Rachel est veuve depuis presque deux ans. Pendant plus de cinquante ans, elle a vécu aux côtés de son mari, « pour le meilleur et pour le pire » mais aussi « jusqu’à ce que la mort les sépare ». Une vie à deux pas toujours simple à gérer, une vie qu’à refaire, elle n’aurait peut-être pas choisie. Mélanie et Clémence ont 26 ans et envisagent sérieusement de se marier très prochainement. Elles sont jeunes et confiantes en leurs couples. Mais dans la foulée des préparatifs, les vraies questions passent parfois à la trappe…
La pression institutionnelle et sociale pour nos aînés
« On courtisait depuis quatre ans lorsque je me suis mariée, on s’aimait, c’était donc l’aboutissement logique. Enfin, c’est ce qu’on croit. ». Rachel et son mari ne se sont, en effet, pas vraiment donné le temps de se connaître avant d’envisager la vie à deux. « On ne se voyait que trois fois par an car il faisait son service militaire et moi, mes études d’infirmière ». A l’époque, il était inconcevable de vivre ensemble sans se marier, et encore moins d’avoir des enfants sans avoir la bague au doigt. « Je n’ai pas vraiment subi de pression de la part de mon entourage, juste de mon futur mari qui était pressé de partir de chez lui et d’être indépendant» confie Rachel. Etre sérieux, respecter la tradition, ne pas avoir de relations sexuelles avant le mariage, être surveillé lors des sorties « en couple », voilà le contexte dans lequel on se mariait il y a cinquante ans. En 2008, les choses ont fortement évolué et « heureusement » s’exclame cette grand-mère qui conseille vivement à ses petits enfants de profiter de leur jeunesse avant de s’engager pour la vie. « Si j’avais 22 ans aujourd’hui, je testerais d’abord la vie à deux avant de sceller mon engagement car, à l’époque, je me suis vite rendue compte que mon mari et moi n’étions pas fait l’un pour l’autre ». Le divorce ? Ce n’est pas envisageable non plus lorsque l’on croit dur comme fer que, se marier, c’est forcément pour la vie.
Prouver son envie d’être ensemble
Clémence est en couple depuis quatre ans. Dans moins d’un an, belle robe et magnifique réception aidant, elle sera la reine de sa fête. Lorsqu’on l’interroge sur les raisons de son engagement, sa réponse paraît toute faite: « Se marier, c’est se projeter dans le futur proche et lointain. C’est pour moi la construction d’un projet que font deux personnes et qui s’engagent publiquement à l’accomplir ». A une époque où l’on donne enfin les mêmes droits aux concubins qu’aux couples mariés, il est logique de se demander ce qu’un mariage peut lui apporter de plus. Encore une fois, Clémence ne semble pas totalement convaincue par sa réponse : « Le mariage est un acte symbolique qui nous permet de donner une dimension intemporelle au couple puisque la relation se poursuit au-delà de la mort, en théorie ». L’avis de Mélanie diffère quelque peu. Plus lucide, elle préfère penser que le mariage est loin d’être une sécurité : « Au contraire, cela risquerait d’amener l’idée que le bonheur nous est acquis. Nous ne serions donc plus attentifs à l’autre et à partir de ce moment là, le couple n’est pas sauvé ! ». Plus qu’une reconnaissance vis-à-vis de l’Etat ou de la société, elle voit dans le mariage l’occasion de réunir ses proches pour célébrer un événement heureux et les rendre témoins de leur bonheur. « Il n’y pas de raison qu’on ne se réunisse qu’aux enterrements! Le petit plus ? Soyons honnêtes : la belle robe et le bon gâteau… ». Cette dernière remarque fait l’unanimité chez nos deux « demoiselles », la perspective d’une belle fête, ça fait toujours rêver…
Se marier, une preuve d’amour ?
Pour nos grands-parents, il est évident que le mariage ressemblait plus à un rite de passage obligé pour le couple qu’à une véritable preuve d’amour. De nos jours, le mariage ne semble plus avoir la cote, surtout auprès des jeunes qui, de plus en plus, matérialisent autrement leurs sentiments amoureux. Le véritable engagement, aujourd’hui, serait plutôt de vivre
ensemble ou de fonder une famille. Angélique fait partie de ces gens pour qui le mariage n’est pas l’élément qui scelle une union : « Pour moi, avoir un enfant était la plus belle preuve d’amour que nous pouvions nous donner l’un à l’autre. C’est beaucoup plus fort que de passer devant le curé, un enfant c’est un peu de nous deux ». C’est donc après deux enfants et dix ans de vie commune qu’Angélique et Philippe se sont dit oui. « On ne voulait pas d’un mariage à l’église mais nous avons officialisé notre union devant tous nos proches et les avons réuni pour une fête hors du commun. Quelques mois après, je suis tombée enceinte de mon troisième enfant, c’est amusant, notre couple a connu comme un renouveau ». Dans notre société où le mariage n’est plus une institution absolue et où le concubinage est totalement ancré dans les mœurs, Clémence et Mélanie pensent qu’un homme qui s’engage à vouloir passer sa vie avec une femme, c’est une belle preuve d’amour. Pour Clémence, ce n’est d’ailleurs que cela. «Le mariage peut être une preuve d’amour mais ne tombons pas dans l’excès, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas mariage qu’il n’y a pas amour. Il faut faire les choses comme on le sent » nuance Mélanie.
Le divorce, une peur commune ?
Tout jeune qui se prépare au mariage a au moins une peur : celle du divorce, souvent vécu comme un échec. Alors, nombreux sont ceux préfèrent cohabiter avant pour ne pas prendre le risque de se tromper. De nos jours, le fait de tester la vie à deux avant de s’engager dans un mariage est même vivement recommandé par nos aînés : « Se marier et divorcer, ça revient cher, alors je conseille à tous les jeunes d’habiter ensemble d’abord pour voir s’ils peuvent s’entendre » explique Rachel, forte de son expérience personnelle. Nos deux futures mariées ne dérogent pas à la règle, la vie à deux s’est imposée à elles progressivement. On vit d’abord chacun chez soi, mais la plupart du temps ensemble et ensuite on s’installe dans le même appartement. Clémence avoue qu’elle supporterait très mal l’idée d’un divorce. Le modèle de ses parents est très présent. Après 25 ans, ils s’aiment toujours : « J’aurais vraiment une désagréable sensation d’échec, c’est pour cela que j’ai énormément réfléchi avant d’accepter de me marier ». Question d’éducation certainement, la peur d’une séparation est moins présente chez Mélanie : «On dit souvent que se marier, c’est perdre une certaine liberté, moi je ne pense pas. A côté de l’institution du mariage, n’y-a-t-il pas celle du divorce ? ».
Heureusement pour nous et pour les générations à venir, dans notre société, le mariage reste la plupart du temps un choix. Et chacun est libre de franchir le pas ou non, en fonction de ses propres convictions, de ses valeurs, de sa vision de l’amour et du couple.