Shérif, fais-moi peur!

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J’ai finalement franchi sans encombre l’écueil de l’ambassade américaine. Passant souvent par là, je me suis fait à la formalité de la courte marche le long du boulevard. Cela a même presque fini par m’amuser. Celui que je prends ici comme témoin en souriait doucement aussi. Jusqu’à ce jour où, comme d’habitude, il s’apprête à traverser le check-point pour ren-trer chez lui. Il habite l’immeuble contigu à l’ostentatoire American Embassy. La routine en fait. Mais pas cette fois. Voici le bref récit d’un citoyen qui a eu le culot outrageant d’habiter là où une représentation étrangère revendique la propriété de la voie publique.

« Je rentrais chez moi d’une soirée et comme d’habitude je passe devant l’ambassade. Là, un premier flic m’interpelle et me dit de passer le long de la route. Je lui réponds que j’habite là depuis des années et que je suis toujours passé sans problème. Un autre flic autrement plus balaise est alors sorti du combi en hurlant que je traînais là depuis dix minutes (en fait, pas plus d’une minute…) et me crie de rentrer chez moi. Je lui dis que c’est précisément ce que j’essaie de faire. Il me répond par un poing serré face au visage. Je passe donc sur le côté et m’adresse aux vigiles privés, leur demandant s’ils ont vu ça. La discussion fut coupée court par un autre flic leur disant de ne pas m’adresser la parole. Quelques derniers mots doux en néerlandais ont alerté un touriste hollandais passant par là. Il a eu le droit à une bonne clef de bras et moi à me faire traîner jusque dans mon hall ».

Les merveilles de la démocratie représentative ont tout de même amené sur la table une question orale au parlement au sujet de ce barrage. Celle-ci émanait de Mme Yamila Idrissi le 31 mars 2004 (1). Elle interpellait la Région bruxelloise, expliquant que « depuis les attentats du 11 septembre 2001, le trottoir et les voies parallèles du boulevard du Régent sont barrés par des chevaux de frise et des combis. (…) La protection de l’ambassade américaine forme un contraste criant avec l’indifférence à l’égard des piétons et des cyclistes. » Elle conclut son intervention par des questions concernant la légalité de ce barrage, les mesures de sécurisation prévues pour les usagers faibles et l’évaluation de cette situation. La réponse de la Région renvoie la patate chaude au fédéral. Trois ans et quatre mois plus tard, l’aventure le long de l’autoroute urbaine est toujours de rigueur, avec une larme d’intimidation policière pour faire passer le tout.

Peut-être les forces de l’ordre avaient-elles passé une sale journée. Il est possible également que le terre-plein du boulevard du Régent soit un microcosme fascinant habité par une faune et une flore de toute beauté et que ce détour nous fasse profiter d’une sublime promenade. Si ça se trouve même, c’est moi qui suis parano et cette situation est des plus normales. À ceux qui partagent cet avis, je réponds avec les mots de la courageuse parlementaire évoquée plus haut : « Je vous inviterais volontiers à faire une promenade à vélo avec moi le long de l’ambassade américaine, et à risquer votre vie avec moi ».

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