Le Livre du Mois

Download PDF

C’est le type qui a pondu le tant merveilleux Dictionnaire des lieux imaginaires avec son pote Gianni GUADALUPI. Vous le situez ? Il nous raconte, sans le moins du monde nous enquiquiner, ses expériences de lecteur boulimique et assimile la lecture « à un acte érotique d’abandon et de jouissance », mais aussi à un acte de liberté, qui a contribué à faire de lui un homme rebelle à l’oppression et à la censure. C’est brillant, réjouissant et c’est paru en Livre de poche (n°15.557) : 6,50 Euros bien dépensés. À propos de rebelles, si vous les voulez (re)découvrir à peu près tous d’un coup, du moins ceux du XXème siècle, ruez-vous sur Le Siècle rebelle, un « dictionnaire de la contestation » que nous offre Emmanuel DE WARESQUIEL, dans la collection in extenso, chez Larousse. Quelque 180 auteurs s’y sont mis pour concocter cette encyclopédie qui fait le tour d’un solide paquet de manières de gueuler « Non ». Tous n’y sont pas, bien sûr, on n’y trouve hélas ni Le Gloupier ni Aguigui Mouna, ni les C.C.C. ni le groupe Panique, pour ne déplorer que quatre omissions d’importance, mais ce n’est certes pas une raison pour bouder le plaisir de vagabonder dans ce gros bouquin, d’y sauter de la bande à Bonnot aux Brigades rouges ou internationales, des situationnistes à la Révolution des œillets, d’Ubu roi au Petit Livre rouge, non sans se farcir la musique d’Hendrix ou du Velvet Underground, la peinture de Dubuffet ou celle de Basquiat. On traverse le siècle passé en son entier, des barricades de Mai 68 au nettoyage de la Place Tian’an men, et les mutins, révoltés, voire terroristes de tout poil y sont passés au peigne fin. 1.062 pages indispensables ! Une nouvelle Bible à laisser posée en permanence à son chevet en compagnie de l’Anthologie de la subversion carabinée.

À Charleville Mézières, cité qui doit une part de sa renommée au fait d’avoir vu naître et grandir l’extrême Jean Nicolas Arthur, j’ai dû constater que, dans les présentoirs, on pouvait certes trouver quelques cartes postales rappelant le Poète à la mémoire des chalands, mais en nombre bien inférieur à d’autres jolies images, grâce auxquelles on s’aperçoit que les braves Carolopolitains s’enorgueillissent davantage de vivre dans la « Capitale de la marionnette ». Mais sans doute quelques-uns d’entre eux que je connais feront-ils l’acquisition d’Éclats de la violence, une brique de Pierre BRUNEL qui n’est autre qu’une édition critique commentée des Illuminations. C’est paru chez Corti et ça coûte 28 Euros. C’est un travail universitaire assez costaud qui ravira les fans du jeune homme aux semelles de vent. Claude JEANCOLAS, pour sa part, prend la succession de Suzanne BRIET, Yves BONNEFOY et Françoise LALANDE, faisant paraître une nouvelle biographie de la « Mère Rimbe », de la terrible « mother » qui sévissait à Roche, Vitalie Rimbaud, pour l’amour d’un fils (Flammarion, 21 Euros). Ça se lit plutôt bien, même si ça n’apporte rien de neuf. Pour en finir avec Charleville, force m’est, une fois de plus, de vous pousser à vous abonner à la revue Les Amis de l’Ardenne (10, avenue du 91ème RI, F 08000 Charleville-Mézières). Le dernier numéro, paru le 15 mars, consacré au Grand Jeu de Daumal et Gilbert-Lecomte est tout bonnement époustouflant ! Cette excellente revue est en train de devenir « incontournable », je vous l’affirme. Les fervents de DAUMAL ne manqueront pas non plus de commander Chroniques de cinéma (au Signe de la Licorne, 36 avenue Carnot, F 63000 Clermont-Ferrand). Tiré à 333 exemplaires dont 33 H.C., l’ouvrage regroupe 19 articles inédits du grand René, parus en 1934 dans un journal éphémère et rare (Aujourd’hui), accompagnés de 6 autres notes sur le même sujet, données à la NRF. On ne va pas s’en priver.

Bon ! Si on en venait un peu au « cul », ça nous réjouirait, non ? Que diriez-vous d’un dictionnaire érotique Français/Anglais ? Le voici : Les Mots de la chose, d’Henri VAN HOOF (Pauvert, 25 Euros), où vous apprendrez que Français et Anglais ne font pas l’amour de la
même façon ! Le bonhomme, citoyen de Waterloo, travaille au Centre de Terminologie de Bruxelles. Il a déjà publié bon nombre de trucs intéressants, entre autres une Petite Histoire de la traduction en Occident, une Petite histoire des dictionnaires ou des choses plus pointues, du genre d’un Dictionnaire des éponymes médicaux français-anglais. Pour l’heure, il se penche sur l’expression de l’activité sexuelle, à la signification attribuée au va-et-vient dans l’imagination des deux peuples séparés par la Manche. L’érotisme offre un champ lexical suffisant vaste et cohérent pour constituer la matière d’un dictionnaire, qui prouve à l’envi l’extravagante prolifération des synonymes désignant bistouquette et roubignolles, foufounette, clitounet, loloches, foirpette et remue ménage. On a les doigts de pied en éventail, on fait sauter la cervelle à Charles le Chauve quand on ne lui fait pas un shampooing, on défromage le minaret, on bouffe de la tarte aux poils, du moins si l’on n’a pas l’aiguillette nouée, qu’on n’épluche pas les lentilles ou qu’on ne fait pas dans la confiture… Attention, de Cythère on peut ramener certain bobo, le gros lot, la goutte militaire, la pécole, etc. T’avais qu’à pas préférer à bobonne les pinocumettables du genre mademoiselle du bitume ou madame Diogène, espèce de va-de-la-lance ! En tout cas, c’est « foutrement » amusant de constater qu’on trouve pratiquement quatre fois plus de vocables dans la langue de Shakespeare que dans celle de Molière pour désigner la tante, mais qu’à l’inverse les porteurs de bérets basques ont la trique de bien plus de façons que les chapeautés du melon. Bref, si votre vocabulaire a besoin d’un grand entretien, ce dictionnaire à lire d’une main est pour vous.
Amoureux de l’image populaire, réjouissez-vous ! Papiers nickelés est né. C’est un ravissant (et intéressant) petit canard qui n’a pas peur des gros et qui se veut l’organe de l’association de préfiguration d’un « Centre international de l’Imagerie populaire, du dessin imprimé et du patrimoine sur papier » qu’Yves FRÉMION rêve depuis belle lurette de créer à Paris. Le domaine du projet est à la fois la B..D., le dessin de presse et d’humour, l’affiche et les publicités dessinées, l’illustration, la gravure et la « petite imagerie » (ces images que chacun a en mains et ne regarde jamais : emballages de boucheries, sachets pour les fruits, papiers d’oranges, de P. Q., étiquettes de fromages, couvertures de mauvais polars, etc. ). Foin donc ici du dessin « d’art », c’est le côté populaire qui est à l’honneur et c’est plutôt chouette. On s’abonne, évidemment, en versant 15 Euros pour l’année et en contactant, toutes affaires cessantes, Jacques Bisceglia (Les Érables, 36, rue de Picpus, F 175012 Paris). Là-dessus, je m’en vais de c’pas voir si morilles et mousserons daignent montrer leur chapeau. Ce que je ne trouve pas dans les livres, je le cherche dans les bois. Voilà ! C’est nettement mieux, en définitive, que se bourrer la gueule dans les bistrots citadins pour n’en arriver, à terme, qu’à faire chier tout son monde.

Aucun commentaire jusqu'à présent.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Archives

Catégories

Auteurs