Cointe, un village dans la ville

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Ceux qui connaissent la ville de Liège ne sont pas sans ignorer que l’une de ses spécificités est de réunir en son sein une multitude d’endroits recouvrant chacun des réalités qui leur sont propres. Cointe en fait partie. Derrière ce quartier du sud-ouest du centre-ville se cache un univers bien souvent insoupçonné et que certains n’hésitent pas à qualifier, à tort ou à raison, de « bourgeois», voire d’« élitiste »…

Un peu d’histoire

Au Moyen-Âge, Cointe n’est qu’une vaste forêt où les Princes-Evêques se livrent à des parties de chasse. Ses premières mentions historiques se réfèrent à la Chapelle Saint-Maur, construite en 1673 à l’emplacement d’un ancien oratoire. A la fin du XIXème siècle, le plateau de Cointe se développe avec la création du parc privé sur un domaine appartenant à la famille Hauzeur, de riches industriels, et l’installation de l’observatoire astronomique. L’activité minière et l’Exposition Universelle de 1905 suscitent alors un nouvel engouement pour le quartier qui prend son essor. Son histoire en a fait l’héritier de quelques monuments. Parmi ceux-ci, le Mémorial Interallié, élevé dans les années 30 sur la colline de Cointe en l’honneur de la contribution de la ville de Liège à la résistance de l’invasion allemande lors de la Première Guerre Mondiale. L’édifice est également associé à l’église du Sacré-Cœur dite “la basilique”.

Un cadre de vie quasiment irréprochable…

Cointe, un quartier situé à proximité du centre ville. Et pourtant, un monde dont le citadin «stressé» ou la personne issue d’un milieu plus modeste ne soupçonne sans doute pas l’existence. Une végétation luxuriante, un parc privé aux demeures bourgeoises, une atmosphère paisible; autant d’éléments qui témoignent d’un certain cadre de vie. «Il y a une très grande différence quand vous montez et quand vous descendez! J’habite Liège centre et… C’est énorme! Quand on ne connaît pas, on ne s’y attend pas. Pour moi, c’est le plus beau quartier de Liège.», explique Béatrice, serveuse dans un café du coin. Ajoutez à cela une circulation très limitée, une activité commerciale extrêmement restreinte et vous obtenez ce qui est devenu aujourd’hui la devise du comité de quartier: «Cointe, un village dans la ville». Un endroit qualifié de calme, d’agréable, voir même d’unique par ses habitants. Un endroit qui fait l’unanimité, notamment chez les personnes âgées, comme en témoigne Alexandrine, institutrice à la retraite: «J’habite Cointe depuis 27 ans. C’est un coin très calme, aéré, avec beaucoup de verdure . Il y a un parc public et privé où l’on peut aller se promener. Peut-être que les personnes plus jeunes se retrouvent mieux dans les quartiers multiculturels qui ont aussi leurs avantages. Je ne dis pas que je ne m’y sentirais pas bien mais je n’ai pas eu l’intention d’y aller depuis que je suis arrivée ici.».

Cointe, c’est aussi le sentiment de vivre en toute sécurité. Delphine est âgée de 34 ans et elle a habité le parc privé pendant 18 ans avec ses parents. Des raisons professionnelles et financières l’ont poussées à s’installer à Sainte-Margeritte, où elle ne restera que quelques années: «Cointe est un quartier très paisible où l’on se sent en sécurité et à n’importe quel moment de la journée. C’est pour moi la grande différence avec un quartier plus populaire comme Sainte-Margueritte. Là c’est plutôt l’insécurité qui domine…» Et la jeune femme d’ajouter: «Ce sont vraiment deux mondes différents. Je dirais que Cointe est l’antithèse de Sainte-Margueritte». Cependant, elle déplore le manque d’activités sociales et culturelles: «Contrairement à Cointe, Sainte-Margueritte est un quartier très social, où les gens communiquent entre eux. Les cultures sont mélangées. Et il y a une vie nocturne qui est inexistante à Cointe. Au niveau des activités, il y a pleins d’associations culturelles, des écoles de devoirs, etc. A Cointe, ils n’ont pas vraiment besoin de tout ça. Les gens sont plus individualistes. Si ce n’est la fête de quartier, une fois par
an, le week-end de la Pentecôte, les habitants ne sont pas souvent en contact les uns avec les autres. Je trouve d’ailleurs ça dommage; qu’il n’y ait pas plus d’animation». Isaline est issue de la jeune génération cointoise. Elle rejoint dans une certaine mesure le témoignage de Delphine: «Au niveau des activités, il n’y a rien. Par exemple, il n’y a pas de salles de jeunes comme on peut en voir dans les autres quartiers. Alors quand on veut se retrouver entre amis ou organiser des fêtes, c’est chez nous entre nous.» Elle confirme néanmoins le sentiment de sécurité que ressentent les Cointois: «C’est un quartier plutôt calme. Du coup, il n’y a pas de problème point vue vols, agressions».

Mais qui n’est pas donné à tout le monde…

Si Cointe offre à ses habitants une qualité de vie exceptionnelle, le coût du logement, relativement élevé, n’est cependant pas accessible à tout ceux qui voudraient s’y installer. «J’ai cherché à habiter ici évidement. Mais quand j’ai vu la différence de loyer… Pour vivre ici, il faut payer le prix…», confie Béatrice. De même, la construction de la nouvelle gare des Guillemins ne semble pas améliorer la situation: «Je m’appelle Jean et j’habite une maison qui a 105 ans; c’est une vielle maison. Mais il y a des villas superbes ici qui valent 25 voir 30 millions en francs belges. Et avec la construction de la nouvelle gare TGV, les prix ont explosé; ils ont quasiment doublé. Moi j’ai de la chance, j’ai acheté avant!».

«Cointe, ce n’est pas seulement le parc privé»

Villas à l’anglaise, voitures de luxe, association des propriétaires du parc et ses règlements stricts (une seule maison par parcelle, logements unifamiliaux,…). Le parc privé, dont les voieries appartiennent toujours à ses propriétaires qui sont pour la plupart des notaires, des avocats ou de riches hommes d’affaires, se présente manifestement comme un lieu un peu à part. Pour beaucoup, il faut d’ailleurs établir une distinction entre le parc privé et les environs. Ainsi, selon Rodolphe Battice, président du comité de quartier créé il y a 20 ans par le député MR, Olivier Hamal, «Cointe ce n’est pas seulement le parc privé. C’est aussi le quartier des Bruyères, le quartier de l’Observatoire et du Bois d’Avroy. C’est plus de 3000 boîtes aux lettres. J’essaye de minimiser l’impact moral de la notion de «privé».». Pour certains habitants, c’est même une séparation qui s’opère: «Le parc privé de Cointe, c’est plus huppé. Les gens du parc ne viennent pas dans les cafés pour boire un verre. Ils roulent dans de belles voitures. Et si des hommes d’affaires viennent à midi au centre de Cointe pour manger un bout, ils ne se mélangent pas avec les habitués…», indique Jean, qui prend souvent sa pause de midi dans un café, place du Batty.

Cointe: quartier de l’élite?

L’image qui est souvent véhiculée de Cointe est celle d’un quartier un peu «bobo»; celle d’un univers élitiste. Mais selon Pol Schrugers, auteur du livre «Cointe au fil du temps» et résidant dans le parc privé depuis une cinquantaine d’années, s’il est vrai que les personnes qui vivent à Cointe, et notamment dans le parc résidentiel, jouissent d’un certain statut, cela ne signifie pas pour autant qu’il y a une ségrégation: «Il ne faut pas rester dans l’idée élitiste du quartier. C’était comme ça dans le temps, c’est vrai. C’est fini maintenant. Les anciens propriétaires qui avaient cette conception un peu particulière sont décédés. Curieusement, leurs héritiers qui avaient quitté l’endroit pour faire leur vie à l’extérieur, sont revenus mais avec une autre mentalité beaucoup plus correcte, plus conforme à l’actualité». Et Pol Schrugers de préciser: «C’est le coût des habitations qui veut ça et non pas les mentalités. Je pense que comparativement à ce qui se passe autour de nous, c’est une chance de vivre à Cointe. Ne serait-ce que sur le plan psychologique, avec une atmosphère verdoyante et sympathique. On doit pour moi conserver ce caractère là, non pas pour une question d’élitisme; cela n’a rien à voir. Mais parce que c’est bien pour la vie. Il
faut empêcher la construction de cités massives. Je le regrette un peu pour les personnes qui ont besoin d’un logement, mais il y a quand mêmes d’autres possibilités. Il y une recherche de qualité de vie qui est faisable parce que le cadre s’y prête bien».

Si Cointe renvoie à l’image d’un quartier bourgeois ou élitiste, et que l’absence évidente d’un multiculturalisme contribue sans doute à la renforcer, il ne faut pas en conclure pour autant à une volonté de ségrégation sociale, dans la mesure où certains facteurs tel que le coût des habitations conduisent inévitablement à exclure une certaine frange de la population.

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