L’An Vert a été créé en 2002 par Jo Mauceli, qui est plasticien, Olivier Pé, un artiste pluridisciplinaire et Richard Robberechts, metteur en scène, dans l’idée de fonder un atelier d’art, d’essai, de création et d’exposition dans le domaine des arts plastiques. Puis la réalité les a rattrapés et ils se sont rendus compte que c’était compliqué de le faire fonctionner financièrement. Petit à petit, ils ont donc mis en place des concerts, mais pas dans l’idée de faire rentrer de l’argent en programmant n’importe quoi. Il y avait toujours la volonté d’amener quelque chose de qualité. Au fil du temps, c’est devenu de plus en plus une salle de spectacles vivants, un lieu qui évolue constamment.
Le processus d’évolution est défini par les gens qui font fonctionner le lieu. On se situe plus dans une logique d’association que de collectif. Il s’agit d’une somme d’individualités, donc en fonction des gens qui arrivent et qui partent, l’association évolue. On essaye d’être le plus ouvert possible dans la programmation. On présente diverses formes de musique, comme les musiques expérimentales, des improvisations libres, du jazz, des musiques plus festives, de l’électro, de la chanson française, du rock…. On programme aussi d’autres disciplines artistiques comme la danse ou le théâtre, en essayant de favoriser la pluridisciplinarité. Divers événements sont également organisés en collaboration avec d’autres collectifs ou associations, comme « CDM2047 », «Home Records », « K Novel Records », «l’Agence nEUROLAND™ », « D’une certaine gaieté », « La maison du jazz », « Le collectif du Lion », « Ca balance »… On ne veut pas rentrer dans un ghetto, parce que quand on se retrouve uniquement entre soi, on finit par s’appauvrir. Plus il y a de diversité culturelle au niveau du public et des artistes, plus c’est riche pour tout le monde. Ca fait partie de la philosophie du lieu.
Certains secteurs de programmation sont portés par des membres de l’association. Par exemple, Jo et Leila sont plasticiens, il sont donc le plus à même de s’occuper des expos. Je coordonne la programmation des spectacles vivants. D’autres secteurs sont complètement ouverts, on fonctionne alors selon les propositions qui nous arrivent.
Plusieurs artistes liégeois viennent régulièrement à l’An Vert parce qu’ils s’y sentent bien, et il s’est créé une relation privilégiée avec eux. Un spectacle de qualité, mené par des personnes avec qui on a une relation privilégiée, ça crée une atmosphère particulière. Il y a aussi des gens qui apprennent l’existence de l’An Vert par son site Internet, qui nous appellent et qui nous proposent d’écouter leur musique. Si elle cadre avec notre vision, on les programme. Mais notre philosophie est mouvante, donc on ne va pas fermer les portes sous prétexte que c’est un genre qu’on n’a jamais fait.
Si je devais décrire l’An Vert à un étranger, je dirais qu’il se trouve sur mon île, en Outremeuse, rue Mathieu Polain, n°4, près de l’église St Pholien, en face des deux tours de l’Office de la Maison Liégeoise. Si on ne passe pas juste devant, on ne sait pas que ça existe, c’est une maison comme une autre, il n’y a pas d’enseigne. On occupe le rez-de-chaussée qui a été un entrepôt de la Ville, puis une supérette nord-africaine. C’est ouvert à qui veut passer la porte. On entre d’abord par un grand couloir avec des tables et des chaises, au bout de ce couloir il y a le bar, au fond à droite, la salle ou se déroulent les spectacles, et au-dessus, une salle d’expo. On proposait de la petite restauration, mais on va sans doute abandonner. C’est vrai que dans la nourriture, il y avait une notion d’accueil, et en plus ce n’était pas cher, mais si la qualité de l’accueil doit pâtir du temps qu’on met à faire à manger, ça ne va plus.
Quand on a ouvert, la Ville nous a demandé de faire des travaux de sécurité, qui n’ont pas été faits. Les services de la Ville et les pompiers sont revenus
vérifier, et on a maintenant une somme de travaux à réaliser, qui nous paraissent légitimes, et donc on les fait. Depuis l’ouverture, il y a eu des changements de fonctionnement par rapport à la programmation et à l’accueil du public. La Ville a donc annulé sa première demande et a dressé une nouvelle liste de travaux, à faire en trois phases. On est à la fin de la première phase qui concernait l’électricité, le chauffage, les sorties de secours et l’isolation avec des plafonds anti feu. La deuxième phase est déjà bien avancée. Nous attendons qu’ils viennent vérifier. Puis on passera à la suite de la deuxième phase qui est d’isoler au niveau incendie toutes les parties publiques et privées. On a auto financé les travaux déjà réalisés, c’est-à-dire que des membres ont mis de leur poche. Mais c’est un prêt que nous avons fait à l’An Vert, qui devra rembourser. Comme c’est de l’argent qu’on se doit à nous-mêmes, on ne va pas s’envoyer des huissiers… mais il faudra trouver une solution. On ne voulait pas fermer et on a pris les risques qu’il fallait pour ça. C’est presque égoïste en fait : on l’a fait parce qu’on a envie que ça continue. En novembre, on va donc organiser un mois de soutien à l’An Vert. Des artistes viendront jouer gratuitement et les entrées serviront à financer les travaux.
Avec le voisinage, ça se passe assez bien, parce qu’on fait partie d’un quartier et que la moindre des choses est de respecter ses voisins. Au début, des gens se sont plaints et on a rééquilibré nos activités. Il n’y a plus de problèmes sauf quand il fait très chaud et que le public reste sur le trottoir le soir. Et là, je comprends que les gens rouspètent. Par contre, il y a très peu d’habitants du quartier qui viennent à nos activités. La première année, on a fait le réveillon du Nouvel An et on a mis une annonce dans toutes les boîtes aux lettres, pour prévenir les habitants, et pour leur dire que l’entrée était gratuite et qu’ils étaient les bienvenus. Quelques personnes sont venues, et il y en a toujours quelques-unes qui passent de temps en temps.
Quand on a créé l’association, il y avait sans doute l’idée de pouvoir demander des subventions. Mais entre penser à faire quelque chose et le concrétiser, il y a toujours un pas… Pour le moment, on est d’ailleurs en train de rentrer un dossier de demande d’aide, pas pour remplir les caisses, mais plutôt dans une logique de confort. On prend des risques en organisant des activités sans savoir si elles vont ramener du public et donc ça nous permettra de payer le loyer, puisqu’on est sur fonds propres, et que c’est le bar qui fait fonctionner le lieu. Mais parfois, on regarde le bilan d’un mois et on s’inquiète. Si on demande une aide des pouvoirs publics, c’est pour se dégager de ce genre de contraintes et pouvoir ainsi prendre plus de risques quant à la programmation. On rentre vraiment dans une vision culturelle et artistique, on décide de ce qu’on veut et de ce qu’on ne veut pas.
Dans notre association, tout le monde est bénévole, il n’y a aucun emploi salarié. On est d’ailleurs toujours en recherche de nouveaux bénévoles…Pour le moment, une bonne partie de l’organisation du lieu est assurée par Jo et moi. D’autres membres s’investissent aussi beaucoup en fonction de leurs disponibilités, et ce qui importe, le plus, c’est l’attachement au lieu. Parmi les bénévoles, il y a une jolie petite bande d’empêcheurs de tourner en rond, qui ne se privent pas de venir nous dire de temps en temps, « là on fait n’importe quoi ». Et c’est très intéressant. On a souvent des discussions de tendances à l’intérieur de l’association. Le plus souvent, ça concerne la cohérence au niveau programmation et le fonctionnement. On se demande sans cesse si on offre une qualité d’accueil suffisante pour le public et pour les artistes, une qualité d’écoute suffisante. On se demande sans cesse comment on peut améliorer ce qu’on fait. Le public nous fait aussi parfois des suggestions ou des remarques. Notre philosophie par rapport
au public, est que les gens qui viennent à l’An Vert sont chez eux. La seule condition qu’ils doivent remplir est de savoir que la personne qui est assise à côté d’eux est chez elle aussi. Pour les artistes, c’est la même chose : c’est important qu’ils se sentent chez eux quand ils viennent jouer.
La fréquentation du lieu évolue comme des montagnes russes. On sait qu’avec certains artistes, on aura beaucoup de public, mais la programmation n’est pas pensée en fonction de la fréquentation. Si on a plus de monde, c’est parce qu’il y a maintenant une certaine reconnaissance de l’endroit. On a un public assez divers et mélangé –bien qu’une bonne partie soit constituée d’artistes- de tous âges, de tous milieux culturels et sociaux.
On est ouverts tous les vendredi et samedi et parfois, exceptionnellement le jeudi. On n’ouvre jamais sans qu’il n’y ait une activité, parce qu’on ne veut pas être un café. On organise environ 150 événements par an, principalement musicaux, les expos venant en deuxième lieu. Une de nos plus grosses soirées en dehors du réveillon du nouvel an, on a eu 150 personnes, mais c’était une erreur. On l’a compris et on limite maintenant à 80 personnes. Ca fait partie de toute notre philosophie, on ne peut pas entasser les gens comme du bétail.
Quand on n’est pas ouvert au public, on a aussi pas mal d’activités artistiques, le calendrier est bien rempli. Plusieurs artistes répètent régulièrement dans la salle, comme la Fanfare Sans Tambour ni trompette, par exemple. Le lieu garde sa fonction de permettre et de favoriser la création. Et c’est très important.
L’An Vert asbl. Rue Mathieu Polain, 4 à 4020 Liège.
[->http://www.lanvert.be/]