15. L’esclavage, c’est la liberté!

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Hé bien oui je vous l’écris, chers téléads bien planqués dans vos conapts: la publicité c’est de la propagande! Voilà, c’est écrit, en bon publi-propagandiste je viens de vous faire gagner 7000 signes espaces compris, environs dix minutes de lecture ainsi qu’une série de réflexions fastidieuses.

Et ceux d’entre vous qui ne l’auraient pas encore compris se sont bien fait rouler dans la farine OGM et le sont encore à l’heure où ils lisent cette introduction en songeant que tout ceci manque d’objectivité. Que du contraire, il me semble que la seule véritable manière de tendre à l’objectivité ne tient pas en une seule énonciation de faits prétendument neutres mais bien par l’affirmation de l’opinion. L’objectivité et plus encore la neutralité sont devenues les masques du communicateur servile, du commercial pseudo-créatif. Combien de fois faudra-t-il écrire que pour les nazis, la solution finale était objectivement un progrès? Que ceux qui se figurent à présent que tout ceci n’a rien à voir avec la publicité ou la propagande patientent encore quelques paragraphes…

Le temps de s’envoler pour Cuba et de remonter le temps jusqu’à la «période spéciale en temps de paix», traduire : «l’année-où-les-ruskofs-ont-trahi-provoquant-la-dêche-totale», en 1992, juste avant l’invasion…touristique. De s’asseoir dans le confortable divan fifties juste en face du téléviseur couleur russe pour regarder Cubavision, tandis que le ventilateur chinois brasse l’air moite brondissant avec la délicatesse d’un hélicoptère — encore récemment soviétique — à l’atterrissage.

C’est l’heure du Noticiero, le JT, qui rend compte comme presque tous les soirs des exploits de telle entreprise qui vient de «sobre-cumplir» (dépasser) son plan de production de chaussures, de canne à sucre, de brosses à dents et autres démonstrations indéniables du triomphe de la révolution malgré le blocus des infâmes impérialistes yankee. La chaîne nationale, après avoir retransmis le journal de CNN World dans son intégralité -cela fait partie du contrat-, aborde l’international tandis que les Cubains présents adeptes du « mieux vaut en rire » plaisantent en évoquant les interminables files qu’il feront le lendemain pour ces denrées censées abonder.

Vous découvrez avec stupeur que le monde ne se limite pas à celui jugé digne d’intérêt par les médias occidentaux et voilà que vous souriez en vous remémorant les paroles de vos amis angoissés: «Une année à Cuba ?! Mais tu n’as pas peur? C’est la dictature, la misère!»

Sous le vrombissement du ventilateur la discussion s’anime, l’on commente l’actualité à un niveau rarement atteint devant les téléviseurs occidentaux. Il vous avait suffit de quelques jours pour constater que les conversations cubaines passionnées concernent toujours soit la politique, soit -personne n’est parfait- le base-ball. Ou pire encore: la telenovela brésilienne. Les mythes ont la vie dure sous les tropiques, que de surprises contraires à ce que vous découvrez être de la propagande natale sur bien des points. Mais le plus paradoxal reste à venir. Car en vous amusant avec vos amis du report du discours en plein air de Fidel prévu de longue date du à un déluge tropical providentiel, vous étiez loin d’imaginer que la chaîne annoncerait en remplacement la diffusion du film Terminator2 avant même sa sortie en Europe. Le surréalisme de la situation vous amusait déjà mais là où vous restez coi c’est quand vous réalisez que vos camarades jusque là d’un sens critique réjouissant semblent à présent sous hypnose. Bien sûr il y à l’action, les effets-spéciaux, puis soudain vous voyez avec leurs yeux, rivés à l’écran. Vous voyez ce gamin de 17 ans conduire sa moto puis une voiture flambant neuves, entrer dans sa villa, se diriger vers la cuisine high-tech ouvrir un frigo monumental pour se servir un énorme bol de KellogsTM et un verre de Minute MaidTM. Les estomacs frustrés gargouillent. Sachant que dans ce chef-d’œuvre du 7ème art étasunien, l’activité professionnelle du père dudit gâté gamin est…
simple-flic, c’est avec difficulté que vous tentez de faire comprendre à vos interlocuteurs interloqués que non, vous ne possédez ni un tel frigo, ni moto et encore moins une voiture…Vous leur dites que c’est un film de propagande capitaliste, plus subtile que la version socialiste qui ne les trompe plus, un ange passe. «C’est Fidel qui t’envoie, méfiez-vous c’est un civil », ricane une voix. Heureusement Fulano vous sauve la mise en affirmant qu’il croit savoir que KellogsTM et Minute MaidTM (rappelez-moi de leur envoyer une copie de ce texte) ont payé pour figurer dans le film! Vous percevez confusément que ses camarades doutent de sa santé mentale et de votre capacité à boire du rhum Havana ClubTM. (enfin un article rentable!)
Et là, au moment où tu t’y attends le moins, tu es tutoyé et happé(e) par une faille spatio-temporelle et te voilà soudain en pleine tempête de cerveaux novocaïnés face à plusieurs individus assis dans une pièce, tous très tendance, pièce comprise. Dont un particulièrement inspiré qui te cite une définition qui a cours en démocratie de marché :

«La propagande est à la puissance civile ou martiale ce que la publicité est au secteur privé à cette différence qu’elle ne vise pas à produire un seul acte de portée limitée (acheter le produit X) mais qu’elle cherche à convaincre d’un ensemble d’idées et de valeurs, à mobiliser, parfois à convertir.»

Si la première partie te semble acceptable tu réalises qu’il y a bel et bien un problème quant à la prétendue différence. En effet, inciter à consommer des produits inutiles, donc adhérer à et cautionner la société de consommation et tout ce qu’elle implique socialement, écologiquement -et dès lors politiquement-, par des procédés véhiculant des stéréotypes, des valeurs réactionnaires, est tout le contraire d’un « acte à portée limitée ». Un des paroxysmes du genre : ces chaînes dites musicales qui, entre deux exhortations à acheter la silhouette exigée ou un statut automobile, pressent de consommer de la daube sonore et des clichés patriarcaux, machistes, racistes, 24/24h! Pubs entrecoupées de pubs ou propagande continue ? Sur les murs, les sols, les gens, les véhicules, tous les médias, tous les supports, partout et tout le temps …

Mais voilà que notre fils de pub enfariné reprend la parole et la définition :

«La propagande est l’art de propager à grande échelle des informations, fausses ou non, mais toujours partiales. Les techniques de propagande moderne exploitent les connaissances accumulées en psychologie et en communication. Elles se concentrent sur la manipulation des émotions, au détriment des facultés de raisonnement et de jugement.»

Cette fois le doute n’est plus permis, tu constates que les termes publicité et propagande sont interchangeables, que le premier n’est qu’un déguisement de circonstance du second.
Je te félicite, si ce n’étais pas encore le cas, tu as capté l’arnaque et encore merci pour ton attention.

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