La presse écrite a été et reste de nos jours très importante pour les jeunes filles. Les études sur le sujet s’accordent pour estimer que les magazines aident à grandir, à se connaître et à partager des moments difficiles de l’adolescence.
Les magazines de jeunes filles se divisent en différentes tranches d’âge. Pour les 11- 13 ans, on trouve des magazines comme « Les secrets de Sabrina », tiré de la série « Sabrina l’apprentie sorcière » ; une jeune sorcière qui doit surmonter plusieurs épreuves pour avoir son diplôme de sorcellerie. Ces épreuves sont des métaphores en relation avec le quotidien et les difficultés des jeunes filles de cet âge. On y trouve les premières bases pour apprendre à se maquiller, à se faire des coiffures originales, à adopter un certain style vestimentaire et à le créer soi-même. Le journal intime de Sabrina y est présent ainsi que différents jeux, à faire en solo ou en s’amusant avec ses copines. A noter également des épisodes de la série racontés comme une histoire. Mais, dulcis in fundo, on trouve un test « écolo » qui étonne un peu dans le contexte. A quel point les toutes jeunes ados sont concernées par le réchauffement climatique ? Dans le pire des cas, c’est la « honte », dans le meilleur, on est « la reine écolo ».
Dans le même créneau, on trouve le « Witch » repris du dessin animé « Witches » : des jeunes filles gentilles à l’école et des sorcières/fées en privé, dotées chacune d’un super-pouvoir différent, les rendant invincibles une fois qu’elles sont unies. En général, les mauvaises sorcières passent un sale quart d’heure. Le contenu de « Witch » est fort similaire à celui de « Les secrets de Sabina », mais avec un côté moins enfantin, plus hype… Le look des jeunes filles se veut plus frime, c’est plein d’accessoires, etc. Ce qu’on trouve en plus, c’est la rubrique « conseils » pour une bonne relation avec sa mère, quelques recettes de cuisine, des pages de découverte des animaux, et un petit espace de correspondance « Entre filles ». Il y a aussi une rubrique aidant à faire la distinction entre le monde télévisé des séries et la vie réelle. Un bonne part du magazine est occupée par la bande dessinée calquée sur le dessin animé. Enfin, comme pour tout bon magazine de jeunes filles qui se respecte, il y a des tests. Exemple : « Es tu aventurière ? Quand l’inattendu surgit dans ta vie, es-tu du genre à attraper ton chapeau d’Indiana Jones ou à te terrer dans ta chambre »?
Pour les 13-15 ans, on trouve des magazines comme «Fan 2», « Like hit », « Super », quasi identiques entre eux par le style « people » qui les caractérise. En effet, les couvertures sont remplies de starlettes du moment (surtout musicales). On y trouve aussi les éternels ragots des acteurs des séries télé les plus suivies. Des pubs pour accessoires, maquillage, crèmes solaires et maillots (comme l’été est désormais à nos portes). Peu de pages sont consacrées à la correspondance entre filles. Ce qui ne manque jamais par contre, c’est l’horoscope (sacré) et les tests : «Pourquoi n’as pas tu encore trouvé l’amour ?», « Etes-vous faits l’un pour l’autre ? », « Es-tu exigeante en amour ? ».
La palme du magazine type de l’adolescente revient probablement à « Girls », moins people et plus « psychopéda ». On y parle beaucoup des relations avec les garçons, de sexe (côté mec et côté fille), de jalousie, de caractères, de relations amoureuses dangereuses, etc. L’espace de correspondance est étoffé, et traite de plusieurs thématiques : le sexe, les relations familiales et amicales, les déceptions amoureuses, le suicide d’une amie, les agressions sexuelles, ou de questions plus « légères » liées à la beauté, à l’acné, etc. Il y a une batterie de tests : « Comment trouver ton BGC (Beau gosse célèbre) ? », « Et toi, le sexe tu y penses comment ? », « Es-tu une meneuse ou une suiveuse ? », «Jusqu’où peux-tu aller par amour ?», «Comment garder ton moral au beau fixe ?» Il ne manque pas de pubs sur la beauté, les maillots et accessoires en tout genre. Et pour
finir en beauté, une belle histoire d’amour en roman-photo ! Ce qui est intéressant, c’est aussi la présence de points de vue de garçons, via la rubrique “correspondances”, et leurs questionnements, très minoritaires par rapport à ceux des filles, mais il faut quand même le souligner car c’est l’unique magazine qui en tient compte. Même l’horoscope a sa version mec et sa version fille.
Les jeunes filles qui se sentent fort concernées par leur physique lisent « Féminin beauté », destiné aux femmes de tous ages. Ce magazine est dédié aux soins esthétiques, tout y est : jambes, visage, lèvres, cils, cheveux, cellulite… Sur le numéro en question, il y a un spécial « régimes », avec des conseils nutritionnels. Dans l’espace santé, on trouve des tuyaux pour avoir une bonne mémoire et une série d’exercices pour l’améliorer, ou encore un « spécial bronzage » et un « spécial look sexy ». Il y a un paquet de pubs de toutes sortes pour des produits de beauté tous azimuts.
Pour les « fashion victims » il y a « Glamour », élu meilleur magazine féminin de l’année. Une grande partie du magazine est réservé à la mode : vêtements, accessoires, chaussures, coiffures… Un tout petit espace people, beaucoup de pub, un peu de culture, beaucoup de « spécial bronzage », quelques pages de sexe .…Passons aux choses sérieuses : dix pages pour s’aimer telle qu’on est : « Des complexes, moi, plus jamais ! ». Mais juste en dessous, on voit « forme » : «Ma silhouette parfaite en 11 recettes !» Un joli paradoxe, qui est encore plus aberrant quand on a passé son temps à feuilleter le magazine, peuplé de filles d’une « beauté » à la limite du réel, qu’on penserait presque venir d’une autre planète.
Ne faudrait-il pas se questionner un tant soi peu sur l’impact que tous ces magazines ont sur les jeunes filles et les ados en général ? Ces filles avec des « corps de rêve », sans aucun défaut, les collections de bikinis minuscules, les régimes, sans même parler des stéréotypes féminins véhiculés. Les pressions induites par ces magazines ne concernent pas que les adolescentes, mais aussi les femmes adultes, sensées être moins vulnérables. Le monde idéalisé par les magazines, la télé, la pub, devient de plus en plus réel, la surconsommation y est normalisée et le paraître y est largement plus important que l’être.
Comment faire comprendre aux jeunes filles, bombardées par des messages qui prônent une beauté à la limite de l’anorexie, que la Venus ou Les Trois Grâces de Botticelli, avec leurs rondeurs, sont aussi des modèles d’esthétique, indémodables et sans danger pour le corps et l’esprit, ceux-là ?