Fred : Santé !
Martine : On attend que tout le monde soit servi avant de dire « santé » !
Pierre : Ah, parce que toi, tu représentes « tout le monde »…
Martine : Evidemment !
Richard : Voilà, une limonade!
Pierre : Santé, tout le monde ! Aux vacances ! Tiens, au fait, vous avez vu la nouvelle rubrique de « la Meuse » créée pour les élections, “Café du Commerce” ? Un journaliste se rend dans un café et retranscrit les conversations des clients, photos à l’appui. Ça vous rappelle rien ?
Martine : Oui, ça me dit quelque chose, maintenant que tu le dis. C’était pas la rubrique d’un journal un peu bizarre, avec un nom d’explosif ?
Pierre : C’est bien possible.
Fred : Dire qu’on va bientôt avoir un nouveau gouvernement ! Qu’est-ce qui nous attend ?
Véro : Mais la nouvelle législature démarre quand ?
Nadine : A mon avis, on a le temps, avec les vacances parlementaires et compagnie…
Véro : Quand est-ce qu’ils dissolvent la chambre ?
Nadine : Alors là, aucune idée.
Pierre : Qu’est-ce qui va se passer selon que la gauche ou la droite gagne les élections ?
Véro : Ici, c’est pas comme en France, où il y a une opposition claire. En Belgique, avec le système des coalitions, tout le monde est quand même plus ou moins représenté. C’est nettement plus consensuel.
Fred : On nous a bassiné pendant toute la campagne avec des supposés débats à toutes les sauces, mais quel débat ?
Nadine : Le degré zéro du débat, ça oui !
Fred : A part se positionner pour ou contre les 4X4, évidemment… Grande question politique, ça…
Pierre : Ben, au moins c’est déjà ça, moi j’ai même pas entendu ce genre de question. En fait j’ai rien entendu du tout, à part les batailles habituelles entre X et Y.
Nadine : Moi, j’ai trouvé que la campagne pour les communales proposait davantage de débat que celle-ci.
Véro : Ce qui est surprenant, c’est de voir que les Belges se sont beaucoup plus passionné pour la campagne présidentielle française que pour leurs propres élections législatives.
Pierre : Oui, et moi une autre chose qui m’a frappé, c’est le fait qu’on n’est pas du tout au courant du débat qui a lieu en Flandre. C’est le même pays, et dans la presse francophone, on ne trouve quasiment pas d’écho des questions que se posent nos concitoyens flamands.
Martine : Tiens, au fait, vous avez vu l’autre soir à la télé l’émission sur le micro-crédit ?
Fred : Non, pourquoi ?
Martine : Et bien figurez-vous qu’ils sont en train de réfléchir à un système où les allocations de chômage seraient peu à peu remplacées par le micro-crédit.
Nadine : C’est-à-dire ?
Martine : C’est-à-dire qu’au lieu de te filer des allocs tous les mois, on te prêterait une somme plus ou moins importante pour que tu puisses lancer un projet, créer ton propre boulot, réussir, quoi…
Nadine : Non, tu déconnes !
Martine : Je t’assure que non ! On te filera du blé, mais tu seras obligé d’en faire quelque chose. Dans le pur esprit néo-libéral…
Pierre : Avant, on donnait nos modèles aux pays du sud, et maintenant, la précarité est tellement importante que c’est nous qui nous inspirons des modèles de survie du sud…
Fred : Non, ces modèles de survie, c’est nous qui leur avons proposé au départ…
Pierre : Ah bon ! Et la tontine ? C’est toi qui l’as fait découvrir aux Africains peut-être ?
Fred : Non, mais le micro-crédit, ça vient d’ici.
Pierre : Tu rêves mon chéri ! C’est un Indien qui a inventé le micro-crédit. Il faudrait arrêter de croire que l’occident est le centre du monde.
(Arrive Joël, qui s’installe en bout de table)
Joël : Mais cette histoire de micro-crédit, c’est juste une intuition ou c’est réel?
Martine : C’est pas juste une intuition, c’était le sujet d’une émission très sérieuse qui est passée il y a quelques jours sur Arte.
Joël : C’est une vraie catastrophe ! Richard ! Une bière !
Martine : Et les banques sont tout à fait intéressées par cette idée. Leur calcul est simple. Si sur 100 personnes à qui ils font un micro-crédit
il y en a 50 qui réussissent, non seulement ils récupèrent leur mise mais en plus ils y gagnent 50 clients !
Pierre : De toute façon, on sait tous depuis longtemps que la précarité devient un moteur économique. C’est un marché à part entière.
Nadine : Mais qu’est-ce que le chômeur est censé faire de son micro-crédit ?
Pierre et Fred, en choeur : Investir !
Fred : Cette tendance existe déjà concrètement. Prenez « Job’in », par exemple. C’est un guichet d’aide à la création d’entreprises qui travaille en collaboration avec le Forem et l’Orbem, mais aussi avec des « banques éthiques » comme Crédal, qui octroie des micro-crédits aux chômeurs qui veulent lancer leur truc.
Véro : Tout ça me donne soif … Richard ! Une bière !
Pierre : Pour revenir aux élections, que pensez-vous qui nous attend ?
Joël : En tout cas, ce qui est sûr, c’est que la chasse aux chômeurs ne fera que s’accentuer, et qu’on va devoir se bouger.
Véro : Ça, c’est clair, même les partis dits de gauche commencent à nous bassiner avec les prétendus « abus », et leur leitmotiv reste invariablement « le plein emploi pour tous ».
Joël : On dirait presque un film de science-fiction, avec des types qui seraient restés coincés à une époque antérieure et n’arriveraient pas à en sortir. Quand est-ce qu’ils vont réaliser –ou admettre publiquement en tout cas- que le plein emploi, c’est fini, oublié, enterré ?
Nadine : J’ai vu aussi ce débat où la nana de gauche clamait « je ne tolérerai pas les abus ! On ne peut plus accepter les chômeurs professionnels ! »
Pierre : Est-ce qu’elle a cité des noms ?
Nadine : Non !
Pierre : Quelle lâche !
Fred : Tu parles, heureusement pour ma pomme !
Nadine : Non, sans blague ? N’empêche, y’a que le mec des verts qui a fait remarquer gentiment qu’il n’y avait pas de boulot pour tout le monde ! Tiens, ça pue, tout d’un coup !
Fred : C’est moi, j’avoue ! Je sais pas si c’est pareil pour vous, mais chaque fois que je mange de la nourriture de fast-food, je pète comme un fou. C’est presque bizarre, parce que d’un côté, le fait de péter, de roter, ça me donne une impression de truculence saine, même si j’ai bouffé de la merde. Et quand je mange des trucs sains, bio et tout, là, rien, pas le moindre petit bruit, mes intestins restent lamentablement silencieux.
Joël : Moi c’est tout le contraire. C’est quand je bouffe les trucs bio genre lentilles, pois chiches et compagnie que je pète un maximum. Aux universités d’écolo, par exemple, les gens ne sont pas tous habitués à ce genre de bouffe, et du coup, ça donne une belle cacophonie pendant la digestion. Mais le truc drôle, c’est que les gens sont à plusieurs par chambre. Les nuits sont tout sauf silencieuses !
Richard : Vous reprenez quelque chose, c’est la tournée du patron ?
Fred : Allez, d’accord ! Moi je reprendrai une bière.
Nadine, Véro, Pierre, Joël : Moi aussi !
Martine : Moi je prendrai un thé !
Richard : Ok, c’est noté.
Joël : Fred, tu viens dormir à la maison ? Y’a des lentilles au menu !
Fred : Très drôle ! Mais je me contenterai du fast-food que j’ai ingurgité tout à l’heure. Et comme chez moi c’est l’effet inverse, ta nuit risque d’être moins silencieuse que prévu…
Nadine : Moi, les gars, toute cette histoire de micro-crédit m’a donné mal à la tête. Je vais aller me coucher direct, sans même passer par la case douche.
Véro : Moi, je vais aller regarder une connerie à la télé, histoire de me détendre les neurones.
Pierre, à Martine : Et nous, on a de la route à faire, on va plus traîner.
Martine : Ok, on y va