Enfin ! Deux ans que nous avons lancé ce jardin en permaculture, à Thorembay les Béguines (près de Gembloux), et la première grenouille est là ! C’est l’événement ! Deux ans auparavant, il n’y avait là qu’une maigre pelouse entourée d’immenses champs en monoculture. Autant dire, d’un point de vue biologique, un désert. Nous avons installé une mare, planté des arbrisseaux, élevé des buttes, planté de multiples variétés locales de légumes et de fleurs, des plantes aromatiques, désherbé comme des forcenés, couvert le sol de copeaux de bois et de détritus végétaux… Et les premiers résultats ne se sont pas fait attendre. La terre était bonne, les insectes sont arrivés très vite, la microfaune du sol a colonisé nos plantations et, malgré quelques batailles épiques (et parfois perdues) contre les limaces, nous avons obtenu de belles récoltes et une terre fertile et aérée, riche en humus. Nous n’avons employé ni engrais, ni herbicide, ni pesticide de synthèse. Autour, c’est toujours le désert mais, au printemps et en été, l’air embaume et bourdonne dans notre petit potager, il fait bon y venir travailler. C’est ainsi que j’ai découvert la permaculture.
Il s’agit d’un ensemble de pratiques et de modes de pensée dont l’objectif est de permettre une production agricole durable, très économe en énergie et respectueuse des êtres vivants et de leurs relations réciproques. L’ambition est immense: la permaculture se propose de créer des écosystèmes productifs en nourriture, utiles à l’homme, tout en laissant autant de place que possible à la nature sauvage. Son objectif est de travailler avec la nature, pas contre elle: cette approche pourrait être un magnifique moyen pour préserver les écosystèmes naturels.
Elle s’appuie sur des connaissances en écologie, en paysagisme, en agriculture biologique, en horticulture et autres connaissances tirées des expériences agricoles de différentes cultures, avec une nuance essentielle : dans la mesure où il est question de partir des écosystèmes locaux (espèces végétales ou animales, nature du terrain, sol, climat…), le travail essentiel va consister à relier ces connaissances avec les observations que l’on pourra effectuer sur le terrain. S’il y a des principes récurrents en permaculture, aucun schéma préconçu ne peut s’adapter à toutes les situations. De plus, partir des écosystèmes existants au lieu de « plaquer » sur un terrain des notions préconçues est un salutaire exercice d’humilité, qui rappelle que nous faisons partie d’écosystèmes complexes (voire que la Terre elle-même est une entité globale vivante, comme le postule la théorie Gaïa) et que tout dommage qui leur est infligé l’est aussi à nous-mêmes.
Depuis ses précurseurs (notamment le japonais Fukuoka avec son livre The One-Straw Revo-lution), la permaculture a évolué en un courant assez large qui regroupe tout un ensemble de pratiques et d’idées différentes. On retrouve cependant quelques grands principes «éthiques» communs :
Prendre soin de la Terre: prendre conscience que la Terre est la source de la vie, qu’elle est notre unique habitat viable pour le moment et que nous en faisons totalement partie (il n’y a pas de séparation).
Prendre soin des hommes: nous soutenir et nous aider les uns les autres de façon à évoluer vers des modes de vie qui n’endommagent pas la Terre et permettent de développer des sociétés saines.
Partage équitable (ou limiter la consommation) : s’assurer que les ressources limitées de la Terre soient utilisées d’une façon sage et équitable.
Au niveau de la conception en permaculture d’un terrain, on retrouve également quelques principes récurrents intéressants :
Formes générales : l’eau, le vent, les animaux, les reliefs, etc. nous imposent certains paramètres à considérer en termes de paysagisme (construire des coupe-vents, des retenues d’eau, des haies, etc.)
Zones : aménager le terrain en zones en fonction du degré de temps et d’énergie que l’on doit consacrer au
maintien du système. Ainsi, la maison et les surfaces de plantation principales seront des zones O (chaque jour), puis par exemple le potager et le poulailler en zone 1 (plusieurs passages dans la semaine), la mare et le verger en zone 2 (plusieurs passages par mois), une zone 3 semi-sauvage utilisée pour les plantes fourragères (pour nourrir les bêtes) et la production de bois, et une zone 4 totalement sauvage, sans intervention humaine, autant que possible reliée à d’autres zones similaires de façon à créer un maillage écologique. Cette dernière est très importante dans la mesure où il s’agira d’un lieu d’observation, permettant de comprendre les dynamiques à l’oeuvre dans l’écosystème local.
Liens : faciliter et stimuler les liens entre chaque composant du système. Par exemple, une poule a des besoins et produit une énergie qui doit être utilisée (sinon il y a pollution).
Niveaux : Tout écosystème naturel contient au moins sept niveaux, de la cime des arbres aux racines des plantes. Chaque niveau peut nous fournir en nourriture, et entretient des liens symbiotiques avec son environnement. La polyculture résultante peut être productive au fil des saisons, dynamique, autonome, d’une grande diversité d’espèces donc résistante contre les maladies, autorégénérante et d’une productivité globale de loin supérieure à n’importe quel champ de blé, le tout pour un apport énergétique humain très faible.
Équipes : des plantes qui s’entraident (potirons-maïs-fèves, ail-fraises…), des symbioses entre différentes espèces (fleurs-abeilles, arbres-insectes…)…
Intersections: la rencontre de deux systèmes différents multiplie la productivité et la création de liens utiles (bord de mer/de rivière, lisière de forêts…).
Pour aller plus loin que cette maigre introduction: la page Permaculture sur le site [http://fr.ekopedia.org/->http://fr.ekopedia.org/ ] comporte de nombreuses explications et liens. À vous de jouer…