Un seul couvert please
Laurence Vanpaeschen avait donc décidé de mener son enquête et pour ce faire, de tenter de trouver un grand restaurant qui l’inviterait gratuitement à sa table, en tant que chômeuse, le temps d’un repas. Entre les
« non » francs et les
« non » déguisés en
« oui, mais », il y tout de même eu quelques restaurateurs sympas qui ont accepté directement !
Ces « Oui, quand vous voulez ! » venaient d’établissements classés parmi les premiers du classement des restaurants gastronomiques : le « Chêne Madame » à Neuville-en-Condroz,
« Chez Pierrot » et la « La Truffe noire » à Bruxelles.
Deux des patrons ont profité du moment du repas pour discuter avec la journaliste et se confronter au problème du chômage. Un véritable échange entre deux mondes, pas toujours si éloignés, puisque Luigi Ciciriello, patron de la « Truffe noire », est arrivé en Belgique à 16 ans sans un sou en poche, et a connu lui aussi la débrouille. Pour lui, les restaurateurs qui avaient répondu par la négative étaient des personnes « sans cœur, sans générosité».
Par contre, lorsqu’on avait demandé à des politiques belges de faire preuve de solidarité et de générosité en invitant un chômeur à leur table pour le réveillon de Noël, tous et toutes avaient invoqué des incompatibilités d’agenda…
On potiche gratis
De même, des chômeurs ont eu l’occasion de se faire faire un nouveau look en passant gratuitement entre les mains de coiffeurs d’enseignes prestigieuses comme Dessange ou Jean-Louis Diffusion. « Accepteriez-vous de coiffer gratuitement une chômeuse ? » Telle était la question posée à une dizaine de coiffeurs réputés. Le but de la démarche était d’ouvrir le dialogue entre les chômeurs et les coiffeurs mais aussi de savoir si une solidarité, autre que charité ou assistance, était possible. En acceptant, les patrons pouvaient ainsi s’ouvrir aux problèmes du chômage et de l’exclusion, problèmes qu’ils ne côtoient pas forcément avec leur clientèle habituelle. Monsieur Honhon, patron du salon Dessange, avait directement insisté sur le côté social de sa participation. Son but principal n’était pas d’ordre commercial ou publicitaire. « Où va-t-on si l’on refuse tout dialogue avec autrui ? J’exerce une profession, mais ça ne m’empêche pas de dialoguer avec vous qui êtes sans emploi. Je ne me prétends pas au-dessus de vous parce que je tiens un salon ! » avait-il déclaré. Après un service aux petits soins, sans avoir fait aucune différence avec les clientes habituelles, M. Honhon avait tendu une petite carte avec ces quelques mots inscrits dessus : « La pire chose, c’est l’indifférence. »
Jeter des passerelles
Plus original pour finir : en échange d’un reportage publié dans C4, où elles sont citées, des agences de voyage (Royal Air Tour, Bosphorus, Alsa, Connections, Eurolines) ont accepté de financer le séjour de 5 journalistes dans diverses destinations (Kenya, Turquie, Espagne, Pologne, République Tchèque).
Plusieurs expériences du même type avaient été menées dans divers milieux. Un prêt de robe haute-couture avait été sollicité auprès de grandes maisons, et après plusieurs refus prodigués avec une courtoisie toute professionnelle, deux maisons ont accepté de se prêter au jeu : Max Mara, et Louis Féraud. La responsable de cette dernière boutique avait accueilli notre chômeuse avec un grand sourire et après quelques préliminaires, l’avait invitée à choisir les toilettes qui l’intéresseraient. Une dizaine de robes de soirée, d’accessoires, d’escarpins, de fourrures, tout y est passé. Même un cours de maintien, car on ne marche pas de la même manière avec pas loin de 10000 euros sur soi ! La responsable commerciale avait expliqué la démarche à toutes les vendeuses qui avaient trouvé ça très bien. « C’est courageux d’oser affirmer votre situation de chômeuse et de ne pas vous enfoncer dans l’immobilisme. Bien sûr, il y a aussi un calcul commercial : vous ne serez pas au chômage toute votre vie et si un jour vous avez les moyens de
vous offrir des vêtements de luxe, vous vous souviendrez de comment vous avez été reçue ici ! » avait conclu la responsable.