Entre maniaco-dépressif et malade chronique, il se lamente cycliquement (généralement dans les cafés, en lisant le journal ou en écoutant la radio) sans voir cependant son état atteindre un niveau de satisfaction acceptable et constant. Maintenant, concédons-le lui, sa vie n’est vraiment pas toujours facile : de promesses déçues en rendez-vous ratés, d’espoirs perdus en humiliations subies, sa souffrance semble avoir un sérieux ancrage dans la réalité.
En ce moment même, inaudible pour les oreilles étrangères, c’est une angoissante et lancinante question qui anime la région liégeoise : est-ce qu’on va réussir à être européen ? Parce que ce coup-ci, c’en est trop, la coupe est pleine (même si ça fait belle lurette qu’on n’en a plus gagné aucune). Et les langues se délient – elles n’attendaient d’ailleurs que ça…
Fataliste : « Européens ? Bof… De toute façon, si c’est pour se faire éjecter de la compétition dès le mois d’août parce qu’on aura encore eu droit à une phase de préparation pensée par des tocards pour des canassons, je vois pas à quoi ça sert. Maintenant, si on l’est, j’irai voir. Qu’est-ce tu veux faire… ».
Amoureux : « On le sera sans doute. Mais bon, la saison est déjà réussie… d’une certaine manière. Ça fait 17 ans que je suis abonné et je me dis que c’est comme une histoire d’amour trash. Tu vois, le genre les valoches qui valsent par la fenêtre, les assiettes contre le murs et les insulte bas… puis, il se passe toujours un petit miracle : on s’embrasse et on oublie. Cette année on a eu LA victoire à Anderlecht. On a déjà largement de quoi rempiler pour la saison prochaine. »
Economiste : « Européen ou nin : depuis 1983, y a plus rien qui tourne comme ça devrait. C’est à la même époque qu’à commencé le démantèlement de l’industrie sidérurgique liégeoise. T’as déjà pensé à faire ce rapprochement ? Moi, je ne crois pas au hasard du calendrier. Bon, maintenant, la condamnation de Cockerill, on s’y est fait. Mais pas une victoire de quoi que ce soit pendant plus de 20 ans, ça, ça a du mal à passer. Faut pas surestimer la capacité des gens à tout supporter… »
Sociable : « Je pense qu’au fond, je m’en fous. J’en suis arrivé là ! On passait tellement de temps à râler au bistrot avec les potes et je m’ennuyais pas. Je me suis demandé si j’aimais pas plutôt râler en buvant des bière que le foot – bin, ouais, tu te poses des questions des fois. Et puis j’me suis dit que le foot, c’était devenu ça (je veux dire voir des copains) et je me suis détaché des résultats. Maintenant, si on est européen, on va ta faire une de ces fiesses… »
Historique : « Souvent, je vois Simon Tahamata qui vient avec ses jeunes voir les match. J’te jure, à chaque fois ça me fout le cafard : avant on jouait pour gagner la coupe, maintenant on espère pouvoir participer. Tout est là… »
ASBL D'Une Certaine Gaieté 
