Liège prend des accents bataves

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Le phénomène est invisible mais prégnant. Récent mais va en s’accélérant. Peu de gens en ont connaissance, et personne n’en parle: les citoyens néerlandais semblent être sujets d’un coup de foudre aussi soudain que surprenant pour la ville de Liège. Ils deviennent propriétaires de maisons de maître et de commerces, en centre-ville comme en banlieue. Est-ce l’ambiance de notre ville qui les attire? Pas vraiment! Des opportunités professionnelles alors? Non plus!… Alors quoi?

Flash-back

1er janvier 2001. Le régime fiscal hollandais, qui pénalise depuis plusieurs années les multi-propriétaires, se dote d’une nouvelle disposition relative à l’achat d ‘immobilier à l’ étranger. Désormais, les propriétaires habitant et travaillant aux Pays-Bas peuvent bénéficier d’une exonération fiscale sur le revenu des remboursements d’une hypothèque lorsqu’ils investissent en dehors des frontières hollandaises. En clair, si un citoyen néerlandais désire investir dans l’immobilier outre-Moerdijk et y détenir plusieurs propriétés, il se verra fiscalement pénalisé. En revanche, il aura tout intérêt à le faire dans un pays frontalier, en l’occurrence en Belgique. La raison est simple : la densité d’ habitants par kilomètre carré aux Pays-Bas est telle que le gouvernement batave a cherché à freiner les ambitions immobilières des concitoyens, de façon à garantir une certaine égalité des Néerlandais face à l’inflation immobilière qu’implique une concentration du marché dans les mains de quelques propriétaires.

Depuis, c’est la razzia sur l’immobilier belge! Le phénomène a débuté en zone frontalière, de Hasselt à Saint-Vith, et a progressé vers Liège, lentement mais sûrement. Les investisseurs hollandais font désormais les beaux jours des agences immobilières liégeoises. Certaines se sont mêmes spécialisées dans cette clientèle aux revenus financiers conséquents, allant jusqu’à ouvrir des succursales dans la ville de Maastricht, à un jet de pierre de la frontière. C’est notamment le cas de L’agence Wolf, basée à Haccourt, qui gère l’îlot Saint-Michel, en plein cœur de Liège. Ce sont principalement des particuliers qui y achètent des appartements, qui «viennent une fois et ne reviennent jamais» selon les voisins.

À côté de ces «petits» propriétaires qui ne s’intéressent qu’à l’immobilier de type résidentiel, ce sont les grands entrepreneurs qui font désormais main basse sur le marché liégeois. Et ils voient grand: le centre commercial «Belle-Île», les magasins Lidl et Aldi, des terrains situés à Bavière ont récemment fait l’objet de convoitise des investisseurs. Certains seraient actuellement en train de négocier les modalités de vente de la Chartreuse.

Le marché et ses revers

Si les agents immobiliers se frottent les mains à la vue d’une telle manne d’argent frais, ce phénomène a également ses inconvénients. Et le dindon de la farce semble être en définitive le citoyen liégeois qui entend lui aussi investir dans l’immobilier. Car, répondant à la sacro-sainte loi de l’offre et de la demande, le marché flambe, et les prix grimpent en flèche. Une inflation pas encore perceptible à Liège, mais qui a déjà fait des dégâts en zone frontalière: de 1999 à 2004, le prix du mètre carré de terrain y est passé de 40 à 90 Euros. Une hausse qui, si elle n’est pas directement imputable à l’arrivée de ces nouveaux investisseurs, reste néanmoins la principale conséquence d’un marché en pleine expansion. Et ce n’est pas tout! Les ressortissants hollandais, plus enclins à résider de manière permanente dans des villages à proximité de la frontière néerlandaise, y agissent en véritable lobby, et font pression sur les autorités et institutions locales pour que celles-ci répondent à leurs souhaits. C’est notamment le cas des écoles primaires qui, pour «préserver» leur quota d’enfants inscrits auquel correspondent des subventions de la Communauté française, se plient aux desiderata de tout ordre, depuis des exigences «de cantine»
jusqu’à celles, plus sérieuses, de sécurité.

À Liège, encore rien de tout cela. Mais au train où vont les choses, il sera bientôt trop tard pour inverser la tendance. D’autant plus que les autorités liégeoises ne semblent pas prendre le problème très au sérieux.

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