Black is black

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C4 : Pourriez-vous d’abord vous présenter ?

Hilaria : Mon nom est Hilaria. Et qui suis-je ? Je suis mère, je suis femme, je suis Américaine, je suis noire, j’ai 42 ans…

C4 : Où êtes-vous née ?

Je suis née aux Etats-Unis, dans le Kentucky, et je suis arrivée en France il y a huit ans.

C4 : Est-ce que vous aviez imaginé que vous alliez venir vous installer en France ?

Non jamais… J’y étais déjà venue en vacances, et en Belgique aussi, pour visiter des amis de mon mari et j’avais trouvé ça sympa. Mais ma relation à l’Europe est liée à mon mari.

C4 : Avant, quelle image aviez-vous de l’Europe ?

Des images que je voyais à la télévision, des reportages, des pubs… Des images de Paris, la mode, les petits chiens… C’était d’autres pays, tout simplement !

C4 : Vous vous êtes présentée comme femme, mère, Américaine… et noire ! Pourquoi noire ?

Parce que depuis que je suis petite, c’est quelque chose qui est mis en évidence. Et c’est vrai, je suis noire!

C4 : Il y a des Américains qui se présentent en disant « je suis Américain et blanc !? »

Non, non, pas du tout. Ce n’est que pour les noirs qu’on précise. Il y a comme une présomption que tout le monde est blanc. Si on parle des Américains, on pense tout de suite aux blancs, donc on précise quand on parle d’un noir.

C4 : Et en parlant des hispaniques, on dit « hispanique-américain », ou « américain » ?

On dit d’abord « américain », puis on précise par « hispanique américain »

C4 : Donc il y a quand même une différence, aux Etats-Unis, vous êtes une Américaine noire ?

oui

C4: Et comment appelle-t-on les Indiens, ceux qui étaient là avant la colonisation ?

On les appelle « Indiens », tout simplement.

C4 : Qu’est-ce que ça veut dire, d’être noir américain?

C’est différent pour chaque personne, ça dépend du milieu social, de l’estime qu’on a de soi-même. Mais ça peut être une expérience très difficile. Pour certains hommes noirs américains, c’est un peu comme si ils étaient nés avec une difficulté en plus… Leur vie est beaucoup plus compliquée que celles des femmes noires. Elles sont plus acceptées parce qu’il n’y a pas cette connotation de « danger », de quelq’un qui peut causer des problèmes. Et si on est jolie, par rapport à des critères occidentaux, c’est-à-dire des lèvres plus fines, la peau plus claire et un nez moins épaté, on est regardées plus favorablement… Il y a d’autres choses qui jouent, comme la façon de parler, si on utilise un anglais correct ou l’argot, on sera considéré autrement…

C4 : Mais là, on parle des différences sociales qui touchent tout le monde, noir ou blanc !

Oui, mais aux Etats-Unis c’est accentué quand on est noir !

C4 : Vous parliez de traits physiques, comme la peau plus claire, qui jouaient un rôle dans la façon dont les femmes noires sont perçues aux Etats-Unis, est-ce que c’est par rapport aux blancs, ou également entre noirs ?

Je pense que ça joue plus dans le rapport entre noirs que dans les relations avec les blancs. Mais ça se fait de manière subtile. Celui qui a des traits ou une couleur qui se rapprochent de ceux des blancs est considéré comme supérieur. Ca vient sans doute de loin. Comme le blanc était vu comme supérieur, les noirs qui ont certaines de leurs caractéristiques, comme une peau claire, sont considérés par les autres noirs comme supérieurs.

C4 : Le modèle de référence physique reste donc le blanc ?

Oui.

C4 : En Europe, on ne se dit pas –ou plus- « tous les noirs sont les mêmes ». Selon la façon de se comporter, de s’habiller, on les distigue selon leur pays d’origine. Est-ce que il y a cette nuance dans le regard du noir américain par rapport à un autre noir américain?

Non, pas du tout ! Parce que pour les noirs américains, il n’y a pas cette référence à l’Afrique. Aux Etats-Unis, on
n’est pas noir sénégalais ou éthiopien, on est noir, c’est tout. Et d’abord, il n’y a pas beaucoup d’Africains aux Etats-Unis.

C4 : Mais par exemple, quand une Africaine arrive aux Etats-Unis, venant du Sierra Leone, un des pays les plus proches des Etats-Unis en Afrique, est-ce qu’on se rend compte qu’elle est Africaine ?

Non, elle est noire comme tous les autres.

C4 : Et en France, vous êtes une noire américaine?

Non, je suis Africaine… La seule référence par rapport aux noirs ici, c’est l’Afrique. Donc, quand on est noir, on est Africain. Et quand les gens me demandent d’où je viens en m’entendant parler, ils sont très surpris !

C4: Et leur comportement change ?

Non, ils étaient gentils avec moi avant, ils restent gentils après….

C4 : Aux Etats-Unis, les blancs sont la référence, il faut ressembler aux blancs. Donc en France, vous n’êtes pas obligée d’être comme les blancs, puisque vous êtes considérée comme Africaine !

Pour moi c’est différent. Mon père était militaire, donc j’ai grandi avec des blancs, dans un quartier mélangé. L’Amérique que je connais est peut-être un peu différente de celle que vivent ceux qui vivent dans des quartiers noirs, mexicains…

C4 : C’est pour ça que vous êtes aujourd’hui avec un Français en France ?

Je pense qu’au-delà de la couleur des yeux ou de la peau, on hérite aussi des histoires de ses parents. Moi, sans le savoir, j’ai fait exactement la même chose que ma mère. Elle est Panaméenne, elle a épousé un étranger, Américain, et elle l’a suivi dans son pays.

C4: Elle est noire aussi ?

oui

C4 : Il y a une différence entre un noir du Panama et un noir américain ?

Pour les noirs du Panama, les noirs américains vivent dans un pays de rêve. Ils sont un tout petit peu plus près du paradis qu’eux, parce qu’ils habitent aux Etats-Unis ! Pour eux, c’est mieux d’être au bas de l’échelle aux Etats-Unis qu’au Panama…

C4: Au Panama, on dit « un noir panaméen », ou simplement « un Panaméen » ?

On dit « un Panaméen », et si il faut préciser, on dit qu’il est noir.

C4: Donc il y a une identité de noir américain, alors que pour les Européens, un noir est forcément Africain. Comment le vivez-vous ?

Je trouve que c’est plutôt rigolo, parce que la première fois que j’ai touché la terre d’Afrique, j’avais 42 ans ! Je ne connais les Africains que par les films ou les livres, comme vous.

C4 : Et en Afrique, comment vous sentez-vous ?

Je sens que je suis avec mon peuple ! Je peux me balader sans être différente du paysage ambiant. En Europe ou même aux Etats-Unis, quand je rentre dans un restaurant, j’ai l’impression d’être une rose parmi les tulipes.

C4: Il y a donc une identité noire qui reste au-delà de tout, seule sa définition change selon le pays où on se trouve…

Oui, aux Etats-Unis c’est black, ici c’est Africain. Et en Afrique, je suis Américaine. On sait que je ne suis pas de là, par la façon dont je parle, dont je marche… C’est très drôle ! Et ce qu’il y a de différent également en Afrique, c’est que les gens t’interrogent sur ton origine. Beaucoup de gens m’ont dit que je venais d’Ethiopie, ou que j’étais Peule, qu’ils pensaient que mes parents venaient de telle région…

C4 : Pour vous, Obama est un noir américain ?

Obama est le rêve américain ! Il est Américain, simplement, parce que l’Américain est un melting-pot et que lui, il a des épices de l’Afrique, il a des épices de sa mère qui est blanche, il a des épices qui viennent d’un peu partout, donc il est Américain!

C4 : Et aux Etats-Unis, comment le voit-on?

Là-bas, il est noir américain… Mais je pense que beaucoup de gens le voient aussi un peu comme un blanc. Il a un visage de blanc avec une couleur différente. Il est métis, donc il ne ressemble pas à un vrai noir.

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