Le Bon Appétit ! SARDINES

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— Un peu peur ?
— Oui, un peu !
— C’est la première fois ?
— Oui…
— Alors c’est bien normal, mais soyez sereine, ça ira sans peine et comme sur des roulettes…
— Vous mettez des gants ?
— Si ça vous va comme ça, je le relève.
— Et ça, c’est quoi ?
— Ne me dites pas que vous n’en avez jamais vu !
— De si grosses, non ! Et ça ?
— Ca ?
— Oui, les petites boules, là…
— C’est très important, essentiel pour la magie de l’affaire. On y va ?
— Je suis prête.
— Je sors mon kit…
— Oh…c’est pas du toc !
— Kit de sphérification : c’est le must de la cuisine moléculaire. Faut des boules, des bulles et des ronds dans l’eau…Et puis hop, voilà mon siphon. Ca aussi c’est capital. Faut être siphonné et faire des pschitts ; les pets de nonnes c’est dépassé. Maintenant on fait de l’air de rien et du vent, beaucoup de vent…c’est fantastique !
— On y est bientôt là ?
— N’ayez pas le feu au derrière, ces préliminaires, ma chère sont bien nécessaires. Attendez que je prépare mes gommes de xanthane et ma poudre d’agar agar, le monoglycéride en flocons, le citrate de sodium et l’alginate…Ah, Ginette !
— C’est qui Ginette ?
— Ginette ? Ma première, la toute première celle qui me fit perdre la tête, entre autres choses…Mais ne rêvons pas pardi et revenons à nos éprouvettes.
— Vous me donnez l’eau à la bouche.
— Avec mes sardines ?
— C’est plutôt votre aventure avec Ginette !
— C’est du passé, voyons l’avenir, chère demoiselle, l’avenir est devant nous et il est grand temps de passer à l’acte. Je vide les sardines, les dore à l’huile, tiens au chaud une moitié, égoutte l’autre et la cuis dans l’eau vingt minutes, égoutte encore et passe à l’étamine qui doit me la rendre avec 200 millilitres de bouillon qui sera traité avec agar agar et gélatine, puis refroidi et tronçonné en cubes …Je réalise ensuite le caviar de ketchup au gingembre, le hachis d’arêtes en déconstruction, un praliné d’amandes et une chantilly d’aïoli. Je termine par le dressage sans fouet. Deux colonnes égales de praliné d’amandes alternées en pointillés avec la chantilly d’aïoli, sur un lit de gélatine, les filets de sardines dorés par- dessus et sur ce fronton, le caviar de ketchup. Sur la lancée, avec la poche à douilles et où je peux, la déconstruction de hachis d’arêtes. Touche finale : les yeux de sardine pochés puis frits dans l’huile de safran. Je sers sans tarder avant que tout ne s’écroule…Vous ne vous sentez pas bien ? Vous êtes pâle et verte…
— Je ne doute pas de votre talent, cher catalan, mais vous me faites danser la sardane avec vos sardines. J’avais l’estomac dans les talons, je l’ai maintenant dans l’embarras. Je regrette d’avoir peu d’attraction pour vos molécules culinaires.
— Moi aussi, je suis embarrassé et pour me rattraper, venez, montons, que je vous offre un petit remontant…
— Sans atome alors… ?
— Juste la bombe, sans les atomes…

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