Une journée embarquée dans un train

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Verviers-Central, 10h34, un mercredi matin, je cours pour prendre le train IC destination Oostende. J’arrive essoufflée sur le quai où une quarantaine de personnes me dévisagent, se demandant pourquoi courir alors que la dame au micro vient d’annoncer un retard probable de dix minutes… Une chance qu’aujourd’hui il ne pleuve pas et que le froid ne se fasse pas assassin. Tous ont les mains en poche, sous gants pour les plus prévoyants… Je m’arrête entre deux groupes et observe cet échantillon de la société dans laquelle j’évolue. Une vieille dame voûtée se déplace lentement, je pense qu’elle s’est fixé pour objectif d’atteindre le banc en fin de quai… Quelques étudiants attendent patiemment, une farde sous le bras, profitant des derniers instants de ce congé matinal. Des pensionnés tirent leur trolley en signe de vacances bien méritées.

10h42. Le train arrive, il semble bien vide. Vu l’heure tardive, il n’y a pas à s’inquiéter, c’est normal. Je monte en queue de train. Les trois premières voitures sont vides. Moi et mon ordinateur, que je porte en bandouillère, traversons tant bien que mal ces couloirs étroits. Je me cogne, me recogne. Arrivée à la quatrième voiture, j’observe une amélioration : ils sont deux ! Un jeune qui joue sur son GSM et un travailleur qui profite du calme régnant pour se plonger dans sa paperasse. Jusqu’ici, rien de vraiment incroyable. Tout cela change bien des trajets effectués le samedi ou lors des vacances scolaires, lorsque les plus lents à monter doivent se contenter de s’asseoir à même le sol.

Deux voitures plus loin, je croise les premiers Germanophones montés à Eupen. L’ambiance est calme, les gens se fixent, se regardent, quelques fois se parlent à voix basse. Tableau idyllique du parfait voyage en train, tranquille et silencieux.


Huitième voiture
, j’arrive en première classe. À cette heure, c’est le wagon du troisième âge. Tous les travailleurs ont pris le train bien plus tôt et il ne reste là que quelques vieux qui cherchent à s’isoler. Je sens déjà la différence entre la première et la seconde classe : ici, le passage est plus large, on a le choix entre des sièges doubles ou individuels, le sol est recouvert de moquette et chacun a même droit à son propre éclairage. Le contrôleur est là aussi, assis en attendant… Mais qu’attend-t-il au juste ?


11h.
Jusqu’ici, c’est le calme plat. Si ce n’est l’équipe de judokas qui met un peu d’ambiance. Le panneau indicateur m’informe que nous arrivons à Liège Guillemins. Quelques personnes montent à bord. Nouvel épisode du « je laisse traîner ma valise hors du wagon… ». Au dehors, le chef de gare s’active, un problème avec un conducteur hollandais d’après les bribes que je peux entendre. Je ne vois pas vraiment le rapport avec notre train, soit… Espérons qu’il n’y ait pas un nouveau retard. Le train redémarre assez vite et est un peu plus rempli que précédemment. Ici, je fais le tour d’une partie de la population. Des jeunes, moins jeunes, plus jeunes du tout. Des gens de toutes couleurs et origines. Des endormis, des dynamiques. Des buveurs de coca et d’autres qui prennent l’apéro avec des bières en canette.
Je continue ma traversée et me retrouve au milieu des affamés. On sort tartines et sandwichs achetés vite fait à la gare. Tout cela me donne faim. Il me faudra encore attendre une bonne heure car je n’ai pas prévu de casse-croûte. La belle époque est malheureusement révolue du chariot-bar qui se dandinait de wagon en wagon et offrait café, chocolat chaud snacks et autres réconforts. Tant pis pour mon estomac qui gargouille.

À l’entrée de la voiture suivante, je me cogne contre une dame qui sort des toilettes. J’irais bien y faire un petit tour, tiens. Dès que je franchis cette porte verte, je me souviens pourquoi je déteste les toilettes des trains. Ça pue ! En plus, la dame a fait l’impasse sur la case « tirer la chasse »… Il reste un fond de désinfectant dans le Toilet Seat Cleaner, juste ce qu’il faut pour s’asseoir sur le trône en (
presque) toute confiance. Debout. Virage. Je m’écrase contre la porte.

Le dernier wagon est sans doute le plus rempli, même si la moitié des sièges sont quand même vides… Rapide coup d’œil au dehors – l’avantage de ne pas être au volant – c’est tout blanc. Allez, petite pause pour contempler le paysage. Pas le temps de m’asseoir que le contrôleur arrive sur moi et me demande mon titre de transport. Je n’ai pas le temps de lui tendre qu’une vieille dame, l’ayant aperçu à travers la vitre, se rue sur lui et lui raconte s’être fait voler son portefeuille à la gare de Liège Guillemins. Elle ne paraissait qu’à moitié inquiète pour la perte de ses documents, mais s’affola net lorsque le contrôleur lui demanda si elle possédait une carte de banque. Branle-bas de combat. S’ensuivent des regards curieux des autres passagers, des mimiques de désarroi de la femme et de son époux, des tentatives de coup de fil malgré l’absence de réseau. Le contrôleur, avec une pointe d’accent du Nord, passe l’appel à leur place. La police est prévenue et les attend à Louvain. Soudain retentit une bruyante sonnerie à travers les haut-parleurs de la voiture. Pas de répit pour le vérificateur de billets, un homme d’une quarantaine d’années aimerait que ce bruit strident s’arrête et explique alors les multiples raisons qui pourraient provoquer cette hausse de décibels. Assommé par tous ces termes techniques, le contrôleur profite que l’on arrive à Louvain pour prendre la poudre d’escampette. Arrivée sur territoire flamand, annonce en flamand.

11h35. Les derniers montés doivent être fumeurs, ça sent la clope froide. A peine assis, les navetteurs s’endorment. Le coup de pompe de midi peut-être. On repart. Les paysages sont tout différents. Buildings à gauche, entrepôts à droite, aéroport au loin, on arrive en ville.

12h05. Bruxelles-Midi, là où je descends. Il fait froid, les gens ont cet air maussade, légèrement râleur. Le train vers Schaerbeek est supprimé. Tout s’explique. L’Eurostar en provenance de Londres vient d’entrer en gare et me voilà bientôt au milieu d’un flot de British People.

Le train est loin d’être un transport en commun ennuyeux…

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