Taxe sur les secondes résidences

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Comme dans de nombreuses communes belges, Liège prélève une taxe sur les secondes résidences. Actuellement, son montant annuel s’élève à 450 € par seconde résidence, ce qui signifie que la taxe est divisée par le nombre d’occupants du logement. Cette taxe touchait, jusqu’il y a peu, tout logement dont l’occupant n’était pas inscrit dans les registres de la population. Mais, en février 2005, la Ville décida de faire une fleur aux étudiants : ces derniers seraient désormais exonérés de la taxe s’ils occupent un logement de superficie réduite –moins de 28m2 – , forcément un kot ou un petit studio. En outre, selon le type de bail signé par le locataire, cette taxe pourrait éventuellement être prise en charge par le propriétaire de la résidence. Ce qui n’est évidemment pas du goût de tous les bailleurs : « Il n’y a aucune raison pour que je paye cette taxe puisque ce n’est pas moi qui suis en seconde résidence dans ce logement ! Cette taxe devrait s’appliquer à la personne et non au logement ! », s’indigne le propriétaire de nombreux studios sur Liège, paniqué à l’idée de devoir débourser à la place des locataires.

Un cadeau qui n’ en est pas un

On serait tenté de voir la modification de cette réglementation comme un bénéfice pour les étudiants. Or, avant cette date, la Ville, beaucoup plus clémente, avait tout simplement tendance à fermer les yeux sur les logements occupés par ceux-ci. En d’autres termes, bien que la taxe existât pour les étudiants, elle n’était pas systématiquement réclamée. Mais, ces derniers temps, la politique de la Ville a changé, signant ainsi l’ouverture de la chasse à l’étudiant via un renforcement des contrôles et l’emploi de nouvelles techniques. Le résultat est que désormais les étudiants seront taxés plus systématiquement. La modification de 2005 avait permis de faire passer cette pilule, mais, aujourd’hui, il y a un revers à la médaille : de plus en plus d’étudiants décident de louer des appartements, lesquels ne sont en règle générale pas considérés comme des superficies réduites. Résultat : pour ces jeunes gens de plus en plus nombreux, la taxe n’est pas réduite à néant. Et la Ville renfloue ses caisses… Le cadeau de 2005 n’était pas totalement désintéressé.

L’objectif de la manœuvre

L’argument invoqué pour justifier l’application du réglement semble a priori logique : l’étudiant, vivant la majeure partie de l’année dans la Cité ardente, profite des avantages de la Ville. Il n’y a donc pas de raison pour qu’il ne contribue pas aux dépenses relatives à son entretien.
Il existe cependant une autre justification à cet intérêt nouveau pour les étudiants. Depuis quelques années, la Ville de Liège tente d’augmenter sa population. Problème : les étudiants en constituent une part importante alors que, n’étant pas domiciliés sur le sol liégeois, il ne peuvent être officiellement inventoriés. Il y a donc là un manque à gagner en termes de nombre d’habitants ! De plus, les étudiants délaissent de plus en plus les kots au profit d’appartements. « Il s’agit là d’une tendance assez nouvelle », nous explique-t-on au cabinet d’André Schroyen (cdH), échevin des Finances et de la Politique immobilière. Conséquence : les étudiants «voleraient » en quelque sorte l’accès aux appartements à d’autres familles qui voudraient s’y installer.
La réglementation sur les secondes résidences s’apparente donc à un tour de passe-passe avec pour objectif implicite de pousser les étudiants à aller vivre uniquement dans des kots. Le service juridique du Centre J (le Centre d’Informations pour les Jeunes) confirme à demi-mot cette hypothèse : « La taxe sur les secondes résidences, c’est une façon de ramener sur Liège une population familiale et domiciliée. »

Les enjeux de la domiciliation

Concernant les étudiants qui préfèreraient tout de même les grands espaces aux superficies réduites, il existerait une solution simple pour contourner ces 450 € de taxe, si l’on en croit l’échevin André Schroyen : « La taxe est très facile à éviter,
il suffit de se domicilier à Liège ». Et il conclut avec enthousiasme : « Finalement, c’est une taxe que l’on choisit de payer ! » . Mais, pour beaucoup, domiciliation rime avec perte des allocations familiales. À juste titre ?
Oui et non. Si l’étudiant se domicilie dans une résidence autre que celle de ses parents, il devient allocataire. Cela signifie qu’il touchera lui-même les allocations familiales à la place de la personne qui les percevait habituellement, en général la maman. Jusque ici, la manœuvre peut s’avérer judicieuse puisqu’elle implique un simple transfert des allocations de la mère vers l’enfant. Le désavantage, c’est qu’il percevra ces allocations en tant que premier enfant. Du coup, si, par hasard, l’étudiant fraîchement domicilié à l’extérieur est membre d’une famille comptant deux charmants bambins (ou plus), les allocations qu’il touchera seront moins élevées que s’il restait inscrit chez ses parents. Elles ne seront pas majorées en fonction des autres enfants en charge.
Cela dit, il est tout à fait possible de demander à ce que ces allocations familiales continuent d’être perçues par la mère malgré la domiciliation ailleurs de l’enfant. Dans ce cas, le problème est contourné : les allocations restent majorées.
Voilà pour la bonne nouvelle. Maintenant, la mauvaise nouvelle : en cas de domiciliation d’un de vos enfants, vous perdez l’avantage fiscal de compter votre enfant comme personne à charge. Malgré tout, il existe cette fois encore un moyen de retomber sur ses pattes : la rente alimentaire que vous verserez à votre enfant est déductible des impôts. À vous de calculer alors si le jeu en vaut la chandelle.
Bref, contrairement à ce que soutient l’échevin, il s’avère plus complexe d’échapper à la taxe : la domiciliation ne résout pas tout et n’est pas forcément synonyme d’économie. Elle nécessite des calculs minutieux afin de s’assurer qu’on y gagne bien au change. Inutile pour un étudiant de se domicilier à Liège si l’argent économisé en contournant la taxe est perdu dans les impôts et allocations familiales.
Au final, la meilleure façon pour ne pas être taxé lorsqu’on est étudiant reste la location d’un kot ou d’un studio de superficie réduite qui sera donc exonéré.

Le système liégeois face à l’épreuve de la comparaison…

La Ville de Liège n’est bien entendu pas la seule à taxer les secondes résidences. De nombreuses communes perçoivent une telle taxe, et la somme réclamée à Liège n’est sans doute pas particulièrement élevée par rapport à d’autres. Dans certaines communes de Bruxelles, cette somme dépasse largement les 1000 € ! Autant dire une fortune. Cela dit, même lorsqu’elle atteint de tels sommets, la taxe est la plupart du temps réduite pour les étudiants, jusqu’à 90 %. Si la Ville de Liège avait l’excellente idée, et la bonté, d’appliquer ce système, la taxe sur les secondes résidences occupées par des étudiants s’élèverait à la somme beaucoup plus digeste de 45 € par an. Mais, dans d’autres communes, les étudiants sont tout simplement exonérés de la taxe. Ainsi, à Woluwé Saint-Pierre, cette taxe qui s’élève normalement à 743,70 €, peut être facilement réduite à zéro pour les étudiants sur simple présentation d’une attestation scolaire. En espérant que la Ville de Liège en prenne de la graine…

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