Peau de chagrin

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Alain, après avoir réussi son régendat, entre dans l’enseignement et y reste durant 10 ans. Les 4 dernières années, il travaille à temps partiel et décide alors de prendre un registre de commerce afin de mener une activité en tant qu’indépendant complémentaire. Quand le métier d’enseignant commence à vraimentlui peser, Alain devient indépendant à temps complet et ouvre un bistrot. Notons qu’il n’est jamais passé par la case chômage et n’a jamais bénéficié d’aucune aide financière de l’Etat. Malheureusement les affaires d’Alain ne se déroulent pas comme il le souhaiterait. Il est victime d’escroqueries et doit fermer son commerce. Durant les 2 mois qui suivent, il a du mal à retrouver un travail et demande alors l’aide du CPAS. Alain retrouve rapidement un emploi déclaré dans l’horeca, rémunéré au salaire minimum. Mais à l’époque, les statuts de cette branche n’étaient pas clairement définis et Alain n’a pas le droit de bénéficier de la sécurité sociale. Pendant longtemps, il se voit contraint d’être à charge de la mutuelle de sa compagne. Après ce parcours quelque peu mouvementé, Alain décide de retenter sa chance en tant qu’indépendant en ouvrant une librairie. Sauf que, ayant été endetté lors de sa première expérience, il ne peut plus avoir de registre de commerce. C’est donc au nom de sa compagne que la librairie sera déclarée. Alain prend alors le statut de conjoint aidant, un statut qui, en ce temps-là, n’intervenait pas dans le calcul des pensions.

Ce n’est que quand la librairie change de statut et devient une société qu’Alain redevient un indépendant déclaré et avec les avantages sociaux qui y sont associés. Dès 1994, Alain travaille donc dans la « légalité ». Mais, en 2004, il commence à avoir des problèmes de santé : son médecin veut le mettre en incapacité de travail à temps plein, mais comme il doit être pensionné en 2006 et qu’il ne lui reste que peu de temps à tenir, il décide, en honnête travailleur, de continuer à mi-temps durant ses deux dernières années de « vie active ». Le montant de son secours mutuel est alors diminué de moitié. Le jour de sa pension arrive. Toutefois, le montant mensuel de celle-ci s’élève à seulement 440 euros nets par mois! Une somme dérisoire pour autant d’années de travail! C’est pourtant le bon calcul : 10 ans dans l’enseignement, auxquels on enlève 5 ans car, à cette époque, la ville de Liège ne payait pas les cotisations pour les employés qui n’étaient pas nommés (ce n’est qu’à partir de 1969 que les statuts ont évolué) et les quelques années en tant qu’indépendant déclaré. Comme le dit si bien Alain, avec le maigre montant des salaires de l’époque, peu de gens pensaient à cotiser. C’est pourtant une erreur qui lui coûte maintenant très cher. S’il avait poursuivi toute sa carrière en tant qu’enseignant, Alain aurait eu droit à une pension de minimum 1.500 euros. En tant qu’indépendant, une carrière complète lui en vaudrait 800

Alain reçoit 440 euros par mois. Or, le montant minimal des pensions en Belgique, pour les gens qui ont travaillé, est d’environs 700 euros. Il obtient donc l’aide du CPAS qui lui verse la somme complémentaire pour arriver au minimum légal : 260 euros. Le revers de la médaille?

Cette somme n’est pas un don, mais un prêt. Au vu du faible montant de sa pension, Alain a fait appel à la GRAPA (Garantie des Revenus aux Personnes Agées) afin de pouvoir bénéficier de la pension minimale sans devoir rembourser. Si cette aide lui est accordée, les premiers mois seront toutefois aussi difficiles, puisque le CPAS viendra y puiser son dû. Dans un cas comme dans l’autre, Alain a et aura toujours du mal à joindre les deux bouts. Pour s’en sortir, il a dû vendre une partie de son patrimoine personnel, principalement des livres, faire des marchés et parfois travailler en noir. De plus, Alain a vu s’ajouter à ce passif des frais de soins de santé conséquents (il est invalide à plus de 66 %). Les démarches sont en cours pour qu’une aide supplémentaire, basée sur son état de santé, lui soit
octroyée. Cette aide se monterait à 50 ou 100 euros. C’est un petit « plus » mais ce n’est pas ça qui va l’aider à s’en sortir. Par contre, la « bonne nouvelle » vient du côté de la Vierge Noire (service des allocations aux handicapés dépendant du Ministère des Affaires Sociales, de la Santé Publique et de l’Environnement), qui lui permettrait de recevoir une aide de 3.000 euros par an. S’il additionne le tout, il parviendra peut-être à 1.000 euros par mois, une somme qui, d’après lui, devrait être le minimum légal pour vivre plus ou moins décemment. Le cas d’Alain est d’autant plus frustrant que, depuis le 1er juillet 2005, tous les conjoints aidants ont droit au statut social des travailleurs indépendants et que leurs années de travail compteront donc pour le calcul de leur pension. Malheureusement, cette loi n’est pas rétroactive…

Même si Alain avoue n’avoir pas toujours été bien organisé dans la gestion de ses documents administratifs (perdu dans cette paperasse, il a fait appel à une assistante sociale), il pense avoir été la victime d’une période charnière entre différentes réglementations sociales et de la non-application de la loi dans le passé.

Alain n’est pas un cas isolé. Il n’est certainement pas le seul à être perdu dans les statuts, les documents et les démarches administratives. Etre indépendant demande une vigilance de tous les instants et un sens solide des réalités. Il suffit de quelques années à ne pas savoir ou pouvoir mettre de l’argent de côté et cotiser auprès de la Sécurité sociale pour que la fin de votre vie, qui devrait être source de bien-être et de repos, devienne un enfer. Se retrouver à 65 ans avec le revenu d’un chômeur (et encore), alors qu’on a travaillé toute sa vie, c’est loin d’être folichon… La faute n’est pas totalement imputable à l’Etat mais un peu plus de clarté, d’explications et d’aide serait les bienvenues, sans oublier un réajustement du calcul de la pension compte tenu du coût de la vie actuelle.

Conjoint-aidant : de nouveaux droits, mais pas de rétroactivité

Rappel: un conjoint aidant est une personne qui assiste ou supplée un travailleur indépendant dans l’exercice de son activité sans être engagé envers lui par un contrat de travail. Un aidant est souvent, mais pas obligatoirement, un membre de la famille de l’indépendant.

Avant le 1er janvier 2003, le conjoint-aidant n’avait aucun statut, ni social, ni fiscal. Depuis cette date, c’est chose faite puisque 2 nouveaux statuts sont crées. Le MINI-STATUT ou STATUT LIMITE, qui donne uniquement droit à l’assurance en cas d’incapacité de travail, de maladie, d’invalidité et de maternité et le MAXI-STATUT qui donne les mêmes droits que l’indépendant complet: allocations familiales, assurance maladie, invalidité, en cas de faillite, aide à la maternité et surtout cotisation pour la pension.

Bien entendu, pour bénéficier de ces droits, le conjoint-aidant doit payer ses cotisations, comme un indépendant à titre principal.

Remarque: Dès le 1er janvier 2003, l’assujettissement au mini-statut est obligatoire tandis que celui au maxi-statut est volontaire. En 2006, la donne change: les conjoints-aidants nés après le 1er janvier 1956 sont d’office assujettis au maxi-statut. Ceux qui sont nés avant cette date sont quant à eux obligatoirement assujettis au mini statut mais peuvent être volontaires pour le maxi-statut.

D’un jour à l’autre, le statut passe d’inexistant à obligatoire, mais n’est pas rétroactif !

Enseignants non nommés : une loi favorable mais non rétroactive

Le 8 juillet 1969 est une grande date pour les enseignants. En effet, à partir de ce moment, l’enseignant qui n’est pas nommé voit enfin ses jours de travail pris en compte pour sa pension, ce qui n’était pas le cas auparavant. Les années de travail des professeurs non nommés situées avant le 8 juillet 69 ne sont pas comptabilisées pour le calcul de la pension, car la loi n’est pas rétroactive

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