Les précaires de l’Euromayday s’emparent du premier mai

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Un réseau européen

Si la tradition d’organisation de premiers mai alternatifs n’est pas récente à Liège, son inscription depuis fin 2004 dans un réseau européen d’activistes venus d’une dizaine de pays du continent contribue cependant beaucoup à lui donner à une résonance inédite jusqu’alors. L’Euromayday a en effet été fondé à Milan, capitale des précaires européens, en 2001. Les années suivantes, des liens se sont tissés avec des groupes de Paris et de Barcelone et en 2004, l’Euromayday, organisée simultanément à Milan et Barcelone, réunissait 100~000 personnes, suite à quoi fut fondé en octobre 2004 — en marge du forum social européen de Londres — un réseau européen qui est parvenu à organiser au printemps suivant des manifestations simultanées dans une douzaine de villes, réunissant 200~000 personnes, puis 300~000 en 2006.

Si l’année 2007 voit un essoufflement de certains groupes historiques — les collectifs de précaires l’étant généralement eux-mêmes aussi, de sorte qu’il n’y aura pas de parade cette année à Paris ou à Barcelone, notamment, même si les collectifs locaux continuent à y travailler et à y organiser d’autres événements — de nouvelles villes, dont Naples, continuent à rejoindre le réseau et certains groupes montent très nettement en puissance, notamment les collectif berlinois et hambourgeois, largement engagés dans la mobilisation contre le sommet du G8 qui se tiendra au début du mois de juin à Rostock, au Nord de l’Allemagne. Les collectifs scandinaves sont également en bonne forme, et la mayday de Copen-hague devrait être fortement marquée par les émeutes qui ont lieu dans cette ville suite à l’expulsion violente par le gouvernement du quartier alternatif de Christiana. En Andalousie, les initiatives se multiplient pour traverser la Méditérannée et la mayday, organisée en collaboration avec des collectifs marocains, y sera clairement placée sous le signe des droits des migrants. Enfin, l’Euromayday commence à sortir de ses limites européennes, avec des initiatives prises au Japon et aux Etats-Unis sous le label «Mondomayday».

Thématiques transversales

Le point commun à ce large réseau d’activistes est une préoccupation commune pour la précarité, articulée autour des deux pôles communs que sont d’une part la question de la précarité du travail — celle des travailleurs flexibles, temporaires, intérimaires, jobistes étudiants, working poors,… — et d’autre part la situation des migrants, dont tout le monde s’accorde à considérer qu’ils subissent la forme la plus violente de précarité aujourd’hui en Europe. Ces mots d’ordre communs se déclinent cependant en de multiples sous-thèmes, selon les sensibilités et les priorités politiques ressenties par les groupes locaux. Sont ainsi mises en avant, pèle-mêle, la défense des services publics, la gratuité des transports, la défense des droits des chômeurs et des allocataires sociaux, la résistance au G8, la légalisation du cannabis, la liberté de partager des données numériques sur le net, la place des cyclistes dans la ville, le droit au logement, la lutte contre la société de surveillance, la résistance à l’agression publicitaire, etc

Une autre caractéristique du réseau Euromayday est une volonté commune de lier les questions politiques entre elles de façon originale, ce qui est sans doute nécessaire au vu de la profusion débordante – presque d’inventaire à la Prévert – que peut parfois constituer un tract de la mayday. Ses activistes mettent en avant la nécessité de tenir un discours politique plus global, de ne pas se laisser enfermer dans l’accumulation de groupuscules et de discours politiques sectoriels, mais au contraire de faire émerger des cohérences, des transversalités entre ces différentes chapelles. De là vient ce rapport permanent fait entre les conditions de travail et de vie des travailleurs précaires et la précarité des sans-papiers, ou le lien entre précarisation sociale et dégradation de l’environnement.

À Liège, le processus est ainsi marqué
depuis un an par la rencontre avec les militants de l’UDEP, qui s’étaient mobilisés en masse l’année dernière et qui s’impliquent cette année activement dans l’organisation du processus et de la parade.

L’avenir du processus?

Si la mayday met donc en avant une série de thématiques bien identifiées et adopte généralement une posture assez radicale concernant ses principaux thèmes que sont la précarité du travail et les droits des migrants, la volonté de conserver les parades comme espace d’expression n’en reste pas moins forte. Pour conserver cette ouverture et rester un espace où chacun qui se trouve en phase avec ces deux thèmes centraux puisse venir exprimer sa singularité, les organisateurs tentent d’éviter de trop entrer dans le détail de ce que pourrait être un « programme » politique des précaires rebelles. Le discours politique reste malléable, variable, chacun pouvant s’approprier les lieux pour y afficher son message.

Se pose dès lors la question de l’avenir du processus Euromayday. Car, au-delà du travail de mise en lumière des processus de précarisation, au-delà du travail de construction d’une identité collective des précaires, des enjeux beaucoup plus pragmatiques ne vont pas manquer de se manifester, à commencer par la récupération du thème de la précarité à toutes les sauces dans le discours politique. La nécessité se fait également sentir pour de nombreux membres du réseau de prendre le temps de travailler collectivement à la construction d’un argumentaire plus solide, de mieux faire circuler et traduire l’information, de coordonner des luttes qui se mènent dans différents pays.

Pour ces différentes raisons, des discussions ont actuellement lieu visant à mettre assez rapidement sur pied une structure permanente qui pourrait remplir ces différentes missions. C’est sans doute là la prochaine étape du processus et la structure en question devrait prendre le nom de «Radical Europe» 1. Autour de l’objectif central de relancer un processus de construction européenne basé sur une démocratisation radicale des institutions de l’Union — suppression de l’intergouvernementalité, adoption d’un traité social européen susceptible de garantir des droits sociaux fondamentaux –, elle tentera de s’appuyer sur la puissante mobilisation sociale qui se généralise en Europe pour imposer les questions sociales et environnementales dans l’agenda de l’Union, aujourd’hui lamentablement dominée par la libéralisation des marchés et le renforcement des politiques répressives et sécuritaires.

Mayday Mayday!

Notes:

  1. Voir [->http://radicaleurope.org/]

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