On prête au ministre des transports wallon, Michel Daerden, l’intention d’utiliser lors de la prochaine campagne électorale l’argument — ou plutôt le slogan — suivant: «J’ai construit durant cette législature plus de kilomètres de Ravel que de kilomètres d’autorouteuuuuuuh!». Le Ravel, c’est ce réseau de «voies lentes» accessibles aux piétons, cyclistes et cavaliers qui traverse la Wallonie, souvent sur l’assise d’anciennes voies de chemin de fer désaffectées ou sur des chemins de halage. S’il est apprécié des promeneurs du dimanche, le Ravel ne constitue que rarement une alternative en termes de mobilité. Et puis, surtout, le coût respectif des deux infrastructures est sans commune mesure, au point qu’on peut trouver assez hallucinante la simple idée de les comparer sur base de leur kilométrage.
On peut le dire clairement, la politique wallonne en matière de mobilité relève d’une véritable schizophrénie. D’une part, la surenchère écologique ne trouve pas de limites dans les discours et toutes les personnalités politiques se déclarent partisanes de Kyoto, de la réduction de l’émission des gaz à effet de serre et de la préservation de l’environnement. D’autre part, les autorités régionales continuent à construire de nouvelles autoroutes (notamment au Sud de Charleroi et à l’Est de Liège) alors que la Belgique est déjà — et de loin — le pays qui, au monde, en compte le plus grand nombre de kilomètres au kilomètre carré. De même, parmi les pôles autour desquels doit s’articuler le tant attendu redressement-économique-de-la-Wallonie, on a rien trouvé de mieux que de mettre au premier plan… les aéroports alors qu’on sait que le développement de ce mode de déplacement est parfaitement incompatible avec le problème climatique qui se pose.
Et ces investissements consentis en faveur des aéroports ou du développement autoroutier restent largement, infiniment, supérieurs à ceux que la Wallonie consent aujourd’hui en faveur de moyens de transports moins polluants. Les pistes cyclables restent l’exception sur les routes et dans les villes de Wallonie, y compris parmi les infrastructures nouvellement construites ou rénovées où l’on « oublie » la plupart du temps de prévoir un espace pour les cyclistes. Les grandes villes ne disposent toujours pas d’un réseau de transports en commun digne de ce nom (tram, tram-train ou RER,…) tandis que les habitants de certains villages reculés peuvent s’estimer heureux s’il y passe trois bus par jour. Tout cela n’empêche pas le gouvernement, qui investit pourtant des centaines de millions d’euros dans ses nouvelles autoroutes, de prétendre qu’il n’a pas les moyens d’une politique ambitieuse en matière de mobilité commune et écologique.