La page blanche de l’air du temps

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Pendant plusieurs années, la rubrique “chômedu” a exploré les méandres de l’assurance chômage. Que ce soit au travers de témoignages de chômeurs, du démontage de mécanismes légaux, de la mise à l’épreuve de croyances ancestrales ou de l’analyse des conséquences de décisions politiques peu commentées… les portes d’entrées pouvaient changer, elles débouchaient toujours sur une réalité souvent méconnue. Cette rubrique dessinait, sans le moindre modèle, une carte très incomplète du territoire mystérieux et instable que constitue la vie quotidienne des chômeurs et des chômeuses dans le Royaume de Belgique à l’orée du 3ème millénaire.
La même méthode, appliquée au CPAS, permettait de sonder les mondes cachés derrière le dispositif d’aide sociale. Mondes qui se révélèrent plus ignorés encore que ceux des dessous de l’assurance chômage.

Plusieurs dizaines d’articles ne nous ont pas permis de faire le tour de ces deux sujets. Si on a une prétention, c’est peut-être celle de croire que ces rubriques fonctionnaient bien. Qu’elles court-circuitaient le décor médiatique et politique, montraient de nouvelles pratiques, retraçaient des perspectives originales, posaient des problèmes inédits. Elles fonctionnaient tellement bien qu’on a fini par se poser des questions qu’on n’envisageait pas de la même manière avant de commencer ces investigations. Le moment était donc venu de reformuler les hypothèses, de se donner d’autres points de vue et de changer de perspectives.

Notre première exigence aura été d’élargir la zone de fouille pour de ne plus travailler sur des périmètres qui garantissaient peut-être une certaine précision administrative, mais empêchaient d’établir des connexions bien réelles. L’un des mérites des rubriques “chômedu” et “CPAS” aura sans doute été de nous révéler qu’aujourd’hui, “être chômeur” ou “être au CPAS” ne signifie presque plus rien sur la situation “professionnelle” de la personne ainsi qualifiée. À l’âge de l’explosion de l’intérim, des CDI, des contrats SMART, du régime des petites indemnités, les réalités sociales jonglent avec les règlements, et la vie quotidienne se joue souvent aux limites des dispositifs administratifs.

Il nous fallait une perspective plus large, qui nous permette de suivre les chemins empruntés par ceux qui franchissent plusieurs frontières administratives par trismestre, et changent de statut professionel comme on change de slip (quand ils en trouvent un qui leur serve à quelque chose). Une perspective qui nous permette de raconter le parcours de ceux qui, au travers de leur expériences particulières finissent par devoir reconstruire un paysage socio-économique un peu bordélique.

Nous avons donc décidé de lancer la rubrique “droits sociaux”. Une appellation beaucoup plus large qui, on l’espère, nous permettra d’envisager des questions impossibles à poser en se confinant dans les catégories administratives définies. Les droits sociaux d’aujourd’hui sont-ils adaptés aux mouvements de la société ? Est-il encore possible d’en faire un usage créatif, ou sont-ils définis de manière rigide et impossible à interpréter ? Que se passe-t-il dans les marges de manoeuvre laissées aux allocataires sociaux ? A quoi a-t-on encore droit par le simple fait d’être déclaré “membre de la société” ? Voilà, entre autres, les questions que posera dorénavant la rubrique “droits sociaux”.

Toutefois, la perspective des “droits sociaux” reste encore limitée : les rubriques précédentes nous ont convaincus des sérieuses limites de la solidarité sociale assurée par l’Etat. Nous chercherons comment et où ce qui fait défaut du côté de l’Etat (même quand il est social et “actif”) se reconstruit par ailleurs dans des pratiques et des expériences de nouvelles formes de solidarités.
La rubrique intitulée “charité-nouvelles solidarités” se donnera pour mission l’exploration des nouvelles instances de solidarité. Comment s’intègrent-elles ? Comment fonctionnent-elles ? Quels problèmes soulèvent-elles ? Quelles possibilités
créent-elles? Qui les soutient, qui les réalise ?

On aurait tendance à croire qu’il ne faut jamais changer une rubrique qui marche. Et pourtant, une rubrique qui marche en crée forcément d’autres…

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