«Une forme de discours totalitaire»

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Faire des affiches et des slogans pour contester la pub, est-ce un paradoxe ?

Le détournement est une pratique classique de l’antipub mais je ne pense pas qu’il y ait paradoxe. On n’est pas là pour vendre quelque chose mais pour faire réfléchir sur la (sur)consommation et l’impact psychologique de la pub. On aurait tort de laisser le monopole de la créativité, de l’humour aux pubards. Le monde que l’on rêve est franchement plus bandant que leurs cassoulets en boîte. Donc, montrons combien leur créativité est au service de l’alimentaire et combien la nôtre a des objectifs plus respectables.

Quelles sont selon toi les meilleures méthodes pour contester la publicité ?

Faire pression sur les pouvoirs publics, mener des actions de désobéissance revendiquées. Quant aux barbouillages, ce n’est pas notre mode d’action mais je ne condamne pas celles et ceux qui s’attaquent directement aux panneaux. L’important est de décoder le sens de la pub, de montrer son omniprésence, l’impossibilité de dialoguer face à la pub. La pub est une forme de discours totalitaire. Il faut mettre en lumière sa massivité. 2,8 milliards d’euros ont été investis en Belgique en 2006 pour faire de la publicité dans les grands médias. C’est nettement plus que les budgets de la la justice (1.4 milliards) ou de la coopération au développement (1.3 milliards) par exemple.
Y a-t-il une pub acceptable ou toute la pub doit-elle être bannie ?
Le mouvement antipub n’est pas vraiment homogène sur cette question. Certains veulent encadrer la pub, d’autres la faire disparaître. Ces derniers (et c’est mon cas) lient lutte antipub et lutte anticapitaliste. Pour beaucoup, le combat antipub c’est aussi un combat contre ce que véhicule la pub : le sexisme, l’individualisme, l’idée du bonheur par la possession.

Mais réglementer le contenu de la publicité pour interdire le sexisme, par exemple, n’est-ce pas une atteinte à la liberté d’expression ?

On a beau jeu d’arguer de la liberté individuelle, celle-ci est dans les faits bien fragile face à l’armada des publicitaires. Noam Chomsky a parlé de liberté de choisir entre Coca-Cola et Pepsi. Comme le disait Franklin D. Roosevelt, « la liberté d’une démocratie est en danger si le peuple tolère l’emprise croissante de puissances privées au point où elles possèdent plus de pouvoir que l’État démocratique lui-même. C’est l’essence même du fascisme – la mainmise sur le gouvernement d’un individu, d’un groupe ou de tout autre pouvoir de contrôle privé. »

Qu’en est-il de la répression de vos actions ? Tu fais toi-même l’objet de poursuites judiciaires de la part de la société JC Decaux.

JC Decaux a effectivement porte plainte. Ils nous reprochent l’action « C4 Blues » que nous revendiquons. Ils essayent aussi de nous mettre sur le dos des dégradations de matériel ayant eu lieu ailleurs et auxquelles nous ne sommes pas liés. Jusqu’ici j’ai juste été entendu. A priori il n’y aura pas de suite car leur «dossier» est vide. Mais on ne sait jamais, si on tombe sur un juge zélé…

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