L’agriculture biologique se veut une réponse à ce grave problème. Son pari : produire des aliments en laissant une place suffisante à la nature. Pour cela, elle s’interdit d’utiliser un certain nombre de produits et de méthodes. Tout cela a évidemment un coût supplémentaire par rapport aux productions conventionnelles : les produits bio coûtent ainsi en moyenne 65% plus cher que les produits classiques1. Ce coût correspond davantage au coût réel global, à long terme, de ce produit : il réintègre des «externalités» (pollution, dégât écologiques…) que ne prend pas en compte la comptabilité classique. Certains écologistes considèrent ainsi que la non-prise en compte de ces externalités revient à voler les générations futures… et il reste du chemin à faire : la Belgique compte 2% de terres cultivées biologiquement (moins que la moyenne européenne, 3,5%), mal réparties (8 fois plus en Wallonie qu’en Flandre), et arrive 29e sur 30 dans un classement de l’OCDE pour la performance environnementale.
Pour protéger cette production de la concurrence, il faut l’identifier : c’est le rôle des labels. Il en existe d’assez nombreux, au niveau européen comme aux niveaux nationaux. Le plus connu en Belgique est le label biogarantie, délivré par la société privée belge Certisys2 (reconnue et contrôlée par les trois régions), qui certifie l’ensemble de la filière (quand vous achetez un produit frais bio au supermarché, il faut savoir que toute la filière, depuis le producteur jusqu’au distributeur en passant par les éventuels transformateurs et stockeurs, a été contrôlée).
L’existence de tels organismes de contrôle est pour le moment indispensable. Pourtant, ce mode de fonctionnement par labels soulève un certain nombre de questions : d’abord, les très petites entreprises sont pénalisées par ce système car la certification est à la charge de l’opérateur. Ensuite, le label ne contrôle que son cahier des charges : rien n’empêche le producteur d’intensifier ce qui n’est pas contrôlé. On peut encore se demander s’il est légitime de faire porter l’ensemble du coût écologique sur le consommateur final (le risque est de faire naître une alimentation à plusieurs vitesses, injuste socialement). Enfin, certains labels sont plus ou moins contraignants et transparents : jusqu’où va la réelle prise en compte des coûts environnementaux, où commence l’arnaque?
La question est difficile à trancher pour plusieurs raisons : il est presque impossible de calculer avec précision le coût environnemental global (trop complexe); la multiplication des labels conjuguée à la complexité de leur travail rend tout décryptage sérieux difficile; cette même opacité a tendance à faire taire l’ensemble des acteurs sur les fraudes éventuelles par crainte d’une dégradation globale de l’image du bio.
On trouve cependant deux tendances bien établies: les environnementalistes réclament les labels les plus restrictifs possibles, tandis que les industriels font tout ce qu’ils peuvent pour minimiser leurs coûts. Une solution? Inventer de nouvelles filières comme les cycles courts, comme les groupes d’achat solidaires où consommateurs et producteurs sont liés par une sorte de pacte de confiance permis par leurs engagements réciproques.
(1) : Source : Test-achats n°510, juin 2007
(2) : Ex-Ecocert belgique, Certisys est une société privée de droit belge possédée par Mrs Ph. Ghesquière et B. Hommelen, ingénieurs agronomes, qui se consacre spécifiquement aux marchés belges et luxembourgeois.