y’slament…y’slament…y’slament…

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Voici Nicolas Ancion, Carmelo Virone, Jacques Izoard.
A force de toujours voir la même tête
Dans le miroir
Le poète
Finit par regarder ailleurs
Il en a marre de son grand visage pâle
Sans tain
De son teint blafard
Des cernes en nénuphars
Qui flottent sous les grand yeux froids
Les crottes de nez au bout des doigts
La barbe qui perce sous les joues drues
Comme le fromage pousse par les trous de la râpe
Il en a marre de lui-même
Le poète alors
Il ouvre grand la fenêtre
Histoire de respirer
Le bon air de la Meuse et ses poussières d’Ougrée
Tant qu’il y en a
Le voilà accoudé
Le poète
Au rebord de la fenêtre
Comme une vieille d’Outremeuse
Il regarde les passant qui passent et qui repassent
Pressé de se dépêcher et d’arriver ailleurs
Pour repartir là-bas où on ne les attend pas
Pas plus qu’ailleurs
Les passants au pas pressé
Derrière les volants coincés
Dans les embouteillages
C’est fou ce qu’ils me ressemblent
Se dit le poète
Je n’avais jamais remarqué que j’avais tant de sosie
Elvis et Cloclo en serraient tout jaloux
Les mêmes rides la même haleine
Et la même manière de ne pas penser
Pour mieux foncer tout droit
Dans le mur
Ou dans une porte ouverte
Je suis comme vous crie le poète
Aux passants qui s’en foutent
Moi aussi je m’en fous
Qu’il crie
Moi aussi je suis saoul
Parfois
Et je pète en dormant
Je ronfle la bouche ouverte
Eh le poète
ferme un peu ta fenêtre
Je n’entends plus le poste
Crie la mère du poète
Depuis le fond du salon
Le nez contre l’écran
Elle se gratte les chips avec ses longs doigts sales
Elle rote entre deux pubs
A sa place songe le poète
Je me serais pendu depuis belle lurette
C’est pas une vie tout ça
C’est juste du blabla qu’on écoute qu’on regarde
Des mots qui suintent et des culs qui clignotent
La vie devant le poste
Puis il rallume sa fenêtre
Pour voir le temps passer sur ses grands pieds qui frottent
Le temps qui Ópasse mais ne repasse jamais
Ses chemises
Il n’aime pas trop les tâches ménagères
Juste comme moi
Se dit le poète
Le monde me ressemble
Ou c’est moi qui copie
Je ne sais pas trop
Se dit le poète
Et je m’en fous
Qu’il crie de sa grosse voix
Vers la rue parsemée de gens
On rameute la police
Du moins une paire d’agents
Distributeurs de pruneaux
Il faudrait vous calmer
Qu’il dit
Le plus casquetté des deux types
Pour de bon
Vous calmer
Qu’il répète le collègue
Je ne suis pas sourd rétorque le poète
Je m’amuse c’est tout
J’espère que je ne vous ressemble pas
Qu’il dit encore
Et c’en est trop déjà
Les deux agents l’empoignent
Le tirent dans la rue
Par les pieds par les bras
Ferme la fenêtre derrière toi
Crie la mère du poète
J’ai froid
Et Colombo commence
Le poète se rebelle un peu pour la forme
Puis se dit que c’est ça la vie d’aventurier
Un instant à la fenêtre
Un instant au panier
Puis une nuit au trou
A insulter les flics et puis à réciter
Des poèmes sodomites
Sans miroir pour scruter sa grande gueule trop pâle
Et ses dents mal rasées
C’est la fin du poème déjà mais pas celle du poète
Si vous voulez savoir ce qui va arriver
Votez votez encore
Le poète en cellule
Attend
De remonter sur scène
Pour venir rejouter
Et puis en rajouter
Juste une couche
Juste
une
couche

Nicolas Ancion

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Mes bras
Ma portière était mal fermée.
Un bruit bizarre m’a averti
juste avant
quel vent
que mon bras ne s’envole.
Je l’ai rabattue d’un coup sec
pang
par précaution
j’ai demandé à mon ministre
de l’intérieur
qu’il verrouille la sécurité
clac
J’étais tranquille.
Je les connais mes bras.
Si je n’y prenais garde
ils seraient capables de tout
surtout le gauche.
Ils pourraient
s’infiltrer
sans vergogne
profiter d’une vitre baissée
pour venir caresser la cuisse
d’une femme qui ne se doute de rien
et qui confondrait la caresse
avec un rêve de vacance
ou bien
se mettre à titiller le gland
d’un glandeur qui fonce à fond la caisse
en profitant de la vitesse
et de
ses dents de carnassier
qui jusque là
lui ont ouvert toutes les routes
ou se bander encore
se plier pour mieux se détendre
et s’abattre
avec un craquement de mâchoire
cassée
sur un menton menteur
bien fait pour lui
ou se mettre à poser des bombes
dans les vitrines opaques
des établissements de puissance.
Ils sont sauvages mes bras
surtout le gauche
et la pieuvre qui le prolonge
cinq doigts
un oeil central pour repérer la proie
les nuques à serrer
les poches à fouiller
les sexes à creuser
cinq doigts
un oeil central
une pupille en lame de rasoir
à moins que ce soit une ride
de la peau craquelée
cinq tendons
noués comme la folie
qui mènent la danse des doigts.
Je les ai calés contre mon volant
en refixant l’humérus à la clavicule
bien accrochée à l’omoplate
et sur elle j’ai bouclé ma ceinture
clic
tranquillement je roule
à la vitesse autorisée
120 à l’heure
dans moins d’une heure
je serai près d’elle
qui leur montre à mes bras
quel sens ils doivent prendre
pour enserrer sa taille
de leur cercle amoureux
qui accueille légère
sur ses fesses
ou ses hanches rondes
mes pieuvres apaisées.

Carmelo Virone

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Miroir sans tain
Corps enchevêtrés
Derrière ou devant
Le miroir sans tain ?
Je confonds pile et face,
L’envers et l’avers
Que choisir ?
Le thym ? Le teint ? Le tain ?
Miroir, mon beau miroir,
Quel visage me renvoies-tu ?
L’oisive jeunesse a disparu !

Jacques Izoard

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