S’il est bien un petit bouquin dans lequel nombre de mes amis et moi nous sGodverdomme ! Il y a trop et surtout beaucoup plus à voir qu’à lire. Le n°14 de Papiers nickelés, la revue de l’image populaire, est (une fois de plus) intéressant. Entre plein d’autres choses, on épinglera un chouette article sur l’évolution des Calendarietti dei barbieri (Calendriers de coiffeurs), distribués par les figaros italiens de 1875 à 1960, un autre sur le rôle des revues légères d’avant-guerre dans l’inspiration de Clovis Trouille, un papier de Frémion consacré à Manounou, le quatrième « pied nickelé » et du même (mais cette fois signé de son pseudo Théophraste Épistolier) sur Hara Kiri avant Hara Kiri . Si ce n’est déjà fait, abonnez-vous (40 euros à Jacques Bisceglia, Les Érables, 36, rue de Picpus F 75012 Paris). Une mouflette sortant de l’expo Viva Di Rosa au musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1987 s’exclama, ravie, vouloir revenir au musée d’art « modeste ». Hervé Di Rosa adopta immédiatement le délicieux lapsus enfantin, définition parfaite de la sphère artistique qui l’intéressait. Aujourd’hui, il présente somptueusement l’Art modeste (chez Hoëbeke), « fait par tous et pour tous », art de périphérie aux ramifications multiples, composé de produits manufacturés sans grande valeur marchande (figurines publicitaires, boules de neige, copies de toiles célèbres, tours Eiffel en plastique, etc.) et cet affolant tour d’horizon ne génère que du bonheur, aux antipodes de l’enquiquinant « bon goût » dictatorial. On reste dans les mêmes zones du foncièrement neuf dans les pratiques artistiques en suivant le Régent Marc Décimo dans les Jardins de l’art brut (les Presses du réel, coll. l’Écart absolu). Voici les moulins, les puits, les sonnettes, les interrupteurs, les boîtes aux lettres, les mosaïques, reliefs, statues, façades peintes et autres dingueries glanées un peu partout, rassemblées ici pour nous éberluer et commentées avec Science. Les « anarmateurs » béeront surtout en découvrant les réalisations américaines, moins connues jusqu’ici que les délires hexagonaux, et particulièrement le « cas » Billy Trip, citoyen de Bronwsville (Tennessee) : Géant ! C’est sans trop de peine qu’on plongera pour suivre dans l’Histoire de la laideur, qui paraît chez Flammarion sous la direction d’Umberto Eco. Gainsbarre constata que l’avantage de la laideur sur la beauté c’est qu’elle dure. À contempler les différentes manifestations du laid au fil des siècles, imprévisibles, enthousiasmantes, dérangeantes, sublimissimes, on ne peut que lui donner raison, tant on prend son pied à toutes les pages. Autant le Beau indiffère – en définitive – autant ici on frémit, tressaille et claque des chicots, de Matthias Grünewald à Marilyn Manson, de Jheronimus Bosch à Paul Mac Carthy ou de Füssli à Bacon… Un qui en connaissait un gros bout juteux sur le sujet c’est bien l’ami Roland, auquel Daniel Colagrossi rend un hommage somptueux, dix ans (déjà ! ) après son occultation : ruez-vous donc illico sur Topor traits (Scali, 80, rue du Faubourg-Saint-Denis F 75010 Paris). Jouxtant les magnifiques photos de Daniel, à travers lesquelles le T. S. Topor ressurgit tel qu’en lui-même, on trouve moult témoignages d’amis et de proches ainsi qu’une centaine d’œuvres inédites : du Nanan !
Le rire de Topor encore, éclatant sur la couverture d’un fort volume imaginé par Jean-Michel Ribes et publié en collaboration par Beaux Arts éditions & le Théâtre du Rond-Point, le Rire de résistance, de Diogène à Charlie Hebdo. (Presque) tous ceux qui, avec drôlerie, courage et insolence, se sont opposés à toutes les hégémonies par un humour ravageur se retrouvent ici. Gloire éternelle donc à « ceux qui, par bombes rigolardes, traits d’esprit aigus ou fourberies canonnées ont, par milliers, fait dérailler trains du sérieux, convois de certitudes ou containers de bon goût ». Fun similaire (mais davantage daté) avec
Quand le crayon attaque, Images satiriques et opinion publique en France (1814-1918) qui nous ravit chez Autrement. Caricatures, dessins au vitriol, insolente presse parallèle, rien ni personne n’est épargné dans ce mordant panorama concocté à partir des richesses du fonds Villette de la bibliothèque de Blois. Du même tonneau, on jubile itou avec l’Assiette au beurre (1901-1912), l’Âge d’or de la caricature (les Nuits rouges), dans la même collection où parurent un fabuleux choix d’articles du Père Peinard d’Émile Pouget & la Guerre sociale, un journal « contre » – la Période héroïque (1906-1911). En permanence, plurent les condamnations, interdictions, odieuses censures of course! Même Francisque Poulbot, dessinateur des gosses de Montmartre, eut à subir un procès pour attentat à la pudeur à cause d’un dessin bien innocent la Première cigarette. Willette, apostropha le sénateur Béranger, qui voulait le faire passer en correctionnelle : Bravo !… encore un coup !… La Sainte Ligue vient encore au tir à la gaffe, de mettre dans le mille en faisant poursuivre Poulbot, le peintre des enfants, des petits enfants !… Accuser Poulbot de ce crime est la plus grande infamie que je connaisse !… Ce sont eux, ces dégoûtants dénonciateurs, qui sont la honte du pays de France… C’est eux qu’on devrait châtier pour avoir fait à un artiste charmant et bon l’outrage d’une accusation… Retrouvez, ceci dit, tout le talent du bonhomme, en vous émerveillant grâce à Poublot affichiste (1879-1946), ouvrage publié à l’occasion d’une expo présentée à la bibliothèque Forney (jusqu’au 5 janvier 2008) par Paris bibliothèques éditions (10, rue de Clichy F 75009 Paris). Tant qu’on est dans les catalogues, en voici quatre exceptionnels : Alfred Kubin, Souvenirs d’un pays à moitié oublié (expo au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris jusqu’au 13 janvier 2008) : Hallucinant ! – l’Enfer de la Bibliothèque, Éros au secret (une sublime exposition « interdite aux mineurs » qui vient de s’ouvrir à la Bibliothèque nationale de France et durera jusqu’au 2 mars) : Indispensable ! – Pascin, le magicien du réel (chez Gallimard, en souvenir de l’expo du même titre qui fut visible au Musée Maillol, du 14 février au 4 juin 2007) : sulfureux à souhait ! – enfin, les Heures chaudes de Montparnasse, Livre-Caméra, par Jean-Marie Drot (éditions du Musée du Montparnasse) : documentaire. Pour en finir avec les images, signalons le signe avant-coureur de ce qui va – n’en doutons pas – nous tomber dessus l’an prochain pour le 40ème anniversaire, Mai 68, le pavé, un plaisant livre-gadget en forme de pavé (chez Fetjaine, une marque de « la Martinière Groupe »), qui ne vous coûtera que 12 euros.
L’année du centenaire de la mort de Jarry s’achève par 3 bricoles : une réédition d’Alfred Jarry, le Surmâle de lettres par Rachilde, présentée par Édith Silve et postfacée par Paul Gayot (chez Arléa), une BD plutôt mocharde pour Ubu roi (avec complément pédagogique), concoctée par Aurore Petit (dessinatrice) & Luc Duthil (scénariste), (chez Petit à petit, B.P. 75 -F 76162 Darnétal Cedex) et un bouquin pour touristes, la Légende de Montmartre racontée par Alfred Jarry et sa bande – le Cycliste de Montmartre, texte de François Pédron & illustrations de Jack Russell (Éd. de la Belle Gabrielle, 24, rue Berthe F 75018 Paris). Déjà le titre laisse rêveur ; quant au contenu, si vous voulez en apprendre sur l’absinthe ou la bicyclette (et accessoirement sur un Jarry de carte-postale), vous ne serez pas déçus. Nombre d’énormités, du genre à attribuer le « couteau sans lame auquel manque le manche » à Allais et non à Lichtenberg. Berk ! Une nouvelle édition (monumentale) due à l’incontournable Jean-Jacques Lefrère, chez Fayard : Arthur Rimbaud, Correspondance. Fac-similés à l’envi, notes savantes à foison, bref : foutrement costaud ! Même commentaire pour une brique indispensable publiée par Guy
Costes & Joseph Altairac (chez Encrage – les Belles Lettres), les Terres creuses, Bibliographie commentée des mondes souterrains imaginaires. « Les plus grands savants dont Descartes ont avancé l’idée que le globe terrestre pouvait être doté de gigantesques cavités souterraines. L’illustre astronome Halley ira même jusqu’à supposer l’intérieur de la Terre formé de sphères creuses emboîtées et habitées. Les auteurs d’utopies, de voyages extraordinaires et de science-fiction ne tardèrent pas à les accompagner dans ces profondeurs inconnues. Nombre d’illuminés se lancèrent également dans la quête d’une prétendue Terre creuse, voire d’une Terre « concave » plus ahurissante encore. C’est à cette aventureuse – et souvent délirante – exploration spéléologique conjecturale, rassemblant plus de 2.200 notices bibliographiques commentées et illustrées, précédées d’une étude exhaustive, que vous convie » cette Somme absolument époustouflante ! Un lexique de connaissance littéraire pointue s’adressant à ceux qui soupçonnent l’existence d’un autre monde derrière les grandes figures imposées : Dictionnaire de Littérature à l’usage des snobs et surtout de ceux qui ne le sont pas, de Fabrice Gaignault (chez Scali). C’est plutôt bien (même qu’on y trouve mon cher André Blavier), ça éclaire sur un solide paquet de seconds couteaux ignorés ou oubliés, figures de dandy vénérées et autres personnages pittoresques. Utile également (et amusante) la Mystérieuse histoire du nom des oiseaux, Du minuscule roitelet à l’albatros géant, d’Henriette Walter & Pierre Avenas (chez Robert Laffont). Un essai à ne pas louper : la Guerre mondiale médiatique (Nouveau Monde éditions). Laurent Gervereau y décrypte la circulation de l’information aujourd’hui et donne les clefs pour appréhender les futurs bouleversements des grands médias, comme de l’offre massive sur Internet. « Dans la société médiatisée planétaire, le reflet est devenu le réel ».
Rayon poésie, on nage dans le plaisant avec les Nuages de Paris, un « album » rassemblant nombre de poèmes de François Caradec (chez Maurice Nadeau). On se coltine avec le contemporain grâce à Blah !, une Anthologie du Slam (Éd. Florent Massot & Spoke) : des textes qu’on prend parfois en pleine g…! On ne rate sous aucun prétexte l‘Œuvre poétique du savon du Congo, une adorable étude de Marc Angenot (Éditions des Cendres, coll. Archives du commentaire). « Cette œuvre à la gloire du savon parfumé produit par la Savonnerie Vaissier Frères à Roubaix est constituée de près de 6.000 poèmes procurés par des rimeurs bénévoles et anonymes. Parue entre 1880 et 1900, elle compose un véritable traité des formes poétiques mises au service de la publicité. » Hop ! une utile réédition du fabuleux Gog de Giovanni Papini, bien illustré par Rémi (qui plus est augmentée de 5 chapitres inédits) paraît chez Attila. (Si vous n’êtes pas abonné au Nouvel Attila, faites-le : 10 euros l’an, 127, av. Parmentier F 75011 Paris. C’est un canard plus que bien. « À bas les Washington, vive les Attila ! Il y a des gens d’esprit pour soutenir cela », comme l’écrivit Hugo.) Le Bartelt nouveau est arrivé : Pleut-il ? (Gallimard), des textes courts, philosophiques ou cocasses, à déguster l’un après l’autre avec délice. L’increvable Pouy refait le coup de l’Expédition Sanders-Hardmuth en se penchant cette fois sur l’Expédition Calys (celle de l’Étoile mystérieuse), en collaboration avec le Dr. Patrick Pommier (chez ADK/ les Contrebandiers). On commande, du même, au Musée contemporain du Val-de-Marne (j’ai pas l’adresse) une hilarante petite fiction Tentative d’affiliation, qui nous montre J.-B. tenter épistolairement de s’affilier au Bureau d’Activités Implicites (créé par l’artiste Tatiana Trouvé). Du franchement jubilatoire pour 3 ridicules euros ! J’ai plus place pour vous présenter De l’autre côté d’Alice, de Georges-Olivier Châteaureynaud (le Grand miroir – Groupe Luc Pire) où l’on découvre le
Révérend Dodgson s’abandonnant à l’acte (!), car je dois vous sommer d’adresser 14 euros à Robert Florkin, Régent de la Chaire fondamentale de Travaux Pratiques de Belge, (141, rue du Chemin Vert F 75011 Paris – compte ING 340-0410200-25) pour tout savoir sur l’Empire Impérial auquel l’Ouvroir de Politique Potentielle (OUPOLPOT) rend hommage en un somptueux volume. Quelques éthylaphorismes impériaux pour conclure ? Je ne fais rien mais je le fais bien. – Un seul bouton vous manque et tout est débraillé. – On peut changer d’avis et rester imbécile. – Tout le monde est peu ou prout fouteur de merde. – Il ne disait rien et il n’en pensait pas plus. – Dieu ? Ma tasse d’athée ? – Il y en a qui vont à la Mecque tous les dimanches. – Slogans de tous les pays, unissez-vous. – Si tu veux être hermétique, commence par fermer ta gueule. Ce que je fais – et volontiers.