Les arrêtés ont fixé la valeur du fameux « point » (2541 euros), ce qui va permettre aux associations, selon les axes et les catégories dans lesquelles elles vont décider de s’inscrire, de procéder à des projections en matière de subventions. Ils déterminent également, ce qui est essentiel, les différent critères quantitatifs et qualitatifs (nombre de thématiques d’action, d’heures d’activités, de publications, de formations…) permettant d’accéder à chacune de ces catégories ainsi que le nombre minimum d’habitants au niveau territorial.
Qui doit s’adapter à qui?
Nous l’avions déjà dit précédemment dans cette rubrique : la grande majorité des associations d’éducation permanente reconnues par le décret 76 ne rentrent pas telles quelles dans le décret 2003. Cela implique qu’elles font devoir faire un travail important d’adaptation pour rencontrer les différents critères et se conformer le plus possible aux exigences du nouveau décret. Ceci est sans doute encore plus vrai au vu des arrêtés d’application, qui multiplie encore les critères de reconnaissance dans tel axe et tel catégorie. Au point que plusieurs lectures sont parfois nécessaires pour savoir où l’association se situe exactement, ou plutôt où elle pourrait se situer… Ce simple constat induit une question essentielle : est-ce aux associations à devoir radicalement modifier leurs orientations, leur structure, leur mode de fonctionnement, pour s’adapter au nouveau décret, ou ne serait-ce pas plutôt au décret à s’adapter à la réalité du terrain des associations ? On peut craindre que, pour se conformer au prescrit du décret à tout prix, certaines associations choisissent – ou n’aient d’autre choix ? – de proposer une sorte de « relooking », une transformation quelque peu superficielle où l’objectif de « coller » au plus près aux critères fixés par arrêtés l’emporterait sur celui de présenter une action culturelle cohérente et pensée en profondeur.
Un manque de concertation
Cette réflexion nous ramène une fois de plus à regretter que les associations d’éducation permanente n’aient pas été d’avantage associées, d’une part, et informées, de l’autre, dans la mise en œuvre d’un décret qui va avoir un tel impact sur leur travail au quotidien. Non seulement on aurait sans doute abouti à un décret moins éloigné de la réalité du terrain des associations – ce qui semble être le cas dans la mesure où la majorité des associations ne rentrent pas telles quelles dans le décret -, mais en outre les acteurs culturels auraient eu ainsi l’occasion d’assimiler les choses par étape, ce qui leur aurait facilité la tâche pour la réalisation de leur dossier de demande de reconnaissance.
Compter les points…
Pour se situer par rapport au nouveau décret, la stratégie la plus cohérente est de partir de la réalité du travail de l’association et de voir quel(s) axe(s) et quelle(s) catégorie(s) correspondent le mieux. Pourtant, lorsqu’on lit les arrêtés, on ne peut s’empêcher de se dire que certains seront peut-être tentés de procéder à l’inverse, et de fixer d’abord le nombre de points et donc le montant des subventions qu’ils souhaiteraient avoir, puis de choisir les axes et les catégories en conséquence. C’est là l’un des écueils possibles d’un système à points, où l’on cumule les subventions si on multiplie les axes, les thématiques d’action, les activités… Un écueil qui, à terme, pénaliserait les associations. Car il ne suffit pas d’avoir des moyens financiers pour mener à bien une action culturelle et, dans le cas qui nous occupe, pour rencontrer les critères du décret. La cohérence entre le travail et les objectifs, la nécessité d’atteindre la public visé, la stratégie de communication, de diffusion, sont autant d’exigences qu’on ne peut évacuer, et les associations qui auraient eu des ambitions démesurées risqueraient rapidement d’être confrontées à l’échec. Mais la tentation est là. Et il serait hypocrite de l’ignorer quand les fondements mêmes du décret l’induisent naturellement.
n
Un accompagnement
Pour éviter ce genre de dérives, et pour aider les associations à entrer dans le nouveau décret sans déformer complètement leur objet, leurs pratiques et leur fonctionnement, un accompagnement semble ici incontournable. A ce stade-ci, pourtant, rien n’est prévu de facto, et c’est aux associations de faire la démarche, si elles le souhaitent, pour pouvoir rencontrer un membre de l’inspection et faire avec lui un travail de réflexion en profondeur. De plus, comment l’inspection pourrait-elle, sans moyens spécifiques, faire face à cette masse de travail supplémentaire ? Jusqu’ici, les associations n’ont eu droit qu’à une séance d’informations générales en novembre et décembre dernier. Mais c’est maintenant, au moment où elles vont devoir réaliser leur dossier de demande de reconnaissance, qu’elles auraient besoin d’un véritable accompagnement spécifique et individualisé.
Quantité ou qualité ?
À la lecture des arrêtés, une question s’impose. Dans un système où le passage d’une catégorie de forfait à une autre supérieure est subordonné en grande partie au nombre (de thématiques, d’heures d’activités…), comment l’évaluation va-t-elle être exercée pour pouvoir distinguer quantité et qualité ? Et, à nouveau, ne risque-t-on pas de voir ici les associations multiplier les activités coûte que coûte, au détriment de la qualité, pour atteindre le nombre d’heures exigé – un nombre pour le moins élevé, si on sait que par exemple, en axe 1, dans la catégorie de forfait correspondant à 25 points, soit 63.525 euros, 320 heures d’activités sont exigées sur une année – ? Qu’est-ce qui, dans l’évaluation, va différencier une association qui réaliserait un véritable travail d’éducation permanente innovant, original et porteur sur un seul axe et une ou deux thématiques d’une autre association qui ferait pour sa part un travail moins cohérent et plus superficiel mais en cumulant deux axes et quatre thématiques d’action ?
Souhaitons que les associations prennent bien conscience des risques et des enjeux avant de se lancer dans une mission impossible, et qu’un encadrement, même minimum, soit rapidement mis en place afin d’éviter des erreurs dommageables, non seulement pour le monde associatif, mais pour l’action d’éducation permanente dans son ensemble.
A suivre…