Quel média n’a pas fait de la protection de l’environnement son titre principal ces derniers temps ? Quel journal n’a pas alarmé ses lecteurs avec le constat d’un taux de pollution dangereusement élevé ? Bien que leurs préoccupations soient justifiées, il existe un autre type de pollution, moins souvent évoqué par les journalistes : la pollution sonore. Que nous habitions à la ville ou à la campagne, le bruit est partout et peut à tout moment s’avérer nuisible.
Mais qu’est-ce qu’un bruit exactement ? Le concept est défini comme étant un phénomène acoustique produisant une sensation auditive considérée comme gênante. Même si la perception du bruit est une notion subjective, on peut par exemple être dérangé par l’aspirateur du voisin du dessus mais pas par le volume de notre chaîne hi-fi. La gêne peut être évaluée en terme de décibels (dB). Ainsi, cent-quarante dB est le taux le plus néfaste pour nos oreilles; c’est le cas d’un avion à réaction qui décolle à cinquante mètres de nous. Le seuil devient supportable à soixante dB, quand nous écoutons une conversation. Parmi les bruits les plus gênants, ce sont bien sûr les avions qui remportent la palme, tout juste suivis par le marteau-piqueur. Le trafic routier sur une grande avenue obtient la troisième place sur le podium de la pollution sonore, c’est aussi le motif majeur de plaintes concernant les nuisances sonores. A Bruxelles, en journée par exemple, cinq cents kilomètres de voirie connaissent un niveau de bruit supérieur à soixante-cinq dB. La charge importante de trafic et la vitesse excessive des véhicules sont notamment mis en cause. Si votre rue est animée, comme c’est souvent le cas pour les citadins, vous subissez environ septante dB. Et tout bruit qui perturbe la poursuite d’une conversation, le sommeil, le repos ou la concentration est aussi consi-déré comme dérangeant. Nos oreilles ne seront finalement apaisées que pendant un séjour à la bibliothèque du coin, une ballade en forêt ou…dans un laboratoire acoustique…
Le bruit, une habitude à prendre ?
De nombreuses études démontrent que les nuisances sonores sont très néfastes pour la santé même pour les personnes qui se disent habituées aux bruits qui les entourent. Elise a vingt-cinq ans, elle a passé toute son enfance à côté d’un aéroport, et de son jardin elle regardait en l’air pour voir passer les avions qui volaient parfois très bas, se remémore-t-elle. Cet environnement particulièrement bruyant a-t-il eu des conséquences sur sa santé ? « Le bruit des avions ne m’a jamais dérangée et ne m’a certainement jamais empêchée de dormir mais il est vrai que je n’entends pas très bien, je dois souvent demander aux gens de se répéter. Je ne sais pas si c’est directement lié, peut-être que oui… ». Elise ne croit pas si bien dire. Il est commun d’entendre dire des personnes vivant à proximité d’une autoroute ou d’un aéroport qu’elles ne sont plus incommodées par le bruit. Pourtant il a été prouvé scientifiquement qu’il existe de réelles répercussions sur leur santé aussi longtemps que les nuisances sonores persistent, et cela même durant le sommeil. Le symptôme le plus flagrant et fréquent est évidemment la surdité : à partir de cent dix dB, elle peut être immédiate et irréversible. Dans les effets immédiats, on observe une augmentation des battements du cœur et de la tension artérielle, une diminution de la concentration, de l’agitation, une réduction du champ visuel et parfois même des troubles intestinaux. Les effets sur le long terme sont plus compliqués à diagnostiquer, tout comme leur lien avec la pollution sonore. Soumis trop souvent ou trop longtemps à des décibels trop élevés, le corps humain peut en effet subir une fatigue physique et nerveuse. Fatigue qui se traduit entre autres par des insomnies, de l’anxiété, du stress, un comportement dépressif voire agressif. On l’aura compris, si l’on veut garder notre appareil auditif intact, la prescription est radicale : une vie d’isolement total en forêt.
La ville ou la campagne ?
Comprenant très bien ceux qui refusent de partir s’isoler pour les beaux tympans de leurs oreilles, il nous reste à choisir la solution la « moins pire ». D’après nos investigations, c’est la vie à la campagne qui s’impose comme étant le meilleur choix à faire pour nos sensibles oreilles. Jessica, vingt-quatre ans, a récemment déménagé de sa campagne natale vers la capitale. « Il est certain qu’il y a moins de bruit dans mon ancien village chez mes parents qu’ici, nous confie-t-elle, mais c’est surtout la nuit que je le ressens. Mon sommeil est perturbé par le passage des bus, le trafic ou encore des disputes de gens saouls dans la rue. Cela fait maintenant deux ans que j’y habite et même si je ne me réveille plus au moindre klaxon ou au moindre cri, je dois bien avouer que mes nuits ne sont plus aussi réparatrices qu’avant ». Mais même si l’on vit dans une maison située dans une rue tranquille bordée de prés où des vaches tuent tranquillement le temps, il nous est impossible de nous protéger contre la pollution sonore. Pensons au voisin qui effectue des travaux dans sa maison depuis deux mois ou encore aux petits jeunes du coin qui profitent d’une rue peu fréquentée pour venir faire crisser les pneus de leur mobylette flambant neuve. Pour Jessica, c’est vrai, la campagne a également son lot de nuisances sonores : « Il m’était parfois difficile de me concentrer durant mes examens lorsque c’était la fête du quartier par exemple ou quand mes voisins invitaient de nombreux amis dans leur piscine ». Grégory est, comme Jessica, passé de la campagne à la ville pour des raisons professionnelles. Le bruit ne l’enchante pas du tout: « Je trouve que les gens de la ville sont beaucoup plus agressifs et cela ne m’étonne pas, il y a tellement de bruit que l’on doit parler très fort pour se faire comprendre. J’ai aussi observé une conduite plus agressive et donc plus bruyante. Je mets également ma télévision plus fort pour ne pas être gêné par les bruits quotidiens et incessants de ma rue ». Pour ce nouveau citadin, il est évident qu’on ne subit pas autant de désagréments sonores à la campagne.
Il semblerait que nous ne sommes pas les seuls à subir les nuisances sonores. Une étude menée aux Pays-Bas sur des mésanges montre que les oiseaux des villes chantent plus haut et plus fort que leurs homologues de la campagne. Forcés de s’adapter à leur environnement, ils produisent des sons de plus de vingt dB en moyenne en zone urbaine. Enfin, si, après tout cela, vous pensiez quand même partir vous isoler loin de tous ces bruits, c’est sans compter sur les investigations de trois chercheurs de l’université d’Helsinki. Après des heures de déchiquetage de papier toilette, les trois scientifiques en ont conclu que le bruit du papier qui se déchire consiste en une multitude de mini-explosions. Le son s’apparenterait même à celui d’un tremblement de terre. A bon entendeur…
passivité
Chez le philosophe anglais Bacon (16e-17e siècles), «Le silence est la vertu des sots.» (Apophtegmes). «Le silence est la vertu des fous.» (De la dignité et de l’accroissement des sciences). Le silence est ici synonyme de passivité tandis qu’il était synonyme de réserve et de sagesse.
« Qui ne dit mot consent » : celui qui se tait (et donc ne refuse ni ne proteste) peut être considéré comme d’accord (A. Rey et S. Chantreau. 2002.)
Compromis
« Il est de bon de parler et meilleur de se taire, / Mais tous deux sont mauvais lorsqu’ils sont outrés. » (L’ours et l’amateur de jardins) Commentant l’adage, Jean de La Fontaine fait un bon compromis entre silence et parole (action et passion) en insistant sur le fait qu’il préférable de s’en tenir à une position médiane sur ce dilemme. Tout dépend des circonstances, l’excès nuit en tout.