Le groupe Nyathi du Zimbabwe
A l’aide de la « mbira », un instrument ancestral de la tribu Shona du Zimbabwe, le groupe Nyathi a transporté les spectateurs européens au coeur des croyances africaines.
Judith Juma et sa fillette se sont produites à Bruxelles, à Liège et à Anvers du 6/12 au 15/12. A l’instar de beaucoup de peuples africains, les Shona utilisent la musique non seulement comme un moyen de divertissement, mais aussi comme une pratique thérapeutique.
Judith Juma utilise la tradition musicale « mbira » qu’elle transmet à son tour à sa fillette pour guérir différents maux tels que l’asthme ou le rhumatisme, pour ne citer que ceux-là. En chantant, elle invoque les ancêtres et les dieux, pour qu’ils permettent la guérison de ses patients.Dans la tribu Shona, il est communément admis que la guérison ne peut être effective si le patient n’est pas connecté aux dieux et aux ancêtres.
L’artiste-thérapeute déclare qu’elle a reçu son don de guérison dès l’âge de huit ans, à travers des rêves. Déjà dans l’enfance, elle se mêlait peu aux jeux des autres enfants et se sentait investie de la mission de guérir les maux des gens.
Pour pratiquer l’art traditionnel de guérir, la thérapeute n’a pas suivi d’apprentissage : “mon don m’a été transmis par les dieux”, dit-elle avec conviction.
En invoquant les esprits qu’elle sent agir, elle peut soigner des maladies aussi bien psychiques que physiques.
Pendant la thérapie, elle entend les voix intérieures des dieux et des ancêtres qui participent à la guérison de ses patients.
Comme l’artiste, nombreuses sont les personnes au Zimbabwe qui soignent leurs contemporains avec les mêmes méthodes. Judith Juma, quant à elle, n’appartient à aucune organisation de praticiens. Elle est capable de transmettre l’art musical, qui constitue une pratique personnelle, mais elle ne peut transmettre l’art de guérir, car il provient des dieux. Ce don reçu des dieux, elle en fait bénéficier ses compatriotes, sans contrepartie financière.
La mbira de mère en fille
Ses deux filles ont commencé à pratiquer “la mbira” très jeunes, vers l’âge de 4-5 ans.
Judith Juma se dit satisfaite de partager sa tradition musicale avec le public ici en Belgique, car les journalistes s’intéressent à son travail. Dans son pays, beaucoup de
patients viennent la consulter comme guérisseuse, mais la presse et les institutions culturelles se montrent indifférentes à son art.
Dans la pénombre de la salle de spectacle, la « mbira », qu’on appelle aussi “piano pouces”, invite les spectateurs à une introspection lancinante qui les mène ensuite à l’apaisement.
Julie Nioche et Gabrielle Mallet, les sisyphes X10, danse, France
La performance les sisyphes X10 s’organise sur une période de vingt minutes, à partir d’une chanson de Jim Morrisson This is the end.
Julie Nioche et Gabrielle Mallet ont travaillé toute une après-midi avec 15 personnes qui ont osé se lancer dans la création de cette performance.
La perception personnelle de l’image corporelle de chaque individu est un axe de travail, une prise de conscience de son image physique en un espace-temps. L’image que nous nous faisons de notre être se transforme souvent au gré de notre motivation, de nos soucis, de l’heure de la journée.
Les sisyphes X10 raniment notre mémoire. La performance évoque le mythe de Sisyphe, personnage qui passe son temps à pousser une grosse pierre sphérique au sommet d’une colline. Arrivée au sommet, la pierre redescend jusqu’en bas. Le mythe nous renvoie à notre condition sociale et humaine: notre devenir humain en société. Comme Sisyphe, beaucoup d’entre nous se prennent à vivre une histoire sociale qui contraint au travail, à la répétition quotidienne des mêmes mouvements, des mêmes gestes. A force, les corps humains s’automatisent, se coincent, et ils se font mal.
Pendant vingt minutes, chaque actant effectue un mouvement simple, le saut. L’acte est collectif et individuel. En lourdeur
ou en légéreté, les performers rebondissent sur la musique de Jim Morrisson. Ils nous relancent à la vie. Ils enrichissent le mouvement continuel de leur expression personnelle. Sur This is the end, les performers expriment une multiplicité d’états, de sensations: la lutte, la fluidité, le choc, l’épuisement, la douleur, les variations émotionnelles, la colère, la joie…
J’ai retrouvé dans le travail cette sensation d’individu au milieu d’un terrain nouveau. On était chacun, chacune, avec notre propre mouvement et en même temps, il y a cette énergie de groupe qui est là, et qui est augmentée par le mouvement de saut qui donne une espèce de bulle, d’énergie…
Moi, ce que j’ai vraiment retenu, c’est ça : cette idée d’individualité dans la collectivité et… cette idée de répétition d’un mouvement en lien avec tous les mouvements répétitifs qu’on fait: on se lève, on va manger… Ce sont des mouvements qui se répètent de jour en jour. Et là, c’est un peu ça. On a un mouvement de base qui est le saut et en même temps des tas de petites variations qui interviennent et qui donnent plein de sens…
Le temps passe, les acteurs se confrontent au public qui les renvoie à eux mêmes. Au travers de cette collectivité, chacun se retrouve face à lui, à ses limites, à sa fragilité, aux variations physiques et émotionnelles qui naissent de l’acte. Le mouvement engendre d’autres gestes, parasites ou complémentaires. L’acte artistique est physique, politique, social, esthétique.
A partir d’un mouvement qui est présent, on trouve d’autres mouvements et puis on atteint certaines choses. Quoi qu’on fasse, il y a toujours un mouvement qui tient en vie.
Pour assurer la survie, ils se rassemblent, ils se dépassent, ils s’inventent une histoire, ils s’exposent à la fragilité de leur image. Le saut et son déploiement deviennent un acte de transparence où le rassemblement reflète les revendications tant intimes que collectives. On n’est plus seul à pousser une pierre au sommet de la colline. Ici, sauter ensemble figure un acte vital, qui puise à même la mémoire collective. Coeur battant.