Du pet musical

Download PDF

Ceux qui pensaient que les cordes vocales sont le seul organe humain dont on puisse tirer de la musique se trompent. Un libelle du XVIIIe siècle nous apprend qu’une bonne maîtrise des muscles abdominaux permet de lâcher des gaz d’une suavité toute musicale. Cette technique a été brillamment exploitée par un artiste de cabaret français du nom de Joseph Pujol (1857-1945), dit le « Pétomane », qui pouvait ainsi jouer « Au clair de la lune » avec un flûtiau bien calé, et éteindre les lumières de la scène d’un bon coup de sphincter. Jeune prodige du pet, il fut remarqué par un impresario, qui le fit engager au Moulin-Rouge. Il abandonne bien vite le célèbre théâtre (ce qui lui valut un procès) pour sillonner la France, la Belgique, l’Espagne et même l’Afrique du Nord, avec son « Théâtre Pompadour », déchaînant partout l’hilarité sur son passage. Pourtant, l’affiche d’un de ses spectacles révèle le précurseur des «licences libres », qui tout au long de sa carrière donna le meilleur de lui-même :

« Tous les soirs, de 8 heures à 9 heures
Le Pétomane
Le seul qui ne paie pas des droits d’auteur »

Un poète un peu bohème aujourd’hui oublié, Raoul Ponchon (1848-1937), écrivit un poème à sa gloire, tandis que la fameuse chanteuse Yvette Guilbert se souvient de lui dans ses Mémoires. En 1914, les bruits de canons firent à ses vocalises une concurrence fatale. Il se retire alors et, au grand dam des admirateurs de son anus aspirateur, et ne remontera plus sur les planches. Il se retira à Marseille, où il se fit boulanger. Le Pétomane a fait de nombreux émules. De son vivant, Pujol dut intenter un procès contre une fausse femme pétomane, qui entendait profiter de l’aubaine ouverte par le phénomène. Aujourd’hui, en Angleterre, M. Metane, « king of farts », est un artiste péteur dont la virtuosité est sans pareille. Enfin, c’est peut-être en hommage à Joseph Pujol que Serge Gainsbourg eut l’idée d’écrire son curieux conte parabolique « Evguénie Sokolov », où un jeune peintre français d’origine slave, talentueux, reconnu, chef de file du courant de l’« hyperabstraction », doit son succès à ses « vents », peignant à la faveur des vibrations offertes par ses pets.

Aucun commentaire jusqu'à présent.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Archives

Catégories

Auteurs