Jeunes filles en voie de disparition

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Lambert, appelé ainsi parce que sa mère a accouché sur la place du même nom à Liège, a un seul rêve dans sa vie : trouver une vraie jeune fille. Non pas pour se marier avec elle –ce serait trop banal- mais pour assouvir son fantasme le plus secret. Et c’est tellement secret que personne ne sait de quoi il s’agit.

Bref, voilà notre Lambert en quête d’une vraie rareté de nos jours. Car s’il y a bien une race en voie de disparition, ce sont les jeunes filles. Aujourd’hui, tu fais ta première surboum à 8 ans et roule ma poule ! Strass, sacoche Emily et rouge à lèvres punchy, la demoiselle se la pète en claquant des talons, pointure 32 sur le bitume.

Après avoir écumé toutes les rues de Liège et des environs, à la recherche d’une jeune fille, Lambert, penaud, alla se beurrer la gueule aux Olivettes pour se consoler. Certes, c’est pas là qu’il allait trouver la perle rose vu que le cabaret est un antre à mémés qui poussent la chansonnette avec des poireaux dans le cabas. Mais bon…La Merveilleuse reste le meilleur remède contre tous les maux. Y compris ceux du cœur.

Sous les jupons de la nuit, sommeillent parfois de belles surprises ! C’est donc là, affalé sur sa banquette, que Lambert rencontra Jean-Paul, digne successeur du Pape, et indic dans la police qu’il aidait aussi occasionnellement en faisant du boudin aux pommes pour favoriser les échanges entre le peuple et la maison poulaga. Lambert s’épancha donc sur l’épaule compatissante de Jean-Paul qui devint son meilleur ami après lui avoir payé quelques bières.
— Je pense que j’ai ce qui t’faut m’fi, dit Jean-Paul. Min, c’est pas évident à trouver. Va falloir satchi su’ l’affaire…

Lambert roula des yeux comme des quéquettes de poupous.
Jean-Paul lui expliqua alors qu’il fallait mériter un tel cadeau du ciel. Qu’aujourd’hui, toute rareté ne pouvait s’acquérir qu’en donnant en contrepartie, quelque chose de très personnel. A savoir, son sperme. Médusé, Lambert refusa d’abord tout net. Pas question de gaspiller sa précieuse semence même pour une gonzesse !
— Et là, toi tu veux tout gratos, m’fi ! Ben tu sais quoi? Va te faire voir chez Lekèt !
— Bon, bon, grogna Lambert, min après, oùsque ça va aller tout ça ?
— Ben c’est pour faire des dons de sperme aux veuves de la police.
— Ah, alors d’accord, si c’est pour une bonne œuvre ! conclut Lambert. Fallait le dire tout de suite.
— Tu m’as pas laissé le temps, valet.
Et l’affaire fut conclue.

Ainsi, tous les matins, dès les premières gouttes de rosée, Lambert s’esquintait sur son engin et recueillait le précieux liquide dans des vidanges de Jupiler, histoire de contribuer au recyclage. Car Lambert avait une conscience écolo et se sentait très concerné par le tri ménager et la sauvegarde des potales. A chacun ses combats.

Afin d’avoir des récipients pour stoker son sperme, Lambert fut obligé de boire de la bière tous les soirs. Ce qui fait qu’au matin, il avait des réveils difficiles et devait produire deux fois plus d’efforts, ce qui lui occasionna une tendinite.

Comme il avait quand même rempli de quoi repeupler la police de Liège et celle de Charleroi, il eut droit enfin à la clef qui ouvrait le jardin d’Eden, c’est-à-dire, la boutique de Nènesse, située à Hors Château, au fond d’une impasse où même le diable n’osait aller seul.

Un petit bonhomme avec le cul au milieu du visage, suite à une maladie très rare propagée par les pigeons (son père avait fréquenté avec une crapaude colombophile), déboula au premier coup de sonnette.
— Bonjour m’fi, dit-il en gonflant les fesses qui lui servaient de joues.
— Mon ami Jean-Paul m’a dit que je pouvais trouver une vraie jeune fille chez vous !
— Pour sûr ! j’en ai une en stock, mais faudra la planter en pleine terre pour qu’elle pousse bien.
Et il lui donna une toute petite fille, de la taille d’une pomme.
— Tu lui mets les pieds dans un grand pot rempli de terreau et au printemps, tu la dépotes et tu la replantes en pleine terre dans ton jardin. Mais attention, surtout pas au
soleil sinon, elle va cuire.

Tout fier, Lambert s’en alla avec la graine de gamine au fond de sa poche.
Il la repiqua dans un pot en terre cuite et l’arrosa tous les jours avec soin. La gamine commença à prendre quelques formes appétissantes et aux premiers bourgeons, Lambert la mis en pleine terre, près du mur de sa maison. La floraison fut rapide et la gamine devint une belle jeune fille prête à se faire croquer. Seulement, Lambert n’avait nulle envie de consommer. Tout ce qu’il voulait s’était en faire une œuvre d’art. Ainsi, il lui arracha les pieds de la terre et l’emporta dans son atelier. Il la coucha sur son établi et comme elle commençait à ouvrir les yeux et à vouloir parler, il lui coupa la langue et lui scotcha les paupières afin de pouvoir travailler en paix. L’art étant un acte sacré, une offrande à dieu et non comme le pensent certains, un acte d’orgueil. D’ailleurs Lambert n’avait pas l’intention de signer son œuvre. C’est dire ! Le soir venu, il mit un point final à son chef d’œuvre. Et la jeune fille alla rejoindre d’autres créatures (chiens, chats, nains, unijambistes, manchots et grenouilles…) épinglés sur son mur.

Content de lui, il braqua le spot sur ses oeuvres et s’assit tranquillement dans son fauteuil pour contempler le fruit de son génie. Au comble de l’extase, il eut enfin une érection spontanée qu’il considéra comme un cadeau du ciel. Dieu remercie les artistes comme il peut.

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