Voilà des chiffres, alors, toujours heureux(ses)?

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Contexte

A la fin des années 80, l’Union européenne, alors en pleine dynamique de construction avec le Traité de Maastricht, a pour objectif prioritaire la lutte contre l’inflation. Les directives seront influencées par un concept morbide tout droit sorti des laboratoires de L’OCDE. Connu sous le nom de NAIRU (1), ce concept affirme que « l’inflation provient d’une demande globale excessive, provenant d’un marché du travail tendu, ce qui pousse les salaires à la hausse, et oblige les entreprises à augmenter leurs prix afin de couvrir ces hausses (2) ». On estime que les pays européens ont besoin d’un taux de chômage de 10% (minimum) pour juguler l’inflation. Effectivement, dans une logique purement capitaliste, la peur du chômage que subissent les travailleurs permet de faire pression sur les salaires, donc de diminuer les coûts de production des biens et des services. Cette idée lumineuse est relayée par les lobbies des quartiers européens jusqu’aux commissaires, intégrée dans les directives européennes et enfin traduite en lois nationales. Le chômage est donc bien structurel puisqu’il est organisé avec des objectifs économiques.

Ces 10% conditionnent d’une manière ou d’une autre les plans nationaux d’absorption du chômage. Dès lors, toutes les tentatives de l’Etat pour la promotion de l’emploi ces 20 dernières années n’ont jamais réellement eu pour but de diminuer le chômage mais bien de diminuer les charges des entreprises : par le financement des formations pour le besoin du marché, par la réduction du coût du travail, par des primes à l’engagement, par l’invention de sous-statuts ou la promotion du travail intérimaire, etc. Cette politique reflète la Stratégie européenne pour l’emploi (SEE) initiée lors du sommet de Luxembourg en 1997. Avec la SEE, c’est également la naissance de l’Etat Social Actif. C’est le début de l’activation des chômeurs « comme nouvelle conception de la citoyenneté sociale. Il s’agit ici, au nom d’une éthique citoyenne, d’adopter des normes punitives et coercitives pour organiser les citoyens et les systèmes de protection sociale (3). » La troisième voie sociale-démocrate est née.

En Belgique, c’est la dernière législature rouge-romaine de 95 à 99 qui applique ce savant cocktail. Alors qu’aucune politique n’a réellement réussi à créer de l’emploi, les droits des travailleurs, eux, s’équilibrent désormais sur des devoirs. Cela s’est traduit par le durcissement de la politique de l’emploi avec la démocrate chrétienne Miet Smet. Cette ministre est devenue célèbre à C4 pour ses visites domiciliaires matinales à la recherche des co-habitants frauduleux ou encore la promotion des sous-statuts avec les Agences Locale pour l’Emploi. On passe alors de l’époque de papa avec ses flags (travail au noir) à la guerre préventive et systématique contre les chômeurs. C’est la généralisation du concept de « fraude sociale » , qui sera martelé ces dernières années par le très blairiste Ministre Vandenbrouk. C’est ce dernier qui a opéré une mise en condition de l’opinion publique, une culpabilisation des chômeurs, afin de faire accepter ce que nous connaissons actuellement comme le PAC, pour plan d’accompagnement des chômeurs.

Le PAC est la réponse qui fut donnée pour lutter contre « le piège à l’emploi ». Entre revaloriser les bas salaires et durcir les conditions d’accès aux allocations de chômage et de maintien de celles-ci, les gouvernements successifs ont vite fait de choisir…

1) Le taux de chômage n’accélérant pas l’inflation (en anglais : Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment ou NAIRU) plus d’infos : [http://fr.wikipedia.org/wiki/NAIRU->http://fr.wikipedia.org/wiki/NAIRU]

2) Ibidem

3) Politiques Actives du march_ du travail, par Valter Cortese, CEPAG, février 2008, Bruxelles.

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La chasse aux chômeurs en chiffres:

« Il n’y a pas de chasse aux chômeurs ou de machine à exclure »
Josly Piette, ancien
ministre intérimaire in Le Soir du 12/03/2008

230.467 invités à un premier entretien

42.914 appelés à un second entretien

4936 convoqués à un troisième entretien

12.539 suspensions révocables (majorité d’articles 70)

4896 suspensions de 4 mois

2562 exclusions « définitives »

Total des personnes sanctionnées : 19.997 unités

Proportion : 51% Wallonie (+-4% pour Liège), 28% Flandres, 21% Bruxelles

Sur les 2562 exclus, 592 cas ont été épinglés comme « profiteurs » (ne cherchant pas d’emploi) par l’ONEm, ce qui représente 0,26% des personnes « activées ». Tout ça pour ça, a-t-on envie de dire…

article 70 : absence à l’entretien

article 80 : chômage anormalement long

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Selon l’ONEm, le chômage a baissé. Quelques chiffres à relativiser…

Le rapport de l’ONEm pour l’année 2007 affirme qu’il y a bien eu une diminution du chômage de 5% avec 690 000 demandeurs d’emploi. L’ONEm impute évidemment cette diminution à la procédure d’activation des chômeurs, plus qu’à une conjoncture économique. Mais selon le collectif « Solidarité contre l’exclusion » (1), ce n’est ni l’un ni l’autre; la baisse des chiffres du chômage est le résultat d’une manipulation des chiffres « à destination des journalistes complaisants et du public crédule ». Le collectif déclare en effet que les chiffres 2007 sont comparés avec ceux de 2002, soulignant par ailleurs que « l’activation des chômeurs » n’a débuté qu’en 2004. « Il faut savoir qu’à la mi-2002, les chômeurs de plus de 50 ans (…) ont à nouveau été comptabilisés dans les statistiques. Rien d’étonnant dès lors que leur chiffre ait augmenté de 53% entre 2002 et 2003. (…) Or, en prenant 2002-2003 comme année de référence, l’ONEm fait mine de ne pas devoir prendre en compte l’augmentation des chômeurs de plus de 50 ans (2) pour évaluer l’évolution du nombre de chômeurs. » Or, on évalue, entre 2002 et 2007, à 63.929 le nombre de chômeurs de plus de 50 ans, pour une diminution de 50.577 chômeurs (3) pour les autres tranches d’âge. Le nombre de chômeurs indemnisés a donc bel et bien augmenté de 13.352 unités.

C’est évidemment sans compter sur les catégories qui ne rentrent pas dans le comptage. D’abord, les « articles 90 » : toutes les personnes déclarées inactives sur le marché du travail pour raison sociale ou familiale (garde d’enfants ou de parents malades). Beaucoup de femmes ont recours à cet article de peur de perdre leur droit aux allocations de chômage. Le barème s’élève à plus ou moins 10 euros au lieu de 42 euros pour un chef de famille. Tout bénef pour l’ONEm. Cela représente 10.767 personnes. (98% de femmes). Les travailleurs à temps partiel ou sous contrat «chèques-services » ne sont pas non plus comptabilisés. Cette dernière catégorie représente environ 60 000 personnes (4).

Reste à savoir si les 50.577 personnes ne bénéficiant plus du chômage ont réellement trouvé du boulot. Rien n’est moins sûr. Comment ne pas songer aux personnes exclues du chômage suite au PAC (Plan d’Accompagnement des Chômeurs) ? Si l’on compte les exclusions révocables, à durée déterminée et définitives, on comptabilise tout de même 19.997 personnes…

Comment L’ONEm peut-il dès lors affirmer que l’activation des chômeurs favorise l’emploi? A ce sujet, l’étude commandée par le Ministre intérimaire Josly Piette et réalisée par la société privée Idea Consult afin d’évaluer le PAC ne donne pas de révélations fracassantes. « Le rapport reconnaît que la participation au PAC a force contraignante. (…) La disposition s’avère donc être un instrument efficace pour ce qui est d’activer le comportement de recherche d’emploi ou un bon stimulant à la formation. (5) ». Le rapport affirme également que le PAC favorise l’emploi mais reste vague et ne donne pas de chiffre.

Si tout le monde s’accorde sur l’idée que les chômeurs s’activent administrativement (une épée de Damoclès au-dessus de la tête)
et qu’un nombre croissant de personnes reprennent des études ou des formations, une étude du FOREM (6) sur le PAC affirme que l’effet sur l’emploi n’atteint même pas un 1% (0,8% des demandeurs d’emploi activés ont trouvé un emploi). Sans commentaire…

1) Journal du collectif contre les exclusions N° 60-61, nov-mars 2008, Bruxelles.

2) En effet, les chômeurs de plus de 50 ans ne sont pas comptabilisés dans les stat’s

3) Chiffre de l’ONEm repris dans son rapport « situation au 31/12/07 ».

4) Ibidem

5) revue « syndicats » N°6 – 21 mars 2006.

6) Etude Forem, Marché de l’emploi, mensuel n°9, septembre 2006.

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La chasse aux chômeurs en images pour 2007

Vous avez été 230.467 invités à un premier entretien après +/- 16 mois de chômage. Vous faites partie des chômeurs complets indemnisés ou des travailleurs à mi-temps bénéficiant d’un complément chômage. Ne seront pas convoqués les chômeurs travaillant comme intérimaires ou en formation ONEM au moins 3 jours complets par semaine.

Si vous ne savez toujours pas très bien ce qu’on attend de vous, allez vous faire coacher dans le syndicat de votre choix, c’est vivement conseillé.
Il est dans votre intérêt d’arriver avec une farde sous le bras contenant un cv, des candidatures spontanées, des refus d’employeurs, une liste de sites de recherche d’emploi, un carnet de notes avec les démarches que vous avez réalisées. Si vous avez suivi une formation, c’est bien aussi. Tout se passera normalement bien pour vous. Vous serez recontacté dans 16 mois…

Si vous avez été recalé… On considère que vous n’êtes pas foutu de chercher du travail tout seul, et on va vous y aider: Vous devez signer un contrat sous la menace d’une sanction financière. Vous avez quatre mois pour honorer les obligations. Il n’y a pas de critères clairs, c’est un peu à la tête du chômeur et à l’humeur du facilitateurs.

42.914 invités à un second entretien

Vous avez eu la bonne idée de revenir avec un accompagnateur syndical. Dans 1/3 des cas (à dossier égal), vous avez plus de chance de passer l’épreuve. Dans le pire des cas, vous re-signez un nouveau contrat, plus corsé encore, et repasserez sur le grill dans 4 mois.

4936 invités à un troisième entretien

Vous n’avez toujours pas répondu aux critères. Vous allez être sanctionné (ça peut aller jusqu’à 4 mois de pénalité)… Vous allez signer un nouveau et dernier contrat que vous devrez honorez, sous peine d’être exclu définitivement.

Vous êtes:
7057 suspendus révocables
(articles 70, vous ne vous êtes pas présentés à une convocation du FOREM ou à un entretien de l’ONEM).

4896 avec une suspension de 4 mois (votre tête ne revenait décidément pas au facilitateur).

2562 suspensions « définitives ». C’est moche, mais sachez que ce n’est pas définitif. Vous devrez travailler le nombre de jour ad hoc (au minimum 365 jours sur une période de 18 mois) pour retrouver vos droits aux allocations de chômage. Bonne chance à tous.

Total des personnes sanctionnées : 14.515 unités.

Vous êtes à 51% wallons, 28% flamands, 21% bruxellois

Et vous serez 2163 à atterrir dans le CPAS de votre commune.

Sur les 2562 exclus, vous êtes 592 cas à avoir été épinglés comme « profiteurs » (ne cherchant pas d’emploi) par l’ONEm, vous représentez 0,26% des personnes « activées ».

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Réaction de Didier Brissa, responsable de travailleurs sans emploi de la FGTB.

Qui passe le plus vite à la trappe avec ce plan d’accompagnement des chômeurs?. Est-ce vraiment les « fraudeurs sociaux »?

C’est en tout cas le discours officiel. On traque les personnes qui ne recherchent pas du travail. Concrètement, comment cela se passe-t-il? Il y a une demande d’activation totalement arbitraire qui a prouvé son inefficacité (voir étude du FOREM à ce sujet). Il faut savoir que les facilitateurs qui vous reçoivent sont des jeunes, qui ont fait une formation de 6 à 8 semaines au
FOREM, qui n’ont jamais travaillé auparavant, qui ne savent pas comment fonctionne le monde du travail. Ils ne sont pas capables de donner un avis objectif sur une recherche d’emploi. Les « vrais fraudeurs », ils passent facilement les mailles du filet. Les personnes exclues sont en général des jeunes, peu scolarisés, qui ne comprennent pas très bien ce qu’on leur demande, ne savent pas rédiger de cv, etc. Des personnes momentanément hors-circuit, pour cause de séparation, dépression, etc. Les femmes au foyer sont également très touchées. C’est toutes ces personnes-là qu’il faudrait aider. En les excluant, on leur enlève en plus le droit de faire toute une série de formations ONEm. N’étant plus chômeur, ils perdent également la carte ACTIVA que beaucoup d’employeurs exigent avant l’embauche.

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Courriel


----- Original Message -----
From: “Greg” greg at blablaxpress.org
To: Anik.Maloir at publilink.be
Sent: Monday, April 07, 2008 4:37 PM
Subject: Demande d’interview à Monsieur Josly Piette

asbl “d’une sertaine gaieté”

Pascon Gregory (collaborateur-rédacteur)

Liège, 28 mars 2008

Madame Maloir,

Le prochain numéro du bimestriel C4 (mai-juin 2008), publié par l’asbl « d’une certaine gaité », fera un retour sur l’évaluation de la politique d’accompagnement des chômeurs – dans la cadre d’une rubrique récurrente qu’il consacre à la problématique du chômage
Dans cette perspective, il apparaît particulièrement intéressant d’interroger Monsieur Josly Piette : son point de vue, unique, de syndicaliste et d’ancien ministre fédéral de l’emploi fait désormais de Monsieur Piette un interlocuteur incontournable sur la question de la valeur et des effets du plan d’accompagnement des chômeurs.

Je vous transmets, en attachement, une liste des questions que la rédaction voudrait pouvoir poser à Monsieur Piette lors d’une rencontre ou d’un entretien téléphonique.
En attendant une réponse de votre part, je vous prie d’agréer, Madame Maloir, l’expression de mes sentiments distingués.

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Monsieur,

Je ne suis plus Ministre ni responsable syndical mais simplement Bourgmestre et donc ne donne pas interview sur des sujets d’actualité qui sont de la compétence de la nouvelle Ministre de l’emploi.

Quant au plan d’accompagnement que j’ai déposé au conseil des Ministres, c’est celui accepté à L’UNANIMITÉ des partenaires sociaux.

Sincères salutations,

Josly PIETTE
_ Bourgmestre de L’UNANIMITÉ

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