Récifs en vue

Un Acariâtre

— Q – Voila ma question, cela fait deux ans que vous nous parlez du PLAN MAGELLAN. C’est un beau nom, mais on ne le voit toujours pas venir, votre bateau. C’est à croire qu’il a perdu son gouvernail… ou qu’il a fait naufrage corps et bien…

— R – Vous savez, cher téléspectateur, nous avons lancé, avec le plan MAGELLAN une opération d’envergure jamais imaginée auparavant à la RTBF : il fallait briser un état d’esprit, des comportements nuisibles au développement harmonieux de ce service public dont la vocation, il convient de le rappeler, est essentiellement culturelle. Les réticences étaient grandes, je n’évoquerai que pour mémoire les obsessions des syndicats sur le règlement de travail par exemple…

— Q – Attendez là, vous êtes en train de me faire un discours que je connais presque par cœur. Moi, ce qui m’intéresse, c’est par exemple de savoir pourquoi au Journal Télévisé vous racontez avec une demi heure de retard, les mêmes salades que RTL. Si c’est pour faire la même chose, en moins bien, il vaudrait peut-être mieux rediffuser leur journal ? Ce serait toujours ça de gagné.

— R- Mon cher Monsieur, vous comprendrez que je ne peux pas vous suivre sur cette longueur d’onde. Les différences entre une chaîne publique et une chaîne commerciale dans la manière de présenter l’information sont patentes. Nous sommes là pour informer mais aussi pour éduquer le téléspectateur. C’est là que réside notre spécificité de service public… et c’est pourquoi nous veillons à compléter l’information que vous propose le J. T. par des magazines, ainsi, ce nouveau magazine que Fabienne VANDERMERSCH vous présente chaque mercredi…

— Q – Peut-être bien, mais moi je n’y retrouve plus mes jeunes, le mercredi je regardais Faits divers, ou Au nom de la loi… maintenant, je ne sais plus jamais ce qui m’attend. C’est comme à la radio, pour faire de la proximité, ma radio qui était à Liège va s’installer à Mons… c’est à y perdre son wallon.

— R – C’est un cas un peu spécial, vous savez que Mons est maintenant la capitale culturelle de la Wallonie, il fallait bien faire quelques concessions politiques… enfin, bref, vous savez ce que c’est… ainsi, Monsieur Van Cauwenbergh vient de réclamer la localisation du sport sur le site de Charleroi… Je ne vois pas pourquoi on n’accorderait pas cette petite faveur au Président de la région Wallonne, et ancien bourgmestre de Charleroi de surcroît…

— Q – Oui, mais je ne vois pas comment ils vont pouvoir me parler tous les matins de ce qui se passe dans ma région, je ne vois pas d’ailleurs en quoi cela les intéresserait.

— R – Cher auditeur, vous vous braquez sur des détails, il faut voir plus loin, nous somme entrés dans le vingt et unième siècle. Fi des baronnies et du nombrilisme. C’est le monde qu’il faut regarder. Et pour approcher le monde, il faut des instruments adaptés à notre ambition. Une rationalisation de nos moyens, une centralisation des forces, une efficience en marketing…

— Q – Vous savez, M’sieu, bien avant vous, c’étaient des musiciens et des comédiens qui dirigeaient la RTB, et elle ne s’en portait pas trop mal… après, ce sont les journalistes qui ont pris le pouvoir, j’ai rien contre, quand ils s’occupent de l’information… et un peu moins de faire plaisir aux politiciens… bon, passons. Et voilà que débarquent de soi-disant experts en marketing…

— R – Pas de caricature, s’il vous plaît, nous ne fabriquons pas des boîtes de petits pois.

— Q – Ben, c’est justement là que je ne vous suis plus très bien… on délocalise, on exige productivité et rendement…tenez, le neveu de ma femme qui est technicien à la radio, pour rationaliser son travail, on lui fait faire le trajet Liège-Mons et retour tous les jours… vous parlez d’un rendement.

— R – Tout ceci, Monsieur, est le résultat d’un processus de maturation, auquel vous n’êtes peut-être pas sensible, qui nous a amené à privilégier une rationalisation des moyens selon les spécificités dévolues à nos différents sites, ainsi nous
entrons dans une dynamique nouvelle, jeune, innovante, je dirais même sexy…

— Q -… qui fait de nous des téléspectateurs et des auditeurs déboussolés et un personnel qui cherche désespérément ce que pourrait être sa motivation. Enfin, merci quand même et à la prochaine réforme.