« Développer le regard critique par le paradoxe et la dérision ».
… Un paradoxe est une proposition qui contient ou semble contenir une contradiction logique, ou un raisonnement qui, bien que sans faille apparente, aboutit à une absurdité, ou encore, à une situation qui contredit l’intuition commune. Dans le vocabulaire commun, ce qui est paradoxal est défini comme ce qui est contraire à l’opinion commune, ce qui est bizarre, inconcevable, incompréhensible, ce qui heurte la raison, le bon sens ou la logique. En d’autres termes, le paradoxe naît de la rencontre des mondes qu’on a l’habitude de dissocier, de la superposition ou de la confusion des différents et des distincts.
Le paradoxe, manifestation symptomatique des tensions qui habitent et traversent nos sociétés aujourd’hui, est un puissant stimulant pour la réflexion. Le cultiver, c’est stimuler un processus de questionnement continuel, sans que rien ne soit jamais figé, un processus dynamique où une question en entraîne une autre, dans un monde en permanente mutation.
Aussi, utiliser la dérision pour susciter le questionnement sur des sujets « graves » tels que le sida, la définition de l’identité, les fractures sociales, c’est par essence adopter une posture paradoxale. Depuis toujours, l’humour a une double fonction, celui de faire rire et celui de révéler, faire prendre conscience.
« D’Une Certaine Gaieté » cherche ici à provoquer un questionnement sur la pertinence de l’action culturelle et à signifier la complexité du monde dans une perspective de débat et de co-construction de sens. Le paradoxe et la dérision sont des leviers pour lutter contre les préjugés et les discriminations et interpeller tout un chacun sur ses propres contradictions dans un processus de remise en question, d’épanouissement personnel et de choix citoyen. …
* Le Trône
Chacun est invité à s’asseoir sur un trône, à s’autoproclamer roi ou reine de … ce qu’il/elle désire, et est ensuite photographié. Depuis ses débuts, l’expérience a été répétée plusieurs fois, dans des milieux différents : Festival de Liège, Mama Roma, maison de repos, galerie d’art, Festival Voix de Femmes, Creahm, Dolle Mol… Ce sont les codes symboliques et les fonctions sociales qui sont ici transgressés. Se mettre à la place du roi ou de la reine, au-delà de la dérision, c’est questionner son rôle social et son propre rapport au pouvoir et au monde.
* Roman-photo : la Belgique vue par elle-même
Il s’agit d’un concept inédit consistant à réaliser une série de romans-photos présentant chacun un milieu socio-professionnel différent. Au fur et à mesure de l’avancement du projet et de la multiplication des contacts avec divers milieux, le roman-photo s’est révélé être résolument polymorphe et applicable à une multitude de champs d´action : levier pour désamorcer une problématique sociétale, outil d’animation culturelle, objet d’activité team building, support de présentation d’un métier ou d’une entreprise, etc. Ainsi, un roman-photo, qui sera très bientôt diffusé par le TEC Liège, a porté sur la résolution de conflits sociaux entre des policiers, des chauffeurs de bus et une bande de jeunes. Sont aujourd’hui au stade de projet ou de réalisation : Intradel, le milieu hospitalier, les maisons de Jeunes, les maisons de repos, l’UCM, la ferronnerie. Un autre des champs d´action est celui de la revalorisation des métiers en pénurie, en particulier des métiers manuels et techniques relativement délaissés ou méconnus du grand public et surtout des jeunes. Dans cette optique, nous avons initié un partenariat avec la Région wallonne et le FOREM qui vise à illustrer cette problématique à travers une série de romans-photos.
Le paradoxe réside ici dans l’utilisation d’un support populaire servant généralement à raconter des histoires « à l’eau de rose » pour identifier un milieu, le valoriser et décrire son fonctionnement. Le support, détourné de sa fonction, traduit ici des préoccupations socio-économiques.
«
Mutations de société : vers de nouveaux discours, vers de nouvelles pratiques, vers de nouveaux droits »
… La mondialisation et l’économie de marché placent l’individu dans une posture qu’on pourrait presque qualifier de schizophrénique à la fois dans son rapport à lui-même et dans son rapport au monde. D’un côté, elles ouvrent un champ infini de possibles et de richesses : celui de la communication et de la connaissance, et de l’autre génère un mouvement de repli identitaire et une fragmentation sociale prenant différentes formes et s’incarnant dans différents conflits, ici et ailleurs. On peut par exemple dialoguer en simultané avec quelqu’un qui se trouve à l’autre bout de la terre tandis que de l’autre, la précarité empêche certains même près de chez nous de payer un ticket de bus pour traverser la ville.
Dans le champ du travail, le passage au post-fordisme bouleverse les repères : l’impossibilité de pouvoir planifier la production exige du processus de travail une extrême flexibilité et un haut degré de « mobilisation » des individus. « La productivité passe d’une certaine façon dans la sphère émotionnelle. Que l’émotion dominante soit la peur, le sentiment d’appartenance à l’entreprise, le respect du chef ou l’amour pour son patron comme dans certaines firmes japonaises. L’entreprise post-fordiste devient une institution totale où une dualité d’intérêts, la possibilité même d’un conflit, une divergence d’intérêts n’est plus tolérée. »1
Le monde est de plus en plus compliqué à décrypter même pour les intellectuels. De façon générale, les repères changent très vite et parfois radicalement tandis que la définition de nouvelles valeurs, de nouveaux discours, de nouvelles pratiques est difficile. En ce sens, la culture est le meilleur allié de ceux et celles qui désirent reprendre du pouvoir sur leur vie et sur leur monde. La culture est un terreau nécessaire pour tenter d’apporter des réponses aux questionnements sur l’identité et transcender cette position schizophrénique, cette crise identitaire qui fragilise les individus et la société. De même, mettre en lumière ces tensions en utilisant la culture comme vecteur revient à refuser le consensus mou pour s’inscrire dans une démarche où la confrontation ouvre au questionnement, au projet, à la sociabilité, à la créativité. …
* Les relations intergénérationnelles / Les Acariâtres
Une des grandes mutations de la société touche au vieillissement. Ce phénomène a des répercussions socio-économiques très importantes. Dans notre société, il est difficile pour les personnes à la retraite de redéfinir leur identité autour de nouvelles valeurs. La culture est un vecteur essentiel pour mettre en œuvre un renouvellement radical de l’image de la vieillesse, notamment, en tissant des liens entre les générations. Un réseau de partenaires actifs dans le domaine des relations intergénérationnelles, notamment, l’asbl « Quand Les Jeunes » et l’émission radio de la Première (RTBF) « Quand les Jeunes s’en mêlent», s’est rapidement constitué.
Le projet « Acariâtres » entend valoriser ce qu’une génération peut apporter à l’autre. Un appel a été lancé aux plus de 55 ans, en leur demandant de coucher sur papier leurs coups de gueules, leurs états d’âme, leurs espoirs. Des jeunes musiciens ont ensuite été invités à mettre ces textes en musique. Au mois de juin, une émission radio (Quand les Jeunes s’en mêlent- La Première/RTBF) sera enregistrée et réunira l’ensemble des participants. Une soirée festive clôturera les débats. L’occasion de faire entendre le résultat de la collaboration à travers un mini-concert.
* Le financement du secteur culturel
Partant du constat des difficultés grandissantes du secteur socioculturel quant au financement de ses initiatives par les pouvoirs publics et au rôle que la culture est appelée à jouer dans le développement économique, « D’Une Certaine Gaieté » a décidé d’interpeller les associations culturelles francophones à s’interroger sur les possibilités offertes par le mécénat. Trente associations
ont marqué leur intérêt sur la question. La mise sur pied d’une table ronde est en construction.
Toujours dans ce cadre, un forum de réflexion sur les stratégies économiques des acteurs culturels et sur le financement de la culture a été organisé lors de la 8ème édition du Festival Voix de Femmes. Cette rencontre, dont l’objet était le micro-crédit, a mis en relation des acteurs du Nord et des femmes des pays du Sud. Il s’agissait de confronter les pratiques micro-financières de ces pays, le plus souvent inventées et pratiquées par les femmes depuis plusieurs générations, à nos interrogations mutuelles en matière de rôle de la culture dans le développement. Les actes de ce forum sont actuellement en cours de rédaction.
* Les Majorettes
Dans un contexte de transformation du travail, de chômage structurel, et de multiplication des temps partiels, beaucoup de femmes voient dans leur vie de nouveaux temps libres. L’un des enjeux de la culture est de permettre aux personnes de structurer ces temps « libérés » du travail autour de nouvelles formes de participation sociale. Les Majorettes en sont un exemple.
Une trentaine de filles en jean et en baskets réinventent le concept de Majorettes et créent des animations de rue et de quartiers. Autour d’une prof de danse, Catherine Lazard, qui désirait dispenser des cours gratuitement pour les femmes désireuses de danser mais n’ayant pas les moyens financiers, le projet s’est construit peu à peu. Aujourd’hui, le groupe se réunit quasiment chaque semaine et la troupe multiplie les contrats avec les fêtes de quartier et autres animations populaires.
Ce projet, ancré dans la sociabilité et dans l’inventivité, traduit les désirs des publics de s’investir dans de nouvelles pratiques davantage en cohérence avec leur quotidien. Elle manifeste également le désir des femmes de sortir de la culpabilité liée au chômage, ainsi que d’un statut de femme au foyer, pour s’inscrire dans des pratiques culturelles et créer du lien social.
« Analyse, diversité et transversalité versus cloisonnement de la culture et des publics »
.. Longtemps, la culture a été tributaire de la définition des Beaux Arts telle qu’elle a été formulée au 18ème siècle, favorisant le cloisonnement des disciplines artistiques. Cette classification a complètement éclaté aujourd’hui et une redéfinition s’est fait sentir : depuis quelques années, le « pluridisciplinaire » qui, selon certains, contribue à la démocratisation de la culture, est à la mode. Mais nous pensons qu’à côté du cloisonnement des disciplines artistiques, il y a un autre cloisonnement, résolument sociologique, qui touche aux publics, et que celui-ci est beaucoup plus difficile à faire éclater.
Si on retrouve le pluridisciplinaire dans des projets d’art contemporain, de multimédia, etc, on se rend compte en observant les pratiques culturelles des publics que chaque micro-milieu fréquente son lieu de prédilection et que toute une frange de la population n’accède jamais ou très rarement à certaines pratiques culturelles.
L’idée même de décloisonnement doit, de notre point de vue, porter davantage sur les publics, et même partir de ceux-ci. Mais décloisonner signifie-t-il d’amener les publics dits « marginaux », « défavorisés » à découvrir l’art contemporain ou à contrario amener les « élites » dans un garage assister à une démonstration de hip-hop ?
Nous cherchons ici à favoriser l’existence et la reconnaissance de la multiplicité des pratiques culturelles et à provoquer le décloisonnement des pratiques culturelles en termes sociologiques en remettant en cause les postures et les discours dominants. …
* Le Placard à Balais et ses différentes déclinaisons
Les expos du Placard à Balais constituent un laboratoire d’expérimentation nous permettant d’étudier la problématique des publics à travers deux outils. Le premier est un commissariat d’exposition en « turn over », renouvelé d’année en année. Chaque commissaire enrichit le projet avec son réseau respectif, nous permettant de découvrir des
artistes venus d’horizons divers et de toucher des publics différents. Le second outil est le Placard à Balais lui-même. Le « lieu » a été pensé en deux autres versions, qui toutes deux permettent de se déployer dans l’espace et d’aller à la rencontre des publics. 1ère version: un Placard à balais démontable qu’on peut emmener dans d’autres galeries ou lors d’événements divers comme ce fut le cas au Festival de Liège 2007. 2ème version : un Placard sur roues, une caravane-expo tractable permettant d’aller vers les publics des campings, des fêtes de villages… Un “Placard” minuscule mais paradoxalement capable de se déployer sur un vaste territoire géographique et sociologique. La version « tractable » sera inaugurée en novembre 2008 dans le cadre de l’événement « Destination Delvaux », qui marquera la fin d’année et se poursuivra tout au long de 2009, à l’occasion de l’ouverture du Musée Curtius auquel notre Asbl est d’ores et déjà partenaire.
* Les Petits lieux insolites
Le cloisonnement de la culture et des publics passe aussi par les lieux de la culture. Nous avons donc décider de changer les cadres habituels de la culture, afin de bousculer les codes et les usages et de créer les conditions pour une rencontre des publics. Le concept des «Petits lieux insolites » vise à faire s’interpénétrer des champs a priori éloignés, par exemple un concert et un salon-lavoir ou encore, un magasin de seconde main. On retrouve l’idée que « l’art, c’est la vie », mais surtout, on éclaire les pratiques culturelles d’une façon radicalement différente. Des habitants du quartier, qui jamais ne seraient entrés dans une salle de spectacle, peuvent tout à coup assister à un concert dans le magasin du coin!
« Le rôle et la place des femmes dans le monde : une plateforme de réflexion critique, d’analyse et de sensibilisation »
… Dans le discours commun de la population adulte de toutes catégories socio-professionnelles, ici en Europe et plus précisément en Belgique, hommes et femmes, tant chez les jeunes que chez les adultes, se vivent – ou croient se vivre – comme égaux dans les décisions, les choix de vie, les comportements, le statut économique et social. Or, les femmes qui, au sein des organisations et associations, travaillent sur la question du genre, font un constat radicalement opposé. Dans la foulée de la quatrième conférence mondiale des femmes (Bejing, 1995) l’on reconnaît enfin que l’instauration de l’égalité entre les femmes et les hommes requiert une véritable mutation de société. Né en 1991, le Festival Voix de Femmes participe au courant d’action de la décennie 1995-2000 où se crée un grand nombre d’associations travaillant à cette mutation tel que la Marche Mondiale des Femmes et se marque plusieurs évolutions politiques à travers par exemple la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes.
Le Festival Voix de Femmes se situe dans un objectif général qui est celui de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes et plus précisément, il développe une réflexion et une sensibilisation du public belge sur le rôle et la place des femmes dans le monde.
Pour cela, D’Une Certaine Gaieté, le Cirque Divers co-organise avec Voix de Femmes une action culturelle de grande envergure, un festival biennal et international, qui allie une démarche artistique (présentation et création de concerts, spectacles, expositions) à une dynamique de rencontres et de débats entre femmes de diverses cultures. La diversité des moyens utilisés : arts de la scène, arts plastiques, ateliers pédagogiques, rencontres publiques, éditions sur différents supports, communication médiatique et réseau internet, permet de souligner la problématique, de la diffuser et de valoriser le rôle des femmes dans la société. Une action permanente dans la société civile est mise en œuvre à travers le « Réseau Mondial de solidarité des mères, épouses, sœurs, filles, proches de personnes enlevées et disparues », des actions ciblées avec les associations de femmes, une plateforme de réflexion critique, d’analyse
et de sensibilisation et des publications et éditions à partir des actions réalisées.
Suite à l’évaluation de la collaboration avec les associations de femmes lors du 8è Festival, « D’une certaine gaieté », « Voix de Femmes » et les associations de femmes désirent continuer le travail initié. Il s’agira essentiellement de développer une réflexion commune sur des motifs liés au thème du 9ème festival : l’Imaginaire. Deux pistes ont déjà été dégagées : le statut des femmes immigrées (liaison au thème à travers la notion d’émancipation, de liberté, ou de rêve d’une vie meilleure) et la créativité dans les associations de femmes (travail sur la liaison entre « art » et « créativité »). …
Et bientôt ? :
Le Jardin du Paradoxe au Manège Fonck
Dès le début de l’année 2009, d’Une Certaine Gaieté et le Festival de Liège travailleraient en étroite collaboration. Dans cette optique, le bar du Jardin du Paradoxe prendrait ses quartiers dans les « écuries » du Manège.
Si vous voulez suivre les travaux du Manège … : [http://manege-travaux.blogspot.com/->http://manege-travaux.blogspot.com/]
Et encore … d’autres projets …