Stas Academy

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S’il est bien un petit bouquin dans lequel nombre de mes amis et moi nous sommes à moult reprises plongés avec délectation ce sont les Miscellanées de Mr. Schott. Son jumeau vient de naître car BEN SCHOTT remet ça en nous gratifiant (toujours chez Allia) de Miscellanées culinaires de Mr. Schott. Un smörgasbord ? Un rijstafel ? Un mezzé ? Une assiette anglaise ? Un ambigu ? Un salmigondis ? Un amphigouri ? Un bouquet garni ? Un salpicon ? Une capilotade ? Une fricassée ? Une galimafrée ? Ces Miscellanées sont tout cela – sinon davantage. Dégustez sans modération cette hallucinante « collection de notations instructives ou saugrenues (au propre comme au figuré). Elles se proposent de ramasser les miettes oubliées sur la nappe de la conversation. Elles n’ont certes pas la prétention de faire autorité, d’être exhaustives ni même pratiques. Dans une cuisine si petite, il fallait renoncer à proposer à la carte un service complet : ce petit livre n’aspire qu’à ouvrir l’appétit des gourmets en leur offrant un menu dégustation. Des efforts considérables ont été déployés pour vérifier l’exactitude des renseignements contenus dans ces Miscellanées. l’auteur doit cependant décliner toute responsabilité si vous commandez un plat qui vous dégoûte ; si vous prononcez une parole déplacée pendant le bénédicité ; si vous ratez votre cake d’amour ; si vous préparez une quantité inappropriée de spaghettis ; ou si vous empoisonnez votre tante préférée. Comme le disait Jung : Après tout, les erreurs sont les fondements de la vérité. » Du gastronome au goinfre, en passant par le gourmet, le friand, le gourmand et le goulu (selon la hiérarchie des avaleurs), tous devraient trouver leur bonheur au fil des ces pages desquelles sourd impitoyablement le nonsense du monde. Celui-ci est également tangible dans une revue dont le sixième numéro paraît : les Nouvelles hybrides (aux Éditions du Céphalophore entêté, 84, rue Montaigne F 36000 Châteauroux). Étienne Cornevin, son raide acteur en chef, consacre cette livraison à l’année du Burl, passant en revue nombre d’hurluburlesques livres, assénant un solide paquet de cratiques darlitt et critaques darart, bousculant allègrement tout et le reste à la stupréfaction généralissime. Épinglons un article rendant hommage aux Éditions du Paréiasaure de la très chère Édith Andrieu, inspirée de Poitiers, un autre consacré au Daily Bul d’André Balthazar, illustre Louviérois. Restons dans le sublime en appréciant à sa juste valeur l’Encyclopédie de la Stupidité, de MATTHIJS VAN BOXSEL, génial Amstellodamois (Payot). Traquant la stupidité sous toutes ses formes à travers les contes de fées, les dessins animés, les jardins paysagers, les œuvres de science-fiction, la littérature, la peinture, la politique, la religion, les théories les plus sérieusement délirantes et… l’intelligence, l’auteur nous démontre que c’est elle qui s’avère en fait le moteur de notre société et pourrait bien être, en définitive, la marque de la grandeur de l’homme. Titres de certains chapitres : Le club des gaffeurs, la généalogie des abrutis, les imbéciles en enfer, etc. Cette somme ahurissante est évidemment pataphysiquement indispensable !

LAURENT GERVEREAU, directeur du Musée du Vivant, premier musée international sur l’écologie et le développement durable (sis à l’AgroParisTech, 16, rue Claude Bernard F 75005 Paris), nous gratifie (aux Éditions alternatives) d’un livre sauvagement magnifique : D’après nature, Science et fantasmes depuis le XVIème siècle. Ce spécialiste international de l’analyse des images, directeur du Dictionnaire mondial des images et auteur de nombreux ouvrages dont Voir, comprendre, analyser les images, Histoire du visuel au XXème siècle ou la Guerre mondiale médiatique, pour n’en citer que quelques-uns, porte ici le premier regard critiques sur les images d’écologie. « Les sciences du vivant ont une actualité considérable à l’heure des
combats pour la biodiversité ou contre le réchauffement climatique. Mais quel fut notre rapport à la nature au cours des siècles passés ? À y regarder de plus près, on se rend compte qu’il n’y a rien de moins naturel que l’image de la nature. » Interrogeant toutes les images, scientifiques, politiques, publicitaires, artistiques, cet ouvrage inspiré (à l’iconographie exceptionnelle) apporte des pistes de réflexion essentielles dans notre univers de médiatisation intensive où le rapport au vivant n’est jamais autant apparu comme un enjeu crucial de notre devenir planétaire commun. À ne louper sous aucun prétexte ! On salue itou la monumentale étude que PAUL-HENRI BOURRELIER consacre à la Revue Blanche , chez Fayard. Cette célèbre revue des frères Natanson, dont l’aventure n’a duré qu’une dizaine d’années, joua en France un rôle-charnière des plus importants. Tous les écrivains, peintres, musiciens, hommes politiques, intellectuels les plus marquants de la fin du XIXème et du début du XXème siècle y ont collaboré ou l’ont côtoyée. Elle soutint des combats politiques sous l’impulsion d’anarchistes comme Félix Fénéon ou Octave Mirbeau. Elle mena des campagnes dénonçant le génocide arménien, les dérives coloniales, la barbarie des interventions européenne en Chine ou anglaise en Afrique du Sud, diffusa des pamphlets de Tolstoï, Thoreau, Nietzsche ou Stirner, révéla les Nabis, les Néo-impressionnistes, l’Art nouveau. Proust, Gide, Claudel, Apollinaire, Jarry y furent accueillis. « Humour, esprit de fête, liberté, engagement et créativité, pacifisme, laïcité, mondialisation étaient les valeurs promues par cette génération emportée dans le sillage de la Revue Blanche. » La lecture attentive de ce livre costaud est censée nous « donner la mesure de l’étape majeure alors franchie par la société française vers le modèle culturel et politique qui est le sien aujourd’hui ». Une autre manière de le faire consisterait à prendre le temps de redécouvrir le père du journalisme moderne, l’immense ALBERT LONDRES. Non seulement les éditions Arléa publient ses Œuvres complètes, présentées par Pierre Assouline (le Chemin de Buenos Aires – le Juif errant est arrivé – Marseille, porte du Sud – Dante n’avait rien vu -l’Homme qui s’évada – Pêcheurs de perles – la Chine en folie – les Comitadjis – Terre d’ébène – Chez les fous – Au bagne), mais encore nous réservent-elles l’heureuse surprise de nous offrir un second volume rééditant l’ensemble de ses Câbles & Reportages, présentés par Francis Lacassin (qui nous baladent de la guerre de 14 à la Russie des Soviets, des imbroglios du Levant à l’Italie en crise ou aux Balkans en feu, de l’Indochine française à l’Inde britannique, sans oublier les Forçats de la route, chef-d’œuvre consacré, en 1924, à la Grande Boucle). Disparu (probablement assassiné) en mai 1932 dans l’incendie du paquebot Georges-Philipar qui le ramenait de Shanghai avec une enquête du genre explosive, ce Prince incontesté du grand reportage, voyageur infatigable et hardi redresseur de torts ne cessa sa vie durant de « porter la plume dans la plaie ». Sans égard pour les puissants, Londres allait voir, rapportait ce qu’il voyait, et s’en indignait le plus souvent. Ainsi, il dénonça la misère du peuple sous le régime dictatorial de Lénine, marqua l’opinion publique grâce à son enquête sur le bagne de Guyane, s’attaqua aux camps disciplinaires militaires en Afrique du Nord, critiqua sans appel les mauvais traitements, le manque de soins et la malnutrition dans les asiles psychiatriques français, décrivit la traite des blanches en Argentine, s’insurgea contre les excès de la colonisation ou encore l’antisémitisme. Cet homme dérangeant, généreux, profondément humaniste, opposa au « reportage horizontal », promenade blasée à la surface des choses, les reportages « qui grimpent et qui plongent » – de ceux où l’on campe à l’asile de nuit pour connaître la vie des clochards – ce qu’il avait baptisé « journalisme vertical ».

On saluera le regard critique et personnel
sur les temps forts de la création artistique congolaise porté par ROGER-PIERRE TURINE dans les Arts du Congo d’hier à nos jours (à la Renaissance du Livre). « La colonisation a trop souvent dénaturé l’Africain, elle l’a privé de ses valeurs ancestrales et l’a conduit à adopter nos formes de pensée, d’action et de création. Toutefois, grâce à de trop rares Blancs, quelques artistes, en marge des cénacles, ont conféré aux arts du Congo ses lettres de noblesse, fortes et émouvantes. » Ouvrage de référence et vitrine inédite de l’art contemporain, ce livre intelligent est le reflet d’un Congo ex-belge résolument tourné vers l’avenir. Restons dans les arts avec le dernier né des éditions Yellow Now consacré à JACQUES VAN LENNEP, Une pierre en tête, Travaux d’alchimie, publié à l’occasion d’une exposition (au Mamac de Liège) retraçant l’incidence de l’alchimie sur l’œuvre que l’auteur poursuit depuis plus de trente ans. « Il fournit un apport précieux à une question qui ne cesse d’être soulevée, quant aux rapport entre l’art moderne et la pensée ésotérique, comme l’aboutissement d’une tradition mais aussi expression d’un inconscient collectif. » Chez Yellow Now toujours, mais cette fois du côté cinéma, on fera fête à l’intéressant essai de DOMINIQUE PAÏNI, l’Attrait de l’ombre. « Ce livre n’est autre chose qu’une programmation de films par l’écriture, programmation autorisée par un motif plus plastique que dramaturgique, plus visuel que romanesque, qui, en définitive, excède les seules conséquences de la lumière artificielle du studio ou de la lumière naturelle d’une scène en extérieur. Il s’agit d’un déclencheur d’action, d’une ponctuation ou d’un accent entre les images, d’une teinte de l’action : l’ombre. » Un petit roman inédit d’ALEXANDRE VIALATTE paraît aux Éditions du Rocher, Fred et Bérénice, récit d’une jeunesse enchantée au tournant de l’Histoire, à savoir à la fin de la guerre, lorsque les Américains débarquèrent au fond d’une petite ville d’Auvergne. C’est charmant. Un grand polar peut-être, pour nous distraire ? Plongeons sur Nus, que JEAN-BERNARD POUY l’irremplaçable nous assène chez Fayard noir. Un collectif libertaire organise son université d’été (destiné à faire passer la contre-société alternative à la vitesse supérieure) dans un camp naturiste. « Parce qu’à poil on ne peut plus rien cacher !  » L’assassinat d’une brave Ibère retraitée viendra troubler cette quinzaine édénique, et d’autant plus que celle-ci n’est autre que la propre fille du colonel Durutti… Je ne vous en dis pas plus, naturellement, question de ne point gâcher votre plaisir. Allez hop ! Deux productions de Gallimard Jeunesse pour terminer et je cesse de vous casser les bonbons. Un Ubu Roi de plus, illustré des peintures de Ricardo Mosner et un sublime pop-up pour les enfants de tous âges (mais ne convenant pas à ceux de moins de 36 mois car contenant de petits éléments susceptibles de les faire périr en cas de malencontreuse ingestion, je présume), 600 pastilles noires, dû à DAVID A. CARTER, qui avait obtenu un succès phénoménal avec le précédent. Une seule chose à en dire : c’est tout bonnement magnifique ! Là-dessus, je m’en vais commettre une image : À l’arrière-plan, on y verra un mec (nu ou non) encombré d’une manne, titubant dans un escalier. À l’avant-plan, Darwin constatera, dans un phylactère : — L’homme descend du linge. (On en enferme pour moins que ça.)

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