Service public et publics de nuit

Download PDF

Cette fois ça y est, le réseau de nuit de la STIB va voir le jour le 17 avril 2007. Avec une ligne circulaire et un réseau en étoile partant du centre-ville, la société aux bus gris et or répond enfin aux attentes de ceux qui ont besoin de se déplacer la nuit. Ce projet cristallise tous les paradoxes inhérents à la société publique qu’est la STIB, notamment la tension entre service public et rentabilité. Cette tension est inévitable, comme en atteste la façon dont l’entreprise se présente sur la page de garde de son rapport d’activité. Il y est mentionné qu’étant la «première entreprise belge de transport public, la STIB s’est engagée dans une démarche de développement durable de ses activités dans un objectif de croissance économique et de compétitivité, de responsabilité sociale et sociétale et d’amélioration de la qualité de vie en ville. » (1)

Le lecteur qui se plonge dans les documents régissant la gestion de la STIB pourra en apprendre beaucoup sur le premier des deux aspects évoqués ci-dessus: la rentabilité. Refonte des infrastructures dans un souci d’économie d’échelle et amélioration des finances y figurent en bonne place (2). Mais lorsqu’on se penche sur le problème des bus de nuit, que nous avons choisi pour illustrer le devoir de responsabilité sociale et sociétale de la STIB, il faut reconnaître qu’il faut bien chercher pour en trouver mention. Et lorsque mention est faite, il semble que ce soit pour renvoyer la patate chaude à d’autres acteurs de la mobilité en insistant, par exemple, sur l’idée des taxis collectifs (3). Une idée intéressante mais qui nous éloigne du fameux réseau de nuit. Deux ans après la rédaction du rapport indiquant cette réticence à les mettre sur la route, les bus pour insomniaques sont bel et bien sur les rails. Tous les usagers se réjouiront de ce brusque revirement.

Toutefois, un ami de confiance qui entame une recherche universitaire sur le projet nous a confié que les responsables du secteur recherche de la STIB lui auraient laissé entendre qu’il serait bon de mettre en avant le manque de rentabilité des transports de nuit. L’enthousiasme affiché par les responsables stibiens ne serait-il que façade? La décision ne viendrait-elle pas de l’autorité de tutelle? (4) La question est posée.

Pas rentable. C’est, semble-t-il, la position de la société intercommunale. Pourtant, si l’on se penche sur le résumé du projet, cosigné par le parti Écolo et les administrateurs de la STIB, on constate que «à partir du moment où en moyenne 41 voyageurs montent dans chaque bus lors de chaque trajet, les recettes couvrent les dépenses.» (5) Le parti Écolo rajoute que «Les montants en jeu ne sont pas énormes: sans tenir compte des recettes des voyageurs, il ne représente que 0,4% du budget de la STIB !» (6). Pas rentable avez-vous dit? De toutes les façons, la question dépasse largement la rentabilité. C’est la question du contrôle des sociétés publiques qui est ici soulevée. Les contrats de gestion de ces entreprises ne devraient-ils pas être plus stricts? Il serait alors parfaitement normal que les autorités de la STIB réclament un financement à la mesure des ambitions de ce contrat. Mais il n’est pas acceptable selon nous qu’ils opposent à l’intérêt commun des préoccupations purement financières, en demandant en douce aux chercheurs d’orienter leurs études. Ajoutons ici que la STIB n’en est pas à son coup d’essai en matière de gestion purement commerciale, comme en attestent les obstructions récurrentes à l’application du contrat de gestion dont elle se rend coupable. Nous ne cherchons pas ici à creuser la tombe du partenaire de nos transports urbains, mais juste poser ces questions: qu’en est-il des contraintes imposées aux entreprises de service public et de la rigueur des outils de contrôle auxquelles elles sont subordonnées?

Aucun commentaire jusqu'à présent.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Archives

Catégories

Auteurs