La pub est-elle dangereuse pour la santé mentale des enfants?

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Le Docteur Cédric Leclerq, pédopsychiatre à l’Hôpital de la Citadelle à Liège, s’est penché sur la question des troubles mentaux provoqués par la publicité chez l’enfant. D’après lui, «les troubles d’attention-concentration constatés aujourd’hui chez certains enfants ne sont pas produits par notre société. Néanmoins, le contexte social détermine notre tolérance vis-à-vis de ces manifestations, ainsi que les représentations que nous en avons. Tout enfant, en fonction de sa maturation et de ses problèmes, doit apprendre à prendre de la distance par rapport à la publicité. Il est donc important de pouvoir prendre du recul et de communiquer avec ses proches par rapport à ce qu’il a vu ». La famille joue donc un grand rôle dans l’assimilation du message, elle va aider l’enfant à mieux le décoder. «Un enfant doit être accompagné, il faut qu’il digère l’information. Le filtrage reste donc déterminant. L’adulte est la pour essayer de contenir la réaction d’angoisse». En effet, face à la publicité, l’enfant serait d’abord angoissé, bien plus que violent. Mais il est vrai que l’anxiété pourrait conduire à des comportements violents. Les publicités diffusées, aussi choquantes et violentes soient-elles, ne conduiraient donc pas directement à la violence. «Dans la présentation des angoisses d’enfant, on remarque qu’avant, les angoisses avaient rapport aux kidnappings, après elles ont touché aux terroristes, et maintenant, elles se rapportent à la pollution, au réchauffement climatique. Les enfants formulent leur anxiété au moyen des images véhiculées par les médias et par la société, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils aient été traumatisés par celles-ci. Ils utilisent simplement leur langage d’enfant pour exprimer leurs craintes». Il faudrait donc faire plus attention à l’accompagnement et au filtrage qu’à l’information en tant que telle. Le Docteur Leclerq souligne d’ailleurs qu’il n’y a pas de demande spécifique pour des thérapies axées sur les conséquences de la publicité chez l’enfant. Néanmoins, ce sujet peut être abordé dans le cadre d’une thérapie: «L’enfant peut exprimer une grande sensibilité par rapport à des images qu’il a vues à la télévision quand il était seul, et le fait de ne pas savoir les traiter peut fixer son angoisse sur ces images».

Les enfants, cibles ou spectateurs passifs?

Selon le site Internet www.mamanpourlavie.com, même les tout-petits sont perçus comme des consommateurs. « Des études ont pu démontrer que dès leur plus jeune âge, les enfants peuvent reconnaître des marques. Il semble que des bébés de 6 mois sont déjà capables de former des images mentales de logos et de mascottes et que la fidélité à une marque peut être établie dès l’âge de 2 ans. Pour les spécialistes du marketing, les enfants sont un public cible très important dans la mesure où ils ont le pouvoir d’influencer les décisions d’achat de leurs parents et surtout, parce qu’ils sont les consommateurs de demain. Certaines recherches ont également dévoilé que les enfants qui sont âgés de 2 à 5 ans ne sont pas en mesure de distinguer une émission de télévision d’une bande-annonce. Ainsi, on estime qu’ils sont très vulnérables aux publicités mensongères et ce n’est pas avant l’âge de 8 ans qu’ils peuvent comprendre que les publicités ne sont pas toujours vraies».

Les effets engendrés ne seraient alors pas à prendre à la légère. Les troubles pourraient autant toucher à la santé mentale qu’à la santé physique. Premièrement, la publicité destinée aux enfants peut en effet mener à une forme de surconsommation qui, à terme, peut engendrer des sentiments de narcissisme et d’insatisfaction chez les enfants 1. Ensuite, les publicités qui ciblent les enfants auraient aussi des effets néfastes sur leur santé et pourraient être à l’origine de problèmes d’obésité chez l’enfant. La Société canadienne de pédiatrie s’inquiète de ce phénomène et affirme que la majorité des
annonces de nourriture diffusées pendant les émissions pour enfants vantent les repas-minute, les boissons gazeuses, les bonbons et les céréales sucrées alors que les annonces de nourriture saine ne représentent que 4 % de ces publicités. Plus de 3 milliards de dollars sont dépensés chaque année par les chaînes de restauration rapide pour leurs publicités dont une large part s’adresse aux enfants. En Europe, la Suède s’est également penché sur cette problématique qui pourrait, à terme, creuser un peu plus le trou de notre Sécu. Ainsi, Stockholm a interdit toute publicité qui vise les enfants de moins de 12 ans et a fait pression sur les membres de l’Union Européenne pour qu’ils adoptent des politiques similaires.

L’association RAP Belgique (Résistance à l’Agression Publicitaire) craint également pour l’avenir des futurs pub-addicts. C’est pourquoi elle avait lancé fin janvier 2006 une pétition pour la suppression de la pub destinée aux enfants, et plus précisément les pubs directement placées avant et après les émissions pour enfants à la RTBF. Cette pétition, qui a pris fin avril 2006, a récolté plus de 5300 signatures et a porté ses fruits : le 24 mai 2006, le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) condamnait la RTBF à une amende de 5000 euros pour ne pas avoir respecté la règle des cinq minutes.

Notes:

  1. Voir le livre The Shelter of Each Other de Mary Pipher (1997).

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