C’est en Suisse qu’on aurait inventé le téléphérique — mais pas immédiatement pour transporter des skieurs en vacances. Le plus vieux téléphérique daterait de 1866 et aurait eu un usage industriel et un but fluvial : il servait à relier les 2 berges du Rhin, dans la ville de Neuhausen am Rheinfall. Dès 1879, encore en Suisse, le premier téléphérique touristique est mis en service par l’hôtel Geisbach. Et, toujours en Suisse, en 1908, on lance l’exploitation du premier téléphérique public pour le transport de personnes : un échec — fermé pour cause de guerre mondiale en 14, il sera démonté en 34. Dans le courant du XXe siècle, l’industrie et le tourisme ont fusionné ; en montagne (Suisse, Italie, France,…) ou sur les bords de Meuse (Dinant, Huy), les téléphériques sont souvent en même temps publics et touristiques.
Le funiculaire, ce n’est pas vraiment pareil. Techniquement d’abord : le wagon est posé sur des rails (personne n’est suspendu en l’air). Pratiquement ensuite : le premier funiculaire est lyonnais, il a été inauguré en 1860 et reliait le centre (dans la vallée) au quartier périphérique de la Croix-Rousse (sur le plateau), il s’inscrit immédiatement dans une perspective de transport public en milieu urbain. La ville du funiculaire par excellence, c’est Valparaíso, au Chili. Son réseau de 22 lignes en activités est inscrit au patrimoine mondial de l’humanité — et ne semblerait pas pour autant se réduire à une attraction touristique. Québec, San Francisco, Lisbonne, Prague, Paris ou Budapest ont tous un ou plusieurs funiculaires — souvent des restes d’un réseau autrefois plus étendu et aujourd’hui plutôt à l’usage des promeneurs et touristes.
Depuis quelques années, de Portland à Issy-les-Moulineaux en passant par Barcelone, funiculaire et téléphérique reviennent à l’ordre du jour, comme en témoigne, plus près de chez nous, l’ouverture récente d’un funiculaire dans la ville de Spa pour desservir un complexe thermal. Moins polluants et plus rapides à la fois, ils offriraient une réponse idéale et presque inespérée aux problèmes d’écologie et de mobilité en milieu urbain vallonné. Un peu d’astuce technologique, d’imagination urbanistique et voici deux des grands problèmes du millénaire naissant qui sont en voie de résolution. Les associations de riverains semblent pourtant sceptiques – pour eux, c’est soit de la poudre aux yeux, soit un plan pour touristes, soit les deux. Survoler les villes en téléphérique ou transporter les citadins en côte grâce au funiculaire : fausse solution miracle qui défigure le paysage ou vraie alternative à la voiture et à l’engorgement urbain qu’elle produit ?
En Wallonie et à Bruxelles, tout le monde le sait, il n’y a pas de montagnes. Restent quelques belles côtes à franchir, même en ville — cyclistes et piétons l’auront remarqué : il faut parfois du souffle et de la condition physique. Quelles initiatives originales et (plus ou moins) probantes les pouvoirs publics peuvent-ils bien imaginer pour nous permettre d’atteindre les sommets : un tire-fesse entre le Grognon et la Citadelle à Namur, un escalator entre la ville basse et haute à Charleroi, un téléphérique entre l’esplanade St Léonard et l’hôpital de la Citadelle à Liège? Rien de bien innovant ne semble prévu — signalons quand même l’ascenseur des Marolles en fonction depuis 2002, accessible gratuitement à tous (même les cyclistes) de 6h à 23h. C’est dommage car il y dans ces technologies un véritable potentiel qui semble aujourd’hui trop peu utilisé et permettrait dans certains cas de dissoudre quelques points noirs en matière de mobilité collective tout en donnant un air plaisant à certains coins de nos villes.