Dans ces poubelles, on trouve des aliments tout à fait comestibles transformés en déchets pour toutes sortes de raisons : un nouvel arrivage qui implique qu’on se défasse des restes de la commande précédente, des produits mal étiquetés, un poivron trop gros, une patate difforme. Au 123 (1), la récup’ est quotidienne et reflète un mode de vie communautaire de gens refusant l’idéologie marchande… Certains soirs, c’est la fête autour des poubelles du GB Express, quand le nouvel employé ne savait pas qu’ici, on cadenasse les poubelles. Paradoxalement, dans des pays dit « pauvres », elle est là, à profusion. Certains temples en Inde font entre 30.000 et 100.000 repas gratuits par jour. Là, pas d’a priori, les repas végétariens sont préparés pour être mangés par toutes les castes. J’ai un ami cuisinier qui a eu l’idée de faire la même chose ici, mais à plus petite échelle: commencer déjà par 1.000 repas gratuits, qu’il distribuera sur 3 jours. Son but n’est pas de prendre la place du « resto du coeur »: il le fait à titre privé, un défi pour ce baroudeur qui recherche avant tout la rencontre des cultures, des classes sociales… Il cherche aussi à (ré-)anoblir la gratuité, montrer qu’elle n’est pas forcément liée à une situation d’urgence. D’ailleurs, il n’y a pas de public cible, pour ne pas risquer de scléroser le projet dans des carcans misérabilistes. Il veut surtout marquer le coup, montrer qu’il y a moyen d’organiser ce genre d’événements à moindre frais. « L’idée est de faire changer les habitudes ». C’est aussi le pari du collectif « Food Not Bombs » qui s’est récemment constitué à Liège. Activistes présents à travers le monde, ils organisent des cuisines populaires à partir de récup. Leur message central est que « personne ne devrait manquer de nourriture ». Il ne s’agit pas non plus de faire de la charité mais bien de fournir une aide concrète aux populations en souffrance, surtout en terme d’organisation: la récupération en groupe permet non seulement d’évacuer le sentiment de honte, mais en plus de partager l’idée qu’une puissance collective… peut déjà aboutir à un bon repas!
(1) Bâtiment public occupé depuis quelques mois, situé au 123 rue Royale à Bruxelles.