ses amis, de ses repères, de ses zones vitales, mais pouvoir continuer à faire de la radio —quelle radio ? ça, c’est une autre question… Soit refuser d’y aller, et se retrouver à faire un boulot d’archivage ou je ne sais quoi d’autre, dans un bureau… »

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« Le mot d’ordre, depuis quelques temps, c’est « soyez sexy ». Le problème, c’est ce qu’on met sur le mot «sexy ». La complexité est sexy, à mon sens. Alors que là, ce qu’on plaque sur le mot, c’est une approche simpliste et vulgarisante, pour ne pas dire vulgaire, centrée sur la superficialité, sur le clinquant. C’est tellement subjectif, de toute façon, ce qui est sexy ou pas… C’est tout de même un drôle de critère pour une radio de service public.»

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« La réorganisation des programmes se fait à la petite semaine. Tout à coup, « on » pense qu’une nouvelle émission en début de matinée le samedi, animée par une ou des « Figures » de la chaîne, va booster l’audimat pendant tout le week-end. C’est complètement illusoire de croire que l’auditeur va
se cramponner à la Première tout le week-end sous prétexte que l’émission du samedi matin lui a plu. D’autant plus qu’aucune réflexion plus large n’est mise en œuvre sur les connexions entre les programmes du week-end dans leur totalité. Il n’y a aucune cohérence. C’est une politique du « plic-ploc » ancrée dans la seule préoccupation d’engranger de l’audimat, sans une vision plus globale des choses. »

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« Economies. Je ne suis pas au-delà des réalités, je conçois qu’on doive « gérer » une entreprise telle que la RTBF. Le problème, c’est la mise en œuvre de cette gestion. En termes de moyens techniques, par exemple, il n’y a pas de politique du cas par cas, alors que les émissions se construisent de multiples façons et nécessitent dès lors des moyens complètement différents. Par ailleurs, la politique de flexibilité a des conséquences sur les façons de travailler. Des compli-cités, en termes de modes de réalisation et de production, se sont créées au fil du temps entre des journalistes et des techniciens, par exemple.

Or, cette politique de flexibilité bousille complètement ces complicités-là : à la place, on a une grille fixe, avec tel technicien pour telle tranche horaire, et on prend la personne qui est disponible. Et ça a des répercussions sur la qualité du travail, au bout du compte. On nous pousse tacitement vers des productions avec un maximum de direct, parce que le montage est non seulement coûteux, mais associé à des formats plus « construits », plus complexes, jugés « trop classiques », « pas assez sexys ». Je n’ai rien contre le direct, mais je pense le montage et le travail sur le matériau peut aussi enrichir sensiblement certains contenus. Je crois aussi que certains contenus ne se prêtent simplement pas au direct. Ici, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, on n’est pas que dans la « gestion financière » ou dans des « considérations techniques », mais au cœur du débat sur les conceptions d’une radio de service public. »

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Magellan

Le plan Magellan, destiné à assainir les finances de l’entreprise grâce notamment à des départs en retraite anticipés mais aussi par un repositionnement des chaînes du groupe, est approuvé le 9 octobre 2002 par le conseil d’administration de la RTBF. Ainsi, les radios sont réformées : Bruxelles Capitale et Fréquence Wallonie fusionnent pour donner VivaCité; quant à Radio 21, elle se scinde en une chaîne classic rock (Classic 21) et une chaîne musicale « jeune » (Pure FM).

Les radios de la RTBF

La Première : Radio généraliste axée sur l’information
Vivacité : Radio de proximité
Musiq 3 : Radio musicale diffusant de la musique classique.
Classic21 : Radio musicale diffusant du rock classique.
Pure FM : Radio musicale jeune.
RTBF International : Radio en onde courte pour l’Afrique Centrale et l’Europe, reprenant principalement les programmes de La Première ainsi que les émissions sportives de Vivacité.

Missions

La RTBF, en tant qu’entreprise de service public, a quatre missions dans son contrat de gestion : l’information, l’éducation permanente, le développement culturel et le divertissement.

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