Robert Wyatt lui a dédié une chanson magnifique, qui rappelle que la menace nucléaire n’est pas un souvenir du passé. Et pourtant la presse domestique ne lui consacre pas beaucoup de place dans ses colonnes. Mordechai Vanunu, militant pacifiste israélien, assigné à résidence sous un régime disciplinaire et vexatoire très strict qu’il n’a vraisemblablement pas respecté, va devoir retourner en prison («Le Soir», 03 juillet 07) où il a déjà purgé l’intégra-lité d’une peine de dix-huit ans de prison pour avoir dévoilé l’existence d’un programme nucléaire israélien. En 1986, Vanunu avait transmis au quoti-dien Sunday Times un dossier confirmant la fabrication d’armes atomiques par l’Etat hébreu. Celui que les Israéliens surnomment l’« espion atomique » a été kidnappé par le Mossad en Italie, où il s’était réfugié. Il a été ramené en Israël, où il a été condamné par vengeance, pour avoir brisé une « loi du silence » très puissante en Israël, et pour « réduire au silence » tous ceux qui seraient tentés de l’imiter. Il ne recouvrira la liberté qu’en 2004.
Déchu de sa nationalité, Vanunu attend simplement de recevoir l’autorisation de quitter le pays. On la lui refuse sous prétexte qu’il pourrait dévoiler des secrets nucléaires d’Israël. Des « secrets » vieux de vingt ans, totalement dépassés. Mais Vanunu dérange, car il fait partie du très petit nombre de gens qui dénoncent le fait qu’Israël n’ait pas signé le traité de non-prolifération nucléaire. En refusant de le faire, Israël est responsable de la prolifération dans la région (l’Iran, notamment). L’Etat hébreu utilise la force que lui donne le nucléaire pour continuer à faire ce que bon lui semble, même si c’est illégal et condamné par la loi internationale, comme d’accélérer la colonisation de la Cisjordanie et construire un mur («Gaza ne suffit pas», interview à L’Humanité, 22 août 2005).
Un documentaire québécois réalisé sur un canal indépendant (1) révèle entre autres qu’il y a d’autres Vanunu et qu’Israël est une poudrière nucléaire, chimique et bactériologique qui risque à tout moment d’intoxiquer la population. Cette chape de plomb porte un nom presque officiel : « politique de l’ambiguïté nucléaire ». D’après un député arabe israélien, c’est en Israël que les inspecteurs de l’ONU auraient dû chercher des armes de destruction massive, et non en Irak, et ils en auraient trouvé beaucoup. Quand une journaliste de la BBC pose la question à Shimon Peres, sa réponse est… désarmante : Israël est une démo-cratie, pas l’Iran, point, à la ligne. A l’exception de quelques grands médias anglais (et encore, timidement), aucun organe de presse ne s’étend sur le sort de Mordechai Vanunu.
En Belgique, l’opposition aux armes nucléaires ne suscite pas de martyrs de ce type. Le black-out n’en est pourtant pas moins total, puisque même les parlementaires ne peuvent se permettre aucun commentaire sur les armes de destruction massive que l’OTAN entrepose à Kleine Brogel, secret d’Etat autant que de polichinelle. Le « Comité de surveillance OTAN » (www.csotan.org) a pourtant plus d’une fois tenté d’alerter l’opinion sur ces bombes illégales, tandis que les militants du collectif « bomb-spotting » (www.bomspotting.be) ont multiplié les manifestations et les actions de protestation. Ils accusent les autorités belges de « délit de forfaiture » car, selon eux, elles ne respectent pas l’article 2 du Traité de non-prolifération nucléaire, qui stipule qu’il est interdit pour un pays ne disposant pas de l’arme nucléaire d’accepter que soient déployées sur son territoire des armes de ce type, provenant d’une puissance nucléaire. Du côté du gouvernement, seul leur a répondu un silence écrasant.