En Belgique, si vous allez dans un fast-food, que vous consommez pour 20 euros d’hamburgers et de sodas et que vous désirez ensuite soulager votre vessie, il faut payer le préposé aux WC (dame pipi peut être un homme). Mais que faire si vous n’avez plus un cent ? S’il ne vous reste que votre carte de banque ? Deux options s’offrent alors à vous : persuader la dame à coups d’arguments béton, ou bien s’armer de patience et subir la sensation inconfortable voire la douleur de se retenir, les infections urinaires qui peuvent y faire suite…
Les clients en ont marre de payer pour assouvir un besoin naturel. Dans cette histoire, il y a d’un côté les pisseurs lésineurs et de l’autre, les « agents de maintenance » de la propreté. Deux camps qui s’opposent et qui ne se comprennent pas toujours.
« Trente centimes, c’est limite… »
Josiane, qui exerce la profession de «dame pipi» dans un fast-food estime que le prix demandé est insuffisant : «J’ai un statut d’indépendant, je dois payer les charges sociales, l’ONSS, l’Inami. Trente centimes, c’est limite… Sans compter qu’il y a des gens qui partent sans payer. Moi je demande qu’on me paie juste par respect. Et puis, il ne faut pas oublier qu’on doit aussi payer les torchons, les produits d’entretien, qu’on vient voler par la suite !» Josiane n’est pas la seule à occuper ce poste. « On fait un roulement à trois, donc je ne travaille que deux jours par semaine. En plus, si parfois il y a beaucoup de passage, à d’autres moments, c’est beaucoup plus calme. Il m’arrive de n’avoir que cinquante clients sur une journée ! Ce que je gagne ici n’est pas suffisant pour vivre. Je complète mon salaire avec ma pension, mais elle n’est pas mirobolante… Ici, c’est juste pour arrondir les fins de mois. Vous savez, à mon âge, c’est difficile de trouver autre chose. Dame pipi, ce n’est pas mon métier. C’est juste par dépit ».
On comprend mieux à quoi servent ces 30 centimes que l’on dépose dans l’assiette. Certains clients sont toutefois récalcitrants à l’idée de payer. C’est le cas de Gaëlle, par exemple, une Bruxelloise qui juge que « si l’on paie, ça pourrait au moins être propre ! » Un avis qui n’est toutefois pas partagé par tous. « Quand on s’arrête sur une aire d’autoroute, on voit la différence entre la cahute perdue entre deux camions et dans laquelle il n’y a jamais de papier et les toilettes spacieuses à l’intérieur du restaurant ou du magasin. Je préfère payer et savoir que je m’assieds sur quelque chose de propre que d’économiser trois pièces et me boucher le nez… », raconte Sophie.
Une question juridique
Les pompes à essence ne sont en effet pas en reste au royaume du surréalisme. Lors d’un trajet Paris-Bruxelles, l’automobiliste a tout intérêt à se lâcher avant de passer la frontière car une fois en Belgique, il lui faudra payer. Mais pourquoi ici et pas là-bas ? Il s’agit d’une loi qui diffère entre les deux pays. En France, les WC dans les cafés sont gratuits parce que ces endroits sont considérés comme publics. En Belgique, si les toilettes relèvent d’un lieu public, l’accès y est gratuit (c’est le cas des bibliothèques), mais si elles dépendent d’une sphère privée (c’est le cas de nos cafés, brasseries et autres), le patron a le droit de fixer un prix à l’entrée. Certains cafetiers français n’hésitent pas à copier le modèle belge pour mettre un peu de beurre dans les épinards, allant jusqu’à demander des prix exorbitants.
A l’ère des Sanisettes
Mais que faire dès lors que l’on se refuse à débourser quoi que ce soit pour faire pipi ? S’accroupir derrière un arbuste, les fesses à l’air, en priant pour que personne ne passe à ce moment là ? Rien ne vous empêche de vous rendre dans les cabines prévues à cet effet et disséminées un peu partout dans le centre ville. Facilement reconnaissables grâce à leur couleur verte et à leur logo WC « machin chose », ces cabines vous permettent de vous soulager en toute quiétude. Néanmoins, il faut bien avouer que ça n’y sent pas la rose…
La
ville de Liège a donc étudié le problème et créé les Sanisettes, des toilettes payantes (20 centimes) et propres, placées dans les endroits les plus fréquentés par les piétons. Au nombre de sept, même s’il n’y en a qu’une seule déjà installée, ces toilettes du futur, qui valent leur pesant de cacahuètes (10000 euros pièce), sont le nec plus utlra en matière de toilettes urbaines. Une hygiène qui se veut parfaite grâce à une désinfection en profondeur après chaque utilisation, un système de sécurité mis en place pour parer aux malaises, agressions ou incendies, avec un bouton directement relié au commissariat le plus proche ainsi qu’une caméra à actionner en cas d’urgence. Ces toilettes sont aussi accessibles aux personnes à mobilité réduite, même si le Gamah (Groupe d’Action pour une Meilleure Accessibilité aux Handicapés) reste sceptique. Il est vrai que placer le dérouleur de papier dans le dos de l’utilisateur n’était pas l’idée la plus brillante qui soit…
Rendez-vous donc Place de l’Yser et sur l’Esplanade du Commissaire Maigret pour vingt minutes (maximum) de tranquillité… Les sanisettes restantes sont installées Place Cockerill, Boulevard d’Avroy, Rue Charles Magnette, Rue du Parc et rue Saint-Léonard, mais ne seront accessibles au public que dans quelques semaines.
Les pipis insolites
Lorsqu’on vous demande quels sont les endroits les plus curieux, originaux ou saugrenus dans lesquels vous vous êtes déjà laissé aller, les réponses ne manquent pas. Toutes aussi déroutantes…
« Sur la vitrine du Quick à Liège, une nuit en revenant du Carré » (Denis).
« Dans la cour de récré de mon école primaire, à trois heures du matin » (Gaëlle).
« Dans la rue des diamantaires à Anvers, juste devant une caméra ! Et dans le parc de la Boverie aussi, un jour de fin d’exams quand il y avait des centaines d’étudiants présents autour de moi… » (Sarah).
« Sur le comptoir d’un bar, un soir où j’étais trop bourré pour aller aux toilettes » (Pol-Yvon).
« Dans le casier d’un de mes ennemis en secondaire » (Jérôme).
« Dans le jardin de mon ex petit-ami » (Claudia).
« Sur la voiture de mon père, avec des potes »
(Pablo).
« Dans ma bouche, quand j’avais cinq ans » (André).
« En Suisse, dans un refuge en montagne. Il n’y avait qu’un trou et pas de chasse » (Alicia).
« Dans une cage d’escalier, et dans un parking public aussi ! » (Laurence).