Liberté chérie …

Download PDF

Le débat autour du préservatif sur le Perron illustre une grande question qui n’en finit pas de traverser nos sociétés : celle de la liberté d’expression. Qu’on repense un instant aux fameuses caricatures de Mohamet et à la fougue de tous ceux qui se sont insurgés, au nom de cette fameuse liberté d’expression, contre les manifestations d’opposition de certaines communautés musulmanes. Pourtant, l’exemple du préservatif sur le Perron démontre, si besoin en était, que les tabous existent aussi dans nos « démocraties ». Qu’on touche à un symbole comme le Perron, insigne de la Patrie liégeoise, et ceux-là même qui hier encore s’insurgeaient au nom de la parole libre, crient aussitôt à l’outrage et réclament la censure.

Le préservatif géant qui a été posé sur le Perron à l’occasion de la Journée Mondiale de lutte contre le sida a permis au moins une chose, que ni ses détracteurs ni ses partisans ne pourront contester, c’est l’existence d’un débat. La polémique initiée par la pétition aura finalement concrétisé nos vœux puisque le Perron a retrouvé ici sa fonction essentielle, redevenant simultanément le symbole et le lieu où s’expriment les libertés. C’est déjà ce souhait qu’on retrouvait dans la pétition « Perron, espace de paroles citoyennes », lancée en juin dernier sur une idée de P-E. Daumas, revendiquant que le Perron devienne un « speak corner » où tout un chacun puisse, à un moment convenu et récurrent, prendre librement la parole. Un appel à projets est d’ailleurs lancé aux artistes liégeois afin qu’ils réalisent un objet symbolisant la prise de parole (voir sur la même page).

Le Perron

Emblême de Liège, qu’on retrouve sur les armoireries, le Perron fut primitivement le symbole des prérogatives du prince, de sa juridiction et de celle de ses officiers. II était aussi le rappel de son devoir, autant que de son droit, de faire pour tous régner la loi et la justice. Aussi, à Liège, fut-il d’abord le lieu où se proclamaient officiellement les sentences des échevins, les édits et les mandements de l’Evêque. Mais l’autorité du prince-évêque devint illusoire après l’époque de Notger et de ses premiers successeurs. Le gouvernement fut dès lors aux mains du chapitre et des patriciens d’abord, des métiers ensuite. Une nouvelle puissance est née. Instinctivement, elle s’appuiera sur le vieil emblème qui, devenu aussi symbole juridique de la nation, incarnera, d’autre part, les privilèges, franchises et libertés du pays. Et comme le prince marquait du Perron son emprise sur ses lieux de souveraineté, les Bonnes Villes se reconnaîtront par son signe. Dès ce moment, la signification « juridiction » est dépassée par la notion de « franchise ». Désormais, le Perron est avant tout, au-dessus de tout, l’insigne de la Patrie.Le Perron fut considéré comme le signe tangible de l’autorité et de la justice publiques, d’où qu’elles vinssent. Aucun acte, d’aucun pouvoir, ne prenait de valeur si, d’abord, il n’avait été proclamé, « crié » au Perron. Faute de cette formalité, rien n’acquérait force de loi ou de chose jugée. Le « cri du Perron » constituait la promulgation officielle de ce que nul ne pouvait méconnaître.

Il faut parfois poser des actes capables de transformer des symboles figés par le temps en pratiques concrètes ancrées dans le présent. La polémique autour du préservatif nous a permis d’entendre les « pour » et les « contre », et c’est très bien : ainsi se construisent les libertés.

Déjà qu’à l’inauguration, notre bon bourgmestre avait subtilement garanti celle d’aller et venir, répondant malicieusement à notre président qui s’inquiétait de nos libertés, il n’en fallait pas plus pour que les gardiens des bonnes mœurs s’enflamment et pétitionnent au milieu des bouquettes et des fris pékets…

Mais finalement que valent le droit à la vie et le respect des autres face à la dignité d’un (petit) village gaulois ?

Nous vous le demandons : qu’eût-il phallus faire ? Que reste-t-il du sacré ? Peut-on rire de tout ? Et avec qui, encore ?
n
Nous conclurons la polémique sur ces mots : si Tchantchès, cet esprit frondeur et impertinent, se met à vouloir interdire, c’est qu’il doit avoir pris un sacré coup de vieux !

Tchantchès est né à Liège, de façon miraculeuse, le 25 août 760, entre deux pavés du quartier d’Outre-Meuse. A cause de son pif cyranesque, Tchantchès hésita d’abord à sortir de chez lui, mais son instinct de liberté lui fit affronter la foule et il s’offrit à faire Saint-Macrawe, c’est-à-dire à être porté tout barbouillé de noir de suie sur une chaise à porteurs soutenue et escortée par tous les gens du quartier . Cet événement mémorable eut lieu la veille de l’assomption de l’an 770. Depuis ce jour, il fut sacré « Prince di Dju d’là Mouse » (Prince d’Outre – Meuse). C’est peu après qu’il devint le compagnon de Roland, le neveu de Charlemagne, et qu’il fut introduit à la cour de Charlemagne. Tchantchès est resté dans les mémoires comme le prototype du vrai liégeois: mauvaise tête, esprit frondeur, grand gosier, ennemi du faste et des grandes cérémonies, farouchement indépendant, mais cœur d’or et prompt à s’enflammer pour toutes les nobles causes.

Aucun commentaire jusqu'à présent.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Archives

Catégories

Auteurs